Il y avait un Ironman dans la boîte

Il y avait un Ironman dans la boîte …

Image de Ironman en Lego

A cette époque j’avais une sorte d’accord avec mon fils. Il avait 6 ans et je m’étais engagé à lui acheter un jouet Lego pour chacun de mes déplacements professionnels qui m’obligeraient à passer plus de deux jours dans un autre pays.

Cette fois-ci, il avait mis la main sur un camaro. Un modèle au 1/43eme qui comptait 425 pièces rouges et jaunes. Nous avions décidé d’assembler la voiture la veille de mon départ. Je lisais les indications pratiques sur la boîte tandis que mon fils ouvrait les sachets contenant les pièces du lego.

- Qu’est-ce que ça dit papa ?

- Pour des enfants de six ans, l’assemblage prend deux heures.

- Deux heures ?

- T’inquiètes, on va le faire en un rien de temps !

On s’est mis à assembler les pièces une à une tout en tournant les pages du manuel d’instructions. Bingo ! Au bout de trois heures et quarante-cinq minutes nous avions fini d’assembler la voiture.

Je regardais de nouveau la boite.

Bah oui. Il a raison. L’assemblage prend deux heures pour des enfants de six ans. Moi, j’en ai pas six, j’en ai quarante !

Après trois jours à Budapest j’étais de retour à la maison. La lumière tamisée du salon laissait deviner des petites formes carrées dispersées un peu partout dans sur le sol, sous le canapé et j’en voyais sous la table basse.

Oh non ! mon cerveau évaluait les dégâts. Cette fois-ci il te faudra au moins quatre heures pour tout assembler. Une demi-heure pour retrouver les pièces et trois heures et demie pour que la voiture reprenne vie.

Je n’avais pas encore fini d’associer les minutes aux nombres de pièces éparpillés dans le salon que mon fils est sorti de sa chambre en criant Papa ! papa ! Il y avait un Ironman dans la boîte !

- Un Ironman dans la boîte ? Je demandais-je d’une voix confuse - Oui regarde, il est là.

- Euh ! … ah oui ! bravo !

La joie du travail accompli se reflétait sur son visage. A vrai dire il semblait encore plus heureux et fier d’avoir construit cette chose qu’il tenait dans sa main que d’avoir assemblé la voiture 425 pièces.

Il m’a fallu quelques minutes pour comprendre ce qui s’était réellement passé.

Il avait hacké le principe de base du légo qui permettait de construire la voiture. Il décide alors de mettre de côté les quelque cent quatre-vingt-onze instructions proposées par le manuel, passe à la mise en pratique et expérimentation pour construire l’objet qui émergeait de son imagination.

Après le dîner alors que je ramassais les pièces une à une pour les mettre dans une boite, une idée partie je ne sais d’où a atterri dans ma tête.

- Et si c’était aussi simple que ça.

Nous avons à notre disposition une large palette de Framework et de Méthodologies bien packagés et souvent fournis avec des notices d’utilisation très détaillées. Du Manifeste Agile au Liberating Structures en passant par le Scrum guide, le SAFe Framework, le Kanban, le Management 3.0 et bien d’autres.

Seulement voilà, ces méthodologies « prisent sur l’étagère » ont été conçues pour ne répondre efficacement que dans des cadres théoriques bien définis. Un peu comme les cent quatre-vingt-onze instructions du Lego dont le résultat ne permet d’obtenir que la voiture.

Or, les contextes dans lesquels nous accompagnons les équipes requièrent des approches sur-mesure. Ici, les rôles ne sont pas écrits sur le papier mais incarnés et vécus par des vraies personnes. Les cérémonies et les autres artefacts ne sont plus schématisés dans un fichier mais soumises aux crash-tests des relations interpersonnelles. Et, la robustesse des cadres méthodologiques doit se confronter à la complexité d’une organisation qui vit sa vie et évolue selon ses propres plans.

Il est donc important de comprendre la raison d’être de chaque outil ainsi que la logique inhérente à son fonctionnement. Se demander comment peut-on le sortir de son cadre d’origine afin de le combiner avec d’autres outils pour répondre au mieux aux besoins du moment.

Prenons l’exemple du Daily Standup. La raison d’être de ce rituel est la coordination et la synchronisation des différents membres de l’équipe. Le principe est simple. L’équipe se réunit tous les matins pour un court laps de temps où chacun partage ce qu’il a prévu de faire dans la journée, et signale des obstacles ou des dépendances éventuels. Tout cela, sans fioriture, avec une communication simple et brève. Quinze minutes en tout et pour tout.

Ce rituel peut être adopté par une équipe sans qu’elle n'ait besoin de déployer toute la méthodologie Scrum: faire des sprints, des reviews ou des rétrospectives.

Les équipes commerciales s’appuient souvent sur ce type de point matinal pour clarifier rapidement leurs activités de la journée, identifier les obstacles et ajuster les objectifs intermédiaires. J’ai vu des équipes comptables faire des daily pour coordonner la clôture mensuelle, trimestrielle ou annuelle.

Rien ne nous empêche non seulement de l’extraire non seulement de son framework d’origine mais aussi de le combiner avec des outils de visual management, un kanban, par exemple. Si cela permet de mieux suivre l’avancement des activités et d’ancrer les résultats obtenus, nous allons ajouter ces outils dans notre kit d’accompagnement.

Nous pouvons l’enrichir avec des techniques issues de storytelling pour améliorer la communication parmi les membres de l’équipe. Et, ainsi de suite.

Il me vient à l’esprit l’exemple de Ole Kirk Christiansen. Un charpentier danois qui, confronté à l’exigence de la crise économique, a su voir l’usage de ses outils sous un angle complètement différent. Il est sorti du domaine de la charpenterie et s’esr mit à faire des jouets en bois. Rien d’extraordinaire, me direz-vous. Eh bien si, puisque ces mêmes jouets vont le conduire vers ce système de briques qui s'emboîtent et s’empilent pour créer des formes les plus extraordinaires, et que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de LEGO.

Un jeu de 425 briques que j’avais mis trois heures à assembler sous forme d’une voiture en suivant à la lettre les instructions et mon fils à transformé en Ironman en faisant fi de ces mêmes instructions.

A nous d’aller au-delà des instructions qui nous sont fournies avec les Frameworks, et de découvrir notre propre “Ironman-dans-la-boîte”, celui dont nous avons besoin pour assurer un accompagnement sur-mesure.