Valeur du SI : de la valeur patrimoniale à la valeur d’usage
Chronique parue sur CIO-online.com, le 04 novembre 2008
La question de la valeur du Système d'Information (SI) ou d'une application revient de façon récurrente. Il est indéniable que le SI représente une part importante du capital immatériel de l'entreprise, au même titre que les marques ou les brevets. Cependant, combien de fois avons-nous entendu les explications mal assurées d'un responsable d'application sur la valeur de celle-ci ou l'incompréhension d'un directeur opérationnel sur les bénéfices recherchés par un projet ?
Parler de valeur de l'actif(*) SI est souvent réduit à une liste de fonctionnalités ou pire à un schéma d'architecture fonctionnelle, à mille lieux de la valeur(**), au sens financier du terme.
La valeur du SI n'est certainement pas son coût
D'un point de vue comptable, les investissements réalisés sur le SI sont imputés sur les comptes d'immobilisations incorporelles sur la base d'une évaluation du coût historique ou de sa juste valeur au sens des normes IAS/IFRS.
L'évaluation au coût historique, basée sur les coûts de mise en oeuvre, définit la valeur du SI comme étant son coût de construction. La réévaluation de celle-ci à sa juste valeur présuppose de plus qu'il y ait un marché du SI fournissant un benchmark fiable.
Une application gérant 40 milliards d'euros d'encours bancaires ayant coûté 50 millions d'euros a-t-elle une valeur de 50 millions ?
La valeur patrimoniale inscrite dans les comptes n'est en aucun cas la contribution du SI à la chaîne de création de valeur de l'Entreprise.
La valeur du SI se révèle dans sa valeur d'usage
La rentabilité des capitaux est attribuable à l'entité qui utilise l'application et non à l'application elle-même. Déterminer les flux de trésorerie futurs pour une application n'a donc pas véritablement de sens.
Une application gérant 40 milliards d'euros d'encours bancaires ayant coûté 50 millions d'euros a-t-elle une valeur de 40 milliards ?
Nous pouvons développer à loisir des modèles complexes pour identifier la contribution du SI à la rentabilité directe de l'Entreprise, alors qu'elle se décrit naturellement sous nos yeux :
Arrêtez une application un mois et regardez l'état de performance de l'entité utilisatrice... Observez les utilisateurs, ils s'auto-organisent naturellement pour traiter manuellement les opérations avec Excel et leurs mails.
La valeur d'usage est le prix de la couverture contre une panne par des employés
La valeur du SI s'observe dans la comparaison entre les coûts engendrés par le maintien des performances de l'entité avec et sans celui-ci, remplacé par des employés (ETP) valorisés au prix du marché. Il s'agit d'une valeur d'usage du SI est finalement son prix de couverture en cas de panne par des hommes...
La valeur de notre application gérant 40 milliards est donc le nombre d'ETP qu'il faudrait recruter pour maintenir le fonctionnement courant de l'entité en cas d'arrêt du SI.
Il est possible d'attribuer une survaleur (goodwill) à la valeur d'usage pour refléter l'intérêt stratégique d'une application, par différence entre sa valeur d'usage espérée et actuelle.
La survaleur du site d'Amazon.com est la différence entre son chiffre d'affaires et le coût du remplacement du site par le service client prenant les commandes par mail ou téléphone.
Gouverner le SI par la valeur consiste à maximiser la valeur d'usage du SI
Gouverner le SI par la valeur revient à suivre et à décider sur la base d'un portefeuille de valeurs d'usage de chacune des applications. Cela ouvre des perspectives étonnantes en matière de gouvernance, de pilotage et de marketing du SI auprès de l'Entreprise.
Le DSI devient un peu plus asset manager(***) de l'Entreprise que patron de SSII.
(*) Le SI appartenant au capital immatériel de l'Entreprise peut être considéré comme un actif de l'Entreprise.
(**) La valeur au sens financier du terme est la valeur actualisée des flux financiers futurs. Elle est difficilement assimilable à une fonctionnalité.
(***) Gestionnaire de l'actif SI pour le compte de l'Entreprise.