[OCTO] 5 leçons d'une transformation

Nous vivons une époque qui nécessite des transformations personnelles, business, méthodologiques, organisationnelles et stratégiques. Certaines ont réussi ce changement profond et beaucoup tâtonnent. Comment s’y prendre pour que ce soit plus fluide et moins douloureux à vivre, telle est la question que je cherche à appréhender. Je vous livre dans cet article les 5 leçons que j’ai tirées après une dizaine d’années d’accompagnement dans les entreprises.

  1. La vision du futur ne devient claire qu’en avançant

“Où voulez-vous que votre entreprise aille ? Comment décririez-vous le nouvel état de votre entreprise ? “ Ce sont les questions que les consultants, moi compris, posent au client lors de la première rencontre. J’étais souvent déçue par la réponse. Au début, je me suis dis qu’il fallait que la vision soit claire pour définir la stratégie de changement. C’est comme si, j’attendais des conditions parfaites pour changer de vie, pour faire le tour du monde ;-). Je comprends, au fil du temps, que c’est tellement difficile d’avoir cette vision que tout le monde cherche à avoir car nous sommes dans le domaine de la complexité (cynefine framework), nous travaillons avec de l’émergence. Dans cette zone, il y a que de la relation systémique entre les causes/les actions et les conséquences. Une fois compris cela, je ne cherche plus à tout prix d’obtenir “la vision”, je cherche les orientations et les fractions claires, les envies, les aspirations et motivations dans le puzzle de la vision pour démarrer. En formulant les premières hypothèses, en mettant les premières équipes en place, en changeant le mode de décision, en testant de nouvelles façons de travailler, les leaders pourront éclaircir leur vision.

Je me souviens d’une expérience dans une entreprise du CAC 40 . La rencontre avec le directeur nous a beaucoup interrogé car “le monsieur n’a pas une idée claire d’où il veut amener sa direction”. Est-ce que l’on attend que ce soit clair ou l’on fait avec ce que l’on a ? Nous lui avons posé la question “comment voyez-vous les choses se faire dans votre entreprise dans les 2-3 années qui viennent ?” et il nous a répondu “une chose est claire pour moi c’est que nous aurons un système technique hybride, une partie coeur pilotée par les équipes en central et les autres parties sont sous la responsabilité des équipes locales”. Commençons donc par ce qui est clair et on verra par la suite.

  1. Une transformation marche quand un petit groupe en interne la porte ( parfois avec l’aide des consultants externes)

Je démarre aujourd’hui mon accompagnement en cherchant à connaître le “QUI”. Les transformations réussies sont portées par un groupe de personnes en interne.

Je voudrais souligner le mot “porter” car mener une transformation n’est pas un travail comme les autres. Ces personnes doivent être convaincues, motivées et prêtes à consacrer du temps et de l’énergie. Idéalement, ce groupe doit avoir de l’autorité (un membre de COMEX) et de l’influence (RH, experts, COM, managers).

La pire expérience que j’ai eu c’est quand l’entreprise délègue leur transformation aux consultants externes. Dans ce cas de figure, nous peinons à avancer car nous attendons les éléments du terrain pour valider nos hypothèses et nous savons que quand nous partons, la transformation s’arrêtera. La meilleure expérience c’est quand l'entreprise élit son leadership team comprenant un membre de COMEX, des managers et experts de l’IT et Métier. C’est un bonheur de faire équipe avec les gens internes (nous avons un backlog commun, avec des rituels chaque semaine), qui nous ramènent constamment sur la réalité du terrain, ils peuvent tester les idées rapidement. Nous apportons notre expertise, nos questions et nos regards pour les nourrir et les challenger.

Comme indiqué dans le premier point, la transformation est un chemin apprenant sur lequel le groupe teste, apprend et actualise sa vision ainsi que ses actions au fil du temps. Le groupe offre une place précieuse et rassurante de réflexion, de conversation qu’une personne n’aura pas si elle est seule.

  1. Passer du débat au dialogue

Dans le débat, chacun pose son point de vue, ses arguments et essaye de convaincre les autres. Dans le dialogue, chacun apporte sa vision des choses, sa réflexion et ensemble ils cherchent les meilleures réponses à leurs questions. Une véritable coopération nécessite du dialogue où chacun sort de son positionnement pour construire quelque chose de meilleure que la somme des idées individuelles.

La transformation agit sur les situations complexes. Personne ne peut prétendre de tout savoir. Quand le leadership team sait utiliser le dialogue dans leur travail collectif et sait mobiliser, impliquer les collaborateurs sur leur chemin, il possède une des plus importantes conditions de réussite. Je me souviens le moment où un des membres de leadership team vient à la réunion d’équipe et nous dit “j’ai parlé avec plusieurs personnes aujourd’hui et chacun/e a une vision très différente de ce qu’est “l’agilité” et rien n’est concret pour eux, qu’est-ce que l’on peut faire pour les aider ?”. Nous avons posé le sujet sur la table et ensemble nous avons décidé de faire une communication par mois avec des exemples concrets + une formation agile à l’échelle pour les populations clés.

Pendant le processus de la transformation, vient un moment de doute, de crainte, voire de peur. La vision du futur n’est pas encore claire, l’ancien monde va partir et le nouveau n’est pas encore là. Seul le dialogue entre collègues, entre managers-managés peut aider à traverser ces moments difficiles. Je me souviens d'une phrase d’Eugénie Vegleris dans son livre Managing with philosophy: “Le terme “donner du sens” est philosophiquement incorrect. Le sens ne peut pas être donné, il doit être découvert et construit”. Le dialogue aide à cela.

  1. Travailler sur les deux dimensions “visible” et “invisible” est indispensable

Dans une de mes expériences en entreprises, j’entends parfois “mais là, on est en train de changer notre ADN”. Et oui, une transformation nous amène souvent à des mutations. Ici, on ne parle pas seulement de changer des outils informatiques, des processus de travail, de l’organisation (le côté visible) mais aussi les comportements, les postures, la dynamique sociale, la structure de contrôle, et parfois les valeurs (côté invisible). Sans ces deux côtés, une transformation n’est pas aboutie. Gisela Wending décrit ces deux dimensions comme le processus interne (inner process) et la structure externe (outer structure), comme suit Separation
Liminarity (Transitions)
Integration
Inner process
Outer support

Nous focalisons trop souvent sur le côté visible et oublions le côté invisible or sans lui, rien n’avance. C’est facile à dire mais COMMENT faire ?

Pour moi, la réponse se résume en 3 mots ou plutôt 3 actions: écouter, observer et dialoguer avec une posture d’accompagnant. En tant qu’accompagnateur, je suis le compagnon de route des personnes en transition. Je les observe, je les écoute, je les questionne pour qu’ils voient des choses nouvelles et je leur partage mes expériences. Lors de ces dialogues, ces personnes trouvent le sens de leur transformation. De temps en temps, dans ces dialogues je porte la casquette d’expert pour apporter des réponses méthodologiques à leurs questions.

Chaque personne a son rythme dans une transformation, respectons cela et accompagnons-les au mieux. Utiliser le collectif pour aider les individus et vice versa, ce “va et vient” entre le collectif et l’individuel est clé dans les processus de “lâcher prise” et “laisser advenir”.

  1. Ancrer chaque étape et avancer

Agile Journey
pilot team
Several teams
Manager training
Organization
Learning Organization
Communities of PracticeNous accompagnons une transformation agile pour une entreprise internationale. Nous faisons un point de suivi d’une heure par mois avec managers pour constater ensemble où nous en sommes sur le chemin de transformation, qu’est-ce que l’on a appris avec les équipes et comment nous voyons la suite. Nous partageons surtout l’implication de chaque étape pour les managers et collaborateurs en termes de posture et d’actions. Nous entendons souvent “ah, j’ai compris maintenant ce principe de l’agilité dont vous m’avez parlé il y a 3 mois”.

Célébrer la fin d’une étape, lancer une nouvelle, ces rituels aident à ancrer dans la nouvelle réalité.

Conclusion

Ces 5 leçons que j’ai évoquées sont très connectées entre elles. On ne peut pas accepter une vision floue si on n’a pas une équipe qui porte la transformation; sans le dialogue, il n’aura pas une bonne équipe ni la dynamique collective nécessaire; sans avoir ancré chaque étape, il n’y aura pas de progrès. La plus grande difficulté en tant qu’accompagnateur, pour moi, c’est cette ligne de crête entre je donne corps et âme pour la réussite de la transformation tout en restant à côté de l’équipe interne. C’est leur transformation, pas la mienne.

Et vous, quelles leçons retenez-vous des transformations vécues ou menées ?