Numérique en commun(s) 2025 : quand la parentalité devient un choix engagé
Le NEC, c’est LA conf’ des acteurs publics engagés pour le numérique avec près de 100 prises de paroles prévues en 2 jours. Dense, enrichissante, éclairante. Une conférence engagée qui aborde sans tabou, ni retenue les enjeux du numérique public, d’aujourd’hui et demain. Sans surprise, l’IA et les communs ont raflé une grande partie des audiences. Et, entre les nombreuses présentations de communs numériques, qui sont autant de petits pas et de bons de géants pour faire avancer les services publics, il y avait la place pour toutes les questions, dont la mienne : comment construire une parentalité à l'ère du numérique?
Première conférence, premier jour et le ton est donné : “6 alliances territoriales qui réinventent l’éducation au numérique” revient sur l’importance et l’impact des initiatives politiques locales pour éduquer les jeunes - et les moins jeunes - aux usages du numérique. “Définir la société qu’on veut pour demain, c’est définir le numérique qu’on choisit pour demain.” Cette phrase prononcée lors de la table ronde par Christophe Hugon, élu délégué à la transparence et au numérique à la Ville de Marseille, et intervenant à la conférence Numérique en Commun(s) 2025 dit l’essentiel. Il ajoute : “Le numérique n’est plus un simple outil, c’est le reflet de nos choix collectifs”. Et ces choix, aujourd’hui, traversent aussi nos vies de parents.
De la cité à la maison : le numérique comme nouvel espace d’éducation et de pouvoir politique local
Les alliances territoriales présentées réunissent différents acteurs (collectivité, commission, partenaires, ...) avec l’envie commune de partager, sensibiliser :
- Marseille, avec un projet éducatif numérique ambitieux, associant parents, enfants et enseignants pour co-construire un programme en 6 étapes.
- Meudon et Saint-Quentin-en-Yvelines, où les tiers-lieux l’École du Numérique et la comm@nderie deviennent des espaces hybrides d’apprentissage, de culture et de lien social ;
- Le Doubs, à travers son Territoire Numérique Éducatif ;
- Rennes, avec l’Édulab Pasteur, qui explore de nouvelles pratiques pédagogiques ;
- Strasbourg, et sa Cybergrange au Shadok, laboratoire citoyen d’innovation numérique.
Ces alliances territoriales ont toutes un point commun : elles réunissent l’ensemble de la famille, là où pendant longtemps le numérique éducatif était cantonné au cours d’informatique à l’école, aux salles de gaming dans l’espace public et aux règles familiales dans l’espace privé. Au NEC, on comprend que d’autres modes d’accès au numérique sont possibles, sur le modèle des tiers-lieux, ces espaces qui ne sont ni le travail, ni l’école, ni le domicile ; ces laboratoires d’innovation où on peut donc se permettre de réinventer les manières de faire, hors de toute pression institutionnelle. Ces actions s’adressent :
- aux parents, qui ont besoin d’être outillés, formés, sensibilisés dans leurs usages du numérique pour poser - et lever - les bonnes limites.
- aux enseignants, dont le rôle est central dans la mission éducative. Ils forment les citoyens de demain, qui seront mieux préparés que nous à aborder ces questions lorsqu’ils deviendront parents à leur tour.
- aux acteurs associatifs et locaux, qui animent des ateliers et développent des espaces d’inclusion numérique. Ils contribuent à combler les lacunes d’un système éducatif qui peine à suivre le rythme des évolutions technologiques, freiné par un manque de moyens et par une circulation trop lente d’une information fiable.
- et surtout aux élèves qui sont les cibles indirectes ou directes de ces espaces de partage, d’éducation et de communication.
Ces initiatives reconnaissent que la parentalité est devenue un enjeu de la politique numérique. Le numérique n’est pas un simple outil technique, il est devenu une arme technico-politique. En tant que système technique qui organise les communications ou la transmission des savoirs, il façonne nos écosystèmes, et donc nos enfants. Ces initiatives répondent à un besoin de récréer du lien entre la famille et la cité où l’école ne suffit pas comme unique intermédiaire au regard des enjeux du numérique. Le numérique éducatif ne se limite plus à l’acquisition de compétences technologiques, il s’étend à tout ce qui gravite autour de la famille et de ses usages. Il est donc de notre responsabilité de choisir collectivement comment y éduquer la jeunesse.
C’est pourquoi il ne faut pas oublier, ni minimiser le fait que ces initiatives sont politiques, orientées par l’engagement des élus qui les portent.
Être parent dans un monde numérique : un apprentissage collectif
Être parent aujourd’hui, c’est apprendre à accompagner ses enfants dans des espaces numériques qu’on ne maîtrise pas ou pas entièrement. C’est devoir comprendre les logiques des plateformes, les risques du cyberharcèlement, les codes sociaux des adolescents en ligne - sans toujours disposer des informations nécessaires pour encadrer les usages. Et d’ailleurs Christophe Hugon le souligne en distinguant 3 typologies de parents :
- Les sachants qui naviguent habilement dans cet écosystème (par exemple, les Octos)
- Les non sachants liberticides qui brident l’ensemble des usages pas méfiance
- Les non sachants libertaires qui autorisent tout, faute de savoir par où commencer
A cette typologie, on pourrait aussi ajouter ceux qui essaient de comprendre, sans être complètement outillés et formés et qui naviguent entre les 3 catégories, au gré de l’information transmise et de l’intérêt suscité.
Et dans cet apprentissage collectif, les politiques locales jouent un rôle décisif. Les espaces de médiation numérique, les tiers-lieux éducatifs, les ateliers d’acculturation ou les kermesses du numérique sont devenus des ressources essentielles pour informer les familles, créer du dialogue, restaurer une confiance collective dans le numérique. Mais ces projets, ces initiatives restent fragiles et suspendus à des arbitrages budgétaires et des choix politiques.
Le numérique dans lequel nos enfants grandissent n’est pas neutre : il découle de choix publics, portés par des élus qui décident des infrastructures, des programmes éducatifs, des espaces de médiation.
Numérique en Commun(s) rappelle à travers diverses conférences que le numérique éducatif, les usages de nos enfants citoyens de demain, se joue dans les bulletins de vote d’hier, d’aujourd’hui et demain.
Le numérique éducatif comme projet politique du quotidien
Penser la parentalité à l’ère numérique, c’est finalement poser des questions beaucoup plus larges :
- Quelle société numérique voulons-nous transmettre ?
- Quelle autonomie voulons-nous donner à nos enfants ?
- Quel équilibre cherchons-nous entre innovation et humanité, entre liberté et éthique ?
Par exemple, quid de l’IA - parce qu’il faut bien en parler à un moment - de son usage pour nos enfants, adolescents tout au long de leur scolarité ? Comment les outiller et leur apprendre à vivre avec l'IA alors que nous ne savons pas encore nous-mêmes identifier les opportunités et les limites ?C’est d’ailleurs la thématique d’une autre conférence du NEC 2025 “Face à l’avalanche des ressources IA, faut-il converger sur un cadre partagé ?” qui pose la question des standards de production des ressources pédagogiques en matière de numérique et plus largement l'approche par référentiel de compétences nécessitent d'être interrogées, sans oublier d'évoquer les finalités de cette éducation à l'IA.
Alors pourquoi un article sur la parentalité à l’ère du numérique sur le blog OCTO ?
- Tout d’abord parce que c’est là que se situe la responsabilité des entreprises comme OCTO qui accompagnent les acteurs publics à la mise en œuvre des politiques publiques : se souvenir que le numérique est un environnement éducatif collectif, pas seulement comme un écosystème technologique.
- Ensuite, parce que comme l’a rappelé Christophe Hugon, « une vision commune du numérique éducatif est possible à condition d'exporter les initiatives locales », qui coexistent et se superposent parfois. Partager ces initiatives, c’est leur donner de la visibilité et contribuer à une réflexion nécessaire sur les communs du numérique éducatif — une conviction qu'OCTO défend de longue date. C’est d'ailleurs à l'image de notre formation « Développer un projet en misant sur les Communs Numériques », animée par Tristan Nitot, figure emblématique du libre.
- Enfin, parce que nous ne sommes pas que des Octos ou des agents publics. Nous sommes avant tout des citoyens, souvent des parents. Il est nécessaire de prendre conscience que les décisions politiques du numérique éducatif impacteront les orientations politiques et la pensée de nos enfants. Et le savoir c’est le pouvoir. Fred Turner, professeur à Stanford dans sa conférence “Comment les acteurs de la Silicon Valley ont-il dévoyé internet” rappelle “Vous avez la chance de pouvoir réunir les acteurs du numérique public dans un seul espace ici au NEC, ça ne serait pas possible aux États-Unis”, et de sortir un tee-shirt floqué “resist” - à cette vague technico-politique - pour illustrer son propos (on le veut chez OCTO !).
Le numérique éducatif est un nouveau terrain d’expression qui existe entre citoyens et institutions et qui a largement dépassé le cadre éducatif des bancs de l’école. Chaque application, chaque espace de médiation, chaque politique d’accompagnement traduit une vision du monde. Et c’est à nous - aussi - de prendre conscience que nos choix de politiques numériques éducatives à l’ère des big five impactent non seulement la société, mais les futurs citoyens.Il nous revient de faire en sorte que ce monde soit inclusif, éthique et émancipateur, par les programmes que nous accompagnons et par les décisions que nous prenons en tant qu’Octos, parents, ou simplement acteurs engagés.
Penser le numérique, c’est déjà éduquer. Et éduquer, c’est déjà faire de la politique.
Lola Benarroche – Manager Education Emploi Travail chez OCTO Technology, participante à Numérique en Commun(s) 2025.