Le référentiel général pour l'écoconception des services numériques (RGESN)

Contexte

L'article 25 de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 vise à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France. Il prévoit que l'Arcep (l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) et l'Arcom (l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), en collaboration avec l'ADEME (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), doivent élaborer un référentiel général pour l'écoconception des services numériques (RGESN).

Le RGESN vise à établir des critères de conception durable des services numériques pour réduire leur impact environnemental. En vue de contribuer à un numérique plus soutenable, le référentiel poursuit quatre objectifs principaux :

  • Concevoir des services numériques plus durables permettant d’allonger la durée de vie des terminaux,
  • Promouvoir une démarche de sobriété face aux stratégies de captation de l’attention de l’utilisateur,
  • Diminuer les ressources mobilisées sur le cycle de vie du service numérique,
  • Accroître le niveau de transparence sur l’empreinte environnementale des services numériques.

Ce document technique s’adresse aux experts et professionnels du développement, de la conception et du design de tous les types de services numériques, qu'il s'agisse de sites web, d'applications mobiles, d'APIs, de logiciels à installer ou de logiciels en SaaS.

Aucun label, ni certificat se basant sur ce référentiel n’est pour l’instant prévu. Il s’agit d’abord de promouvoir une démarche volontaire d’écoconception des services numériques.

Face à un contexte alarmant en France, où 12% de l'électricité produite est consommée par le numérique, avec une prévision de +25% d'ici 2030 (notre-environnement), et où le numérique représente 2,5% de l'empreinte carbone nationale (Arcep), il est crucial de prendre en main ce document.

La première version du référentiel

La première version du référentiel a été publiée le 29 novembre 2022. Cette version propose 79 critères pour s'assurer que le service, qu'il soit opérationnel ou en phase de conception, suit une démarche d'écoconception.

Conçus pour être vérifiables, génériques et intemporels, ces critères permettent un auto-diagnostic de conformité du service numérique. Chaque critère est formulé sous forme de question, avec trois types de réponses possibles : "conforme", "non conforme" ou "non applicable". Les thématiques couvertes incluent la stratégie, les spécifications, l'architecture, l'UX/UI, les contenus, le frontend, le backend et l'hébergement.
Par exemple, voici un critère issu de la thématique “Stratégie” : "Le service numérique a-t-il défini ses cibles utilisatrices, les besoins métiers et les attentes réelles des utilisateurs cibles ?".

Pour faciliter le diagnostic, chaque critère est accompagné d'une fiche pratique détaillant son objectif, sa mise en œuvre et le moyen de test ou de contrôle. Un score de conformité peut être calculé de la manière suivante : Nombre de critères conformes / (Total de critères (79) - Nombre de critères non applicables). Un tableur et une extension NumEcoDiag sont disponibles pour simplifier ce calcul et permettre la création d’un badge à publier sur son service numérique.
Notez que cette extension fonctionne uniquement avec la version 1 du RGESN et n'a pas encore été mise à jour pour la version 2.

À l'instar de l'autoévaluation au RGESN, la déclaration d'écoconception est volontaire. Elle permet de détailler la mise en œuvre des critères du RGESN et peut être publiée sur le site internet du service numérique, par exemple dans les mentions légales, aux côtés de la déclaration d'accessibilité. Exemple de déclaration d’éco-conception : https://lesentreprises-sengagent.gouv.fr/eco-conception

OCTO a été sollicitée pour contribuer à cette v1 par Richard Hanna, chargé de mission interministérielle pour le numérique écoresponsable. Nous avons effectué une relecture et proposé des ajustements sur certains critères. Nous avions souligné que le principal avantage de ce référentiel est son applicabilité dès les phases d'exploration et de conception, avant même l'écriture de code. Cependant, son principal inconvénient réside dans le manque de concret et d'exemples pour passer à l'action. Ce référentiel est très complémentaire aux référentiels plus opérationnels, tels que les 115 bonnes pratiques et le guide d'écoconception de services numériques des designers éthiques.

L’appropriation par OCTO du RGESN

Chez OCTO, nous avons lancé un challenge interne pour intégrer la v1 du RGESN au cœur de nos projets en cours. Ce défi visait à sensibiliser et à faire s’approprier ce référentiel à nos équipes.

Le processus a débuté par des présentations individuelles détaillées du RGESN par l’équipe d’animation, adressées spécifiquement à chaque équipe volontaire représentée par le Product Owner (PO) ou le responsable de mission. Ces sessions personnalisées ont permis de contextualiser l’importance et les objectifs du RGESN, établissant ainsi une base solide pour l’évaluation.

Pour faciliter l’auto-évaluation, nous avons fourni aux équipes une feuille de calcul automatique. Les équipes volontaires, incluant au minimum un PO et un Tech lead, ont pu réaliser cette auto-évaluation en deux heures. En cas de doute ou de complexité, elles pouvaient solliciter l’équipe d’animation pour une revue, garantissant ainsi une évaluation juste et rigoureuse.

Afin de pouvoir évaluer la section consacrée aux pratiques d'hébergement, nous avons contacté plusieurs fournisseurs de services cloud. Cette démarche nous a permis de collecter des informations pouvant être partagées entre les projets utilisant les mêmes fournisseurs.

Sur la base de ces données, nous avons décidé d'approfondir notre analyse en examinant en détail chacun des critères, tout en comparant les principaux cloud providers. Pour découvrir plus en détail nos conclusions, consultez notre série d'articles disponible via ce lien.

Les trois deliveries ayant obtenu les meilleurs scores (situés entre 60% et 85%) ont été récompensés pour leur engagement et leur performance lors d’un afterwork convivial.

Cependant, seuls cinq projets ont été évalués de bout en bout. La gamification a certes aidé à sensibiliser et à faire s’approprier le référentiel RGESN, mais l'impact réel reste limité. Nous travaillons actuellement à dépasser le stade ludique pour intégrer plus systématiquement et sérieusement le RGESN dans nos pratiques quotidiennes.

La deuxième version du référentiel

Une consultation publique a été organisée par l'Arcep et l'Arcom, en collaboration avec l'ADEME, la DINUM, la CNIL et l'Inria, pour élaborer la version 2 du référentiel
Le 17 mai 2024, la v2 du RGESN a été dévoilée lors d'une présentation au Centre National des Arts et Métiers (CNAM). L'événement était soutenu par plusieurs entités gouvernementales impliquées dans les secteurs du numérique et de l'environnement.

Les principales évolutions de cette nouvelle version incluent :

  • Le passage de 8 à 9 thématiques, avec l'introduction d'une nouvelle thématique : l'Algorithmie qui concerne les services numériques reposant sur une intelligence artificielle (IA). Les critères associés visent à mettre en place des principes d’écoconception et de frugalité quant à l'entraînement et l’inférence des modèles algorithmiques utilisés pour l’IA.
  • Le nombre de critères est passé de 79 à 78. Plusieurs critères ont été supprimés, certains ont été fusionnés, d'autres renommés pour plus de clarté, et des critères ont été ajoutés dans toutes les thématiques, pas seulement dans la nouvelle thématique.
  • En plus de l’objectif du critère, sa mise en œuvre et le moyen de test ou de contrôle, des fiches détaillent également les métiers concernés et les services cibles (exemple, le critère “Le service numérique s’adapte-t-il à différents types de terminaux d’affichage ?” n’est pas applicable si le service numérique ne propose pas d’interface utilisateur sur écran).
  • L’ajout d’un niveau de priorité à chaque critère “prioritaire", "recommandé" et "modéré". Ces niveaux ont été définis en tenant compte de plusieurs facteurs dont l'impact estimé sur l'empreinte environnementale du numérique.
  • ​​Des niveaux de difficulté indicatifs sont également attribués à chaque critère.
  • Le score de conformité appelé désormais score d’avancement ou de maturité, est déterminé en fonction du nombre de critères applicables validés et prend en compte le niveau de priorisation de chaque critère. Ainsi les critères « Prioritaire » correspondent à une pondération de 1,5 ; les critères « Recommandé » à une pondération de 1,25 et les critères « Modéré » à une pondération de 1,0


[SOMME DES CRITÈRES VALIDÉS AVEC PONDÉRATION / TOTAL DES POINTS DES CRITÈRES APPLICABLES AVEC PONDÉRATION] x 100

Soit :
[Nombre de critères validés « Prioritaire » x 1,5 + Nombre de critères validés « Recommandé » x 1,25 + Nombre de critères validés « Modéré » / Nombre de critères applicables validés et non validés « Prioritaire » x 1,5 + Nombre de critères applicables validés et non validés « Recommandé » x 1,25 + Nombre de critères applicables validés et non validés « Modéré »] x 100

Un outil d’aide à l’évaluation des critères et au calcul du score est mis à disposition sous forme de tableur. L’extension NumEcoDiag n’est pas encore à jour à la date de sortie de l’article.

La contribution d’OCTO à la V2 du RGESN

A l'occasion de la consultation publique, OCTO a formulé des retours sur plusieurs aspects clés, notamment le modèle de déclaration d’écoconception. Nous avons exprimé des réserves sur le niveau de difficulté car la complexité de la mise en œuvre des critères varie considérablement en fonction de la nature du service et du contexte spécifique.

Par exemple, dans la thématique “Spécifications”, notamment concernant le sujet du décommissionnement, le critère "Le service numérique a-t-il prévu une stratégie de maintenance et de décommissionnement ?", évalué à un niveau de difficulté moyen, semble sous-estimer les défis liés à la mise en place de processus de décommissionnement et d’organisation correspondante, surtout en cas d’interdépendance.

Cette démarche nous a également permis de proposer des critères accentuant la sobriété numérique face aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs. Par exemple, en plus des critères basés sur le contenu, nous avons suggéré d'inclure des critères portant sur le temps d'utilisation des services numériques, tels que : “Le service numérique a-t-il une stratégie afin de limiter la durée d'attention des utilisateurs sur votre plateforme ?”.

Parmi les recommandations validées, nous avons proposé d'ajouter des précisions dans les nouveaux critères de la thématique Algorithmie. Ainsi, le critère initial “Le service numérique limite-t-il la collecte de données utilisées pour la phase d’apprentissage ?” a été reformulé en “Le service numérique limite-t-il la quantité de données utilisées pour la phase d’apprentissage au strict nécessaire ?”.

Notre avis sur le RGESN

Le RGESN est une initiative louable pour intégrer des critères d'écoconception dès la conception des services numériques. Cependant, il présente également quelques limites. Bien qu’il fournisse des recommandations et des bonnes pratiques, il manque parfois de directives précises sur la manière de les mettre en œuvre.

Un autre défi réside dans la subjectivité introduite par les critères de notation. Malgré des critères standardisés, une part significative de la décision repose sur les équipes, ce qui limite la comparabilité des résultats entre projets.

La sensibilisation et l'adoption du RGESN par les acteurs de l'industrie constituent également un obstacle. Une approche efficace pour surmonter ce défi consiste à former l'ensemble des équipes (managers, PO, développeurs, OPS, architectes, testeurs, etc.), ce qui permet de mobiliser toute l'entreprise dans une stratégie de réduction de l'impact de ses services numériques. Par exemple, nous accompagnons actuellement de grands comptes dans les secteurs de l'assurance et de l'énergie à former l'ensemble de leurs collaborateurs pour atteindre cet objectif.

Néanmoins, le RGESN reste une étape importante dans la prise de conscience de l'impact environnemental des services numériques et dans la promotion de pratiques plus durables.

L’avenir du RGESN

Lors de la présentation du 17 mai 2024, des réflexions en cours sur l'avenir du RGESN ont été partagées, mettant en lumière des initiatives et orientations clés pour son adoption. Parmi les annonces, l'ADEME a souligné son engagement à accompagner les PME dans la mise en place du référentiel, affirmant sa conviction que le RGESN doit influer sur les politiques de l'État. Selon Sylvain Waserman, président de l’ADEME : "L’achat public sera et doit se baser sur des critères environnementaux".

Les discussions ont également porté sur la nécessité de rendre certains critères du RGESN obligatoires, d'élargir son adoption à l’échelle européenne en traduisant le référentiel en anglais, et d'intégrer le RGESN au parcours de formation des futurs acteurs du numérique.

Sur ce dernier point nous sommes convaincus chez OCTO que la promotion d’une transition vers un numérique plus responsable et durable passe par la formation des experts du numériques, c’est pourquoi nous proposons différentes formations selon le profil :

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