School of Product 2025 : les 5 notions à retenir

School of Product 2025 : les 5 notions à retenir

La 8ème édition de la conférence Produit et Design organisée par OCTO Technology s'est déroulée le mardi 18 novembre, toujours dans les prestigieux locaux de la Cinémathèque à Paris.

On avait rendez-vous comme l’an passé avec le caméléon, notre mascotte Produit, et le thème cette année était : “Comment conjuguer performance, prise de risque et bien-être ?”

Marina Wiesel et Ghislain Joliot, les deux consultants OCTO responsables de la curation, ont mis le doigt sur un sujet d'actualité, et nous ont invités à ralentir tout au long de cette journée : talks inspirationnels, pause déjeuner plus longue, temps de networking et salle “chill” à disposition.

Marina Wiesel, Laure Constantinesco et Ghislain Joliot à la School of Product 2025

L’an dernier, j’animais la conférence, mais cette année, j’ai pris ma casquette de journaliste et voici les 5 infos essentielles à retenir, de mon point de vue, de cette édition de la School of Product. Et pour aller plus loin, des CR détaillés de chaque conférence sont publiés petit à petit sur le blog OCTO… Oui on vous gâte ! 🙂

1/ Être robuste plutôt que performant

Le concept de robustesse était un thème central de la conférence, principalement développé par Olivier Hamant.

Olivier Hamant, chercheur au CNRS et directeur de l'institut Michel Serres, démarre en keynote d’ouverture en nous rappelant que nous vivons dans un monde en total burn out (des individus à la planète) et en nous enjoignant de “repenser notre obsession de la performance” car nous pensons depuis 10 000 ans que le progrès est synonyme de performance (non, ce n’est pas de votre faute).

Olivier Hamant à la School of Product 2025

Il nous présente la robustesse comme l'opposé de la performance constante, car selon lui, les systèmes trop optimisés épuisent les ressources et deviennent donc fragiles. Un système stable et viable est d'abord un système robuste, capable de vivre avec les fluctuations. Cela est valable pour un être humain, mais aussi pour tout autre système comme une entreprise. Par exemple : la température corporelle à 37 degrés est le "mode robuste" (moins performant, mais stable), tandis que la fièvre est le "mode performant" (efficace pour combattre virus et microbes, mais fragile).

Pour Olivier Hamant, l'avenir du progrès ne résidera plus dans des gains de performance, et il faut "aller aux marges pour apprendre" - s'inspirer par exemple des solutions inventées par des collectifs de citoyens ou des artisans. Il faut aussi de la techno diversité (plusieurs plans au lieu du meilleur plan) et des technologies émancipatrices (comme le logiciel libre). Dans le monde fluctuant, la concurrence doit disparaître au profit de la mutualisation (par exemple répondre collégialement avec ses concurrents).

On a à nouveau entendu parler de robustesse lors de la table ronde “Et si ralentir faisait gagner du temps ?”: la discussion s’est conclut sur l'idée de rechercher la performance durable dans le temps et de se rapprocher ainsi des notions de robustesse.

Enfin, lors de la clôture de la journée, Ghislain Joliot a proposé d’oser prendre des risques sans s’épuiser : Il a encouragé à se faire confiance, à pouvoir se tromper collectivement, et à réconcilier l’humain et le produit. Comme le disait Eisenhower, "quand vous bloquez sur un problème, élargissez-le"...

2/ Prendre le temps de ralentir

Nous vivons dans un monde où nous appuyons en permanence sur le bouton “accélérer” - que celui ou celle qui n’a pas écouté un vocal ou un podcast en X2, regardé une vidéo YouTube en accéléré ou encore fait du multi tasking lève la main !

Ne serait-il pas temps d’apprendre à ralentir ? Cela nous permettrait sans doute de "comprendre avant d’agir" et de reconnaître que la lenteur et la performance ne sont pas opposées.

Table ronde sur la scène de la School of Product 2025

Nils Lesieur, consultant OCTO (qui a mentionné le taylorisme et la grande accélération) et David Laizé, engineering manager chez Biomérieux (qui a parlé du Manifeste Agile) ont évoqué le besoin de revenir à un “rythme soutenable”, dans notre système actuel où on nous pousse à toujours accélérer.

Albane Veyron, experte en engagement et coach agile, nous propose de créer du vide et souligne l’importance du repos cognitif (méditation, non-activité) pour la régulation émotionnelle, la concentration et la prévention du stress/burnout.

En keynote de clôture, la championne de judo Clarisse Agbegnenou a confié au public avoir vécu une dépression, et a affirmé que la performance se crée dans les phases de repos. Malgré l'injonction à faire du judo, elle a donc intégré des zones de récupération (yoga, méditation, temps en famille), malgré les doutes ou l'incompréhension de ses entraîneurs. La contrainte de l'exigence athlétique l’a conduite à une approche holistique du bien-être et de la préparation.

3/ Quand l’accessibilité rime avec universalité

Ce n’est pas la première fois, surtout dans une conf OCTO (entreprise BCorp et engagée), qu’on assiste à un talk sur l’accessibilité ! Mais cette fois, c’était une invitation à vivre le handicap de l’intérieur : développeuse et experte en accessibilité chez Shodo, Emmanuelle Aboaf, sourde de naissance, est venue témoigner de ses difficultés avec le numérique, mais aussi de la manière dont la technologie lui a sauvé la vie !

Emmanuelle Aboaf est équipée de deux implants cochléaires : la technologie lui rend donc le monde plus accessible.

Emmanuelle Aboaf sur la scène de la School of Product 2025

Adolescente, elle qui ne pouvait pas téléphoner à ses copines s’est emparée de MSN pour discuter des heures ! Plus tard, elle a eu son premier téléphone - un Nokia 3310 avec un forfait spécial de 200 SMS — une technologie aujourd’hui universellement et majoritairement utilisée (oui on vous voit, vous qui avez peur de téléphoner !) qui, elle nous le rappelle, a été initialement pensée pour les sourds ! La loi du 11 février 2005 a permis l'émergence de solutions comme le centre relais téléphonique RogerVoice, lui permettant d'effectuer des démarches importantes (dont son achat d'appartement) de manière autonome.

Elle citait d'autres exemples comme les livres audio, les télécommandes, les sous-titres, ou les épluche-légumes. Bref, si vous, valides, utilisez cela aujourd’hui, au départ cela n’avait pas été pensé pour vous !

Pour elle, le meilleur moyen d'assurer l'accessibilité de vos produits est d'embaucher des personnes handicapées dans les équipes : “rien sur nous sans nous”. Cela sera toujours plus parlant que le référentiel RGAA (la norme française basée sur les normes internationales) ou de se rappeler qu’en France 12 millions de personnes sont porteuses de handicaps, et que pour 80% d’entre eux, ils sont invisibles… Ah et si vous pensiez que l’IA allait tout changer, c’est raté ! L'IA seule ne suffira pas à rendre les sites réellement accessibles car elle se nourrit des données existantes, or moins de 5% des sites sont réellement accessibles !

4/ Le changement ne peut advenir sans l’humain

Pour Romain Delassus, CTO chez Qubit Pharmaceuticals, le véritable objectif est de construire une capacité à faire durable plutôt que de s'épuiser à appliquer des méthodes théoriques.

Romain Delassus est revenu sur son expérience à la DSI du Ministère de la Culture, où nommé 3 mois avant le Covid, il doit mener la transformation produit. Il a déroulé la méthode “start up d’Etat” mais s'est vite heurté à la réalité, qui était une illustration de la loi de Conway. L'approche produit n'existe pas sans s'intéresser à l'architecture du SI et donc à l'organisation !

Aujourd'hui, il a compris qu’il faut faire des compromis, avoir conscience du cadre dans lequel on agit, et privilégier le long terme (ex. : l'urbanisation d'entreprise), et surtout qu’une roadmap sera toujours plus rassurante qu’un OKR !

Morgane Peng School of Product 2025

Morgane Peng, Head of Design à la Société Générale, se concentre sur les défis de collaboration et d'alignement entre les Product Managers, les Designers et les Développeurs. Elle veut les faire travailler ensemble sur le code, plutôt que chacun dans son silo, à utiliser le finger pointing dès qu’une erreur a lieu.

Elle a proposé par exemple d’harmoniser les outils (tout le monde est dans Github à la SG) les documents de discovery (tout le monde utilise le Lean Canvas au démarrage d’un projet) ou de partager la notion de coût de fonctionnement. Morgane Peng nous a aussi donné une astuce pour “traduire” le langage expert pour le Business : utiliser l'IA pour structurer la pensée business en utilisant dans son prompt "consultant McKinsey et pyramide de Minto" : effet garanti !

5/ Quand de la contrainte naît l’innovation

Nous avons enfin découvert comment transformer des limitations techniques, organisationnelles ou personnelles en facteurs de succès.

Olivier Hoffshir, PM chez Arte TV, a dû gérer une double contrainte pour le lancement des "Shorts" (vidéos verticales), car le player d'Arte TV ne gérait que les vidéos horizontales, et le lancement de la fonctionnalité avait été annoncé par la direction en septembre, laissant ainsi 4 mois de développement (août inclus) ! L'équipe a choisi l'expérience utilisateur du "bandit manchot" (le scroll infini de type TikTok) car elle nécessitait peu d'interface à développer, ainsi que de "tester en production" pour itérer rapidement après la MEP, plutôt que de suivre un processus trop long et théorique. Et cette approche a payé car la rétention des utilisateurs qui visionnent les “Shorts” est meilleure et la feature ne cannibalise pas les vidéos horizontales !

La judoka Clarisse Agbegnenou à la School of product 2025

En keynote de clôture, la judoka Clarisse Agbegnenou, athlète de haut niveau et championne mondiale et olympique, nous a expliqué comment elle avait utilisé les contraintes de sa vie et de sa carrière pour forger son succès et son développement personnel.

Née prématurément, Clarisse Agbegnenou a failli mourir quelques jours après sa naissance, puis a été malade jusqu'à 14 ans, ce qui lui a donné un esprit combatif et la nécessité d'avoir une vision claire de ses objectifs.

Plus récemment, lorsque les JO de Tokyo ont été reportés à la suite de la pandémie, elle qui était en pleine préparation des Jeux a vécu cela comme “l'apocalypse”. La judoka française s’est alors forcée à se poser une question clé : "Qui suis-je à part une athlète de haut niveau ?" Cela lui a permis de s'orienter vers l'humain en suivant une école de coach de vie à HEC, où elle a vu “des vraies personnes qui ont des vrais problèmes” !

Ce que j’en retiens

D’un point de vue personnel, cette journée à fortement résonné avec mes problématiques actuelles. En effet, je suis en plein questionnement sur mon rapport au travail et plus largement mon rythme de vie : comme Olivier Hamant, je pense que nous sommes à la fin de la courbe de la “productivité” et comme les intervenants de la table ronde, je suis persuadée que ralentir nous fera in fine gagner en qualité.

Certes notre société n’est pas dans cette dynamique, mais je suis convaincue que nous pouvons chacun impulser des petits changements qui finiront bien un jour par faire boule de neige : essayer la méditation quelques minutes par jour, promener son chien avant le travail ou y venir en vélo, ne plus consulter ni répondre à ses mails et messages pros après 18h ou le week-end (quitte à enlever les notifications sur son téléphone), contrôler son temps d’écran et le remplacer par des activités qui reposent vraiment le cerveau et qui ne nécessitent pas beaucoup d’organisation : appeler un ami, aller au cinéma, lire un livre, faire un jeu de société, marcher, déjeuner avec un ami ou seul…

En tant que manager, prendre soin de son équipe : faire des réunions de 55 minutes et pas une heure pour avoir une pause entre deux points, ne pas imposer des réunions trop tôt ou trop tard dans la journée, des deadlines intenables, prendre des nouvelles des gens (surtout ceux qui ne viennent pas vous voir !), ne pas minimiser les souffrances qui peuvent être évoquées, et enfin déléguer vraiment : pas de micro management, ni d’inspection des travaux finis !

Restaurer la confiance et le “care” entre managers et managés me paraissent indispensables, et permettent à mon sens la robustesse et la résilience des équipes en ces temps économiques troublés qui maximisent les risques psycho-sociaux.

Bien sûr, il faut commencer par prendre soin de soi si on veut pouvoir aider les autres ! La fameuse histoire du masque à oxygène…

Peut-être est-il temps de mettre le vôtre ?