School of Product 2023 - Et l'impact responsable dans nos produits ?

C’est le sujet qui n’a pas quitté Tiphanie Vinet depuis qu’on lui a posé la question “l'impact responsable, comment ça se passe dans la démarche [d’approche par l’impact] ?" lors d’une formation qu’elle a donnée à la fresque du climat sur l'approche par l'impact.

Et c’est aussi le sujet dont elle a choisi de nous parler lors de cette édition 2023 de la School of Product. Elle y donne des définitions, des conseils et des outils concrets pour nous aider à faire les premiers pas. J’ai eu la chance d’y assister et je vous partage dans cet article ce que j’en ai retenu.

Quelle définition met-on derrière le mot impact ?

Avant de parler d’impact responsable, commençons par définir “l’impact” afin de partager un vocabulaire commun. Si on l’applique au contexte de l’entreprise : il s’agit de la conséquence de ce qu’on fait sur quelque chose ou sur quelqu’un.

Tout au long de ce talk, Tiphanie va nous parler d'approche par impact qui est liée dans la démarche à la culture produit. Dans une démarche avec une approche par impact, il y a la notion d'ambition (= cap, vision) qui va être associée à X impacts mesurés régulièrement pour permettre de prendre des décisions factuelles. Cette approche change notre rapport à l'information et nous permet de nous baser sur des faits.

“C’est en chassant l’implicite que l’on passe de la croyance à la connaissance !”

Illustration définition approche par impact

Il existe 3 types d’impacts :

  • Impact Produit/Service : laisser une trace sur les utilisateurs à travers le produit/service. Exemples:

    • Obtenir X nouveaux utilisateurs actifs sur notre produit par mois
    • Augmenter de X la mise en favoris de produits
  • Impact Direct utilisateur : concerne les équipes en interaction directe avec les utilisateurs comme par exemple le marketing, les sales et le support. Exemples :

    • Accroître de X le nombre de followers sur nos réseaux privilégiés
    • Diminuer de X heures notre temps de réponse aux demandes clients
  • Impact Organisationnel : changer le système interne pour modifier l’impact sur les autres et sur le business. Exemples:

    • Réduire de X jours le temps de la mise au sprint planning d’une User Story à la production
    • Augmenter de X le nombre d’User Stories se basant sur de la donnée qualitative et quantitative

A noter que pour aller sur de l’impact responsable, il faut au moins une de ces typologies d’impact.

Comment l’appliquer au responsable ?

Tiphanie a utilisé la représentation du triangle responsable pour illustrer ses propos.

Triangle responsable : avec les trois pointes suivantes : "Humain", "Planète" et "Argent".

Voici comment interpréter les trois pointes du triangle:

  • Humain : accessibilité, inclusion, sens, qualité de vie, angles sociétaux, éducation, justice, société. Exemple :

    • Déclarer une conformité partielle RGAA (Référentiel général d’amélioration de l'accessibilité) de X %
  • Planète : ressources naturelles, environnementales, émission de déchets, climat, consommation, optimisation, recyclage. Exemple :

    • Optimiser la quantité de ressources utilisées en fonction de la consommation du service de X points
    • Supporter des appareils de plus de X années (pointe “Planète” et “Humain”)
  • Argent : création de valeur, viabilité, rentabilité, développement au regard d’une frugalité. Être dans une croissance maîtrisée : une croissance voulue mais frugale.

Il faut noter que dans son intervention, Tiphanie a choisi de faire un focus sur les pointes ‘Humain’ et ‘Planète’ plutôt que ‘Argent’.

Et si les enjeux responsables devenaient la condition de réussite de notre approche par l’impact ?

L’intention ici étant que tout le monde se questionne autour de ce sujet et que ça devienne une norme. Pour chaque action dans la roadmap, se poser la question : est-ce que ça favorise, pénalise ou n’a pas d’effets sur nos conditions de réussite responsables ?

Pour formuler la condition de réussite, Tiphanie propose la sémantique suivante : Obligation (ou interdiction) + verbe à l’infinitif + chiffre + contexte. En reprenant les exemples précédents, cela donne :

  • Obligation de déclarer une conformité partielle RGAA de X %
  • Obligation d’optimiser la quantité de ressources utilisées en fonction de la consommation du service de X points
  • Obligation de supporter des appareils de plus de X années

Comment s’inspirer ?

Voici 3 pistes et outils qui permettront de démarrer les discussions et de tirer les premiers fils sur les impacts responsables :

  1. Piste n°1 : Identifier sa condition de réussite grâce au RGESN (Référentiel Général d'Écoconception des Services Numériques). Ce référentiel, qui n'a pas de contrainte juridique aujourd'hui, comporte 80 questions sur 4 angles différents: stratégie, design, technique et architecture, ce qui permet d'avoir une vision 360. Voici quelques exemples de questions:
    • 4.17 – Le service numérique propose-t-il des notifications uniquement lorsque c'est nécessaire ?
    • 3.2 – Le service numérique fonctionne-t-il sur une architecture pouvant adapter la quantité de ressources utilisées en fonction de la consommation du service ?
    • 1.12 – Le service numérique publie-t-il une déclaration ou une politique d'écoconception ?
  2. Piste n°2 : Utiliser le RGAA (Référentiel Général d'Amélioration de l'Accessibilité). Tiphanie propose 2 quick wins qui peuvent être intéressants à aller chercher sur l’accessibilité :
    • Les 10 easy checks (lien) : tests fonctionnels rapides pour tester l’accessibilité d’un site Web. Les respecter permettrait d’atteindre pratiquement les 50% de conformité sur le produit.
    • Le Design accessible sous forme de checklist (lien) est également intéressant à suivre lors de la conception. Capture d'écran du site : Checklist - Design accessible
  3. Piste n°3 : Analyser l’éco-index de votre produit. Beaucoup d’outils permettent de regarder les produits Web, Tiphanie nous propose l’outil greenIt. Il permet de faire un diagnostic de l'éco index produit mais aussi de donner des bonnes pratiques.

Comment faire les premiers pas ?

Il faut d’abord se poser la question de la maturité de l’écosystème et adapter sa stratégie en fonction.

Pour l’éco-système le plus mature, c’est-à-dire celui qui a déjà une approche par l'impact en place :

  • Choisir 1 seule condition de réussite responsable
  • Mettre en place la mesure régulière de la condition
  • Définir sur la roadmap les hypothèses d’impact sur la condition (les actions qui vont arriver vont-elles favoriser, pénaliser ou ne pas avoir de conséquence sur la condition?). Revoir la priorisation en incluant ce paramètre.

Pour l’éco-système intermédiaire où il y a la volonté de faire de l'impact mais sans y être pour l’instant (par exemple : difficulté à mesurer ou si une seule équipe est engagée sur cette approche):

  • Remplir le questionnaire RGESN
  • Identifier 3 à 4 axes pertinents à la portée du produit
  • Etudier la faisabilité de mesure de l'ensemble des axes
  • Choisir 2 axes mesurables régulièrement
  • Récolter la data 0 (première mesure)
  • Identifier comment la roadmap impacte les mesures

Pour l’éco-système non mature : celui où le contexte n’est pas propice: L’idée ici serait de rendre l’écosystème responsable. S’inspirer de la théorie U qui dit que c’est en changeant et en apportant des choses en interne qu’on va avoir des retombées sur le produit et les utilisateurs. Tiphanie propose des pistes sur différents aspects :

  • Sur la pointe ‘Humain’ : Autonomie de l'équipe, sécurité psychologique de l’équipe, vision partagée, stratégie claire, droit à l’erreur.
  • Sur la pointe ‘Humain’ et ‘Argent’ : Simplification des étapes de validation, efficience de la mise en production (CICD), automatisation des tests, frugalité dans les processus.

Pour aller plus loin :

  • Un parallèle intéressant est à faire avec la méthode OKR pour ceux qui l’utilisent : vous pouvez conditionner votre approche OKR d’une condition de réussite.

    • Ambition = O = Objective
    • Impacts = KR = Key results = critères de succès
    • Contribution = Initiatives = action/solution = roadmap
  • Outils supplémentaires qui permettent de faire les liens de causes à effets entre décisions et impacts : roue des futurs, KPI tree, arbre à problème.

A retenir :

  • Ne choisissez qu'une seule condition de réussite : le plus important c'est d'embarquer l'ensemble des collaborateurs dans la démarche responsable plutôt que d'avoir une réussite responsable qui peut potentiellement disparaître au bout de quelques mois.
  • L'intention responsable est le premier pas : c'est vous avec votre démarche responsable qui allez faire bouger les lignes. Même seul, vous avez le pouvoir de le faire.
  • S'adapter à la maturité de votre écosystème.
  • Utiliser le triangle responsable pour amener du storytelling.

Qui est Tiphanie Vinet ?

Tiphanie Vinet est arrivée dans le milieu du travail au moment où l’argentique - sa formation d’origine - disparaissait et qu’on passait dans le monde numérique. Elle est rentrée dans la startup venteprivée.com par l’image et est sortie quelques années plus tard dans le produit. Se tournant vers le conseil, elle est aujourd’hui coach produit chez Octo et spécialisée dans l’approche par impact.

Chronologie illustrant le parcours professionnel de Tiphanie Vinet. Présente sur LinkedIn et Medium.

C’est lors d’une formation pour la fresque du climat en 2022 sur l’approche par l’impact et OKR qu’elle s’est intéressée plus particulièrement à la problématique de l’impact responsable et qu’elle continue de s’y intéresser depuis.

Tiphanie Vinet est la co-autrice des livres blancs ‘Piloter le produit par l’impact grâce aux OKR’ et S’organiser pour avoir de l’impact. Elle est également autrice de la préface du livre ‘La boîte à outils de la méthode OKR - Objectifs et résultats clés’ de Laurent Morisseau.