Mesurer l'état de santé de vos équipes

le 26/03/2018 par Simon Renoult
Tags: Product & Design, Agile

Au cours d'une mission récente a émergé le besoin de tester l’état de santé d'un ensemble d'équipes travaillant sur un système d'information commun. On parle ici de 7 équipes, composées de 3 à 8 personnes aux profils variés : support aux utilisateurs, développeur, product owner, business analyst et architecte transverse, soit une trentaine de personnes au total.

Il y a plusieurs origines à ce besoin, les deux principales étant :

  • Pour les équipes : provoquer un moment de discussion afin d’identifier d'éventuelles douleurs communes et agir ensemble à leur résolution ;
  • Pour le client : avoir un aperçu gros grain du fonctionnement de ses équipes.

Afin de procéder à cette "prise de température", nous avons testé un modèle proposé par Spotify : le Squad Health Check Model. Et voici comment nous avons procédé...

Le Squad Health Check Model

Comme évoqué en introduction, le Squad Health Check Model est un format d'atelier permettant d'évaluer le fonctionnement de sujets d'intérêt pour un groupe d'équipes de développement agile. Le modèle de Spotify propose 11 sujets d'intérêt :

  • Support : avons-nous accès à l'aide requise quand demandée ?
  • Teamwork : travaillons-nous en harmonie et avec plaisir ?
  • Pawns or Players : sommes-nous en maîtrise de ce que nous construisons et de comment nous construisons ?
  • Mission : savons-nous pourquoi nous sommes là ?
  • Health of Codebase : sommes-nous fiers de la qualité du code produit ?
  • Suitable process : notre manière de travailler nous convient-elle ?
  • Delivering value : sommes-nous fiers de ce que nous livrons ? Nos sponsors le sont-ils aussi ?
  • Learning : apprenons-nous des choses intéressantes ?
  • Speed : sommes-nous rapides pour délivrer de la valeur ?
  • Easy to Release : le produit est-il facile à livrer en production ?
  • Fun : aimons-nous aller au travail ? Apprécions-nous de travailler ensemble ?

Chaque équipe devra se réunir et évaluer pour chacun de ces sujets un état de santé, représenté par les couleurs suivantes :

  • Vert si, sans être parfait, l'équipe est satisfaite ;
  • Orange si, sans être catastrophique, l'équipe considère que des améliorations doivent être trouvées ;
  • Rouge si l'équipe considère qu'il y a urgence.

Outre cette mesure, le modèle propose d'évaluer une tendance pour chacun des sujets :

  • si la tendance est à l'amélioration ;
  • si la tendance est au maintien ;
  •  si la tendance est à la dégradation.

Une fois l'exercice effectué par chaque équipe pour chacun des sujets, on aboutit à une matrice comme celle-ci :

La mise en pratique

En vue d'aboutir à la création de cette matrice et de l'analyser, nous avons procédé de la manière suivante :

En amont de l'atelier :

  • Impression de cartes facilitant la lecture des sujets, la mesure des états de santé et l'explication du format proposés par Spotify : ici ;
  • Réservation d'une salle de réunion assez grande pour réunir toutes les équipes ;
  • Mise en place d'un document partagé (Google Slide par exemple) permettant aux équipes de saisir les données et éviter ainsi de perdre du temps pour agréger les données de plusieurs équipes ;
  • Utilisation d'un video-projecteur afin d'afficher la matrice ;
  • Identification d'un animateur pour l'atelier ;
  • Identification d'un gardien du temps afin de respecter l'agenda de l'atelier ;
  • Identification d'un secrétaire identifiant les actions prises lors de l'atelier ;

Lors de l'atelier :

  1. Phase de présentation (15mn) : regroupement de tous les participants dans une salle afin de leur expliquer le principe ;
  2. Phase de discussion (60mn) : chaque équipe s'isole, discute et évalue les 11 sujets ;
  3. Phase d'analyse (45mn) : choix et discussion de sujets à améliorer.

Dans notre cas, nous avons effectué ces deux heures d'atelier en lieu et place de la rétrospective d'équipe qui dure habituellement une à deux heures selon les équipes et les contextes.

Phase de discussion

La phase de discussion au sein des équipes s'est déroulé différemment selon les habitudes de celles-ci. L'équipe à laquelle j'appartiens a décidé de faire un équivalent planning poker pour chacun des sujets : chacun dispose de trois cartes : une verte, une orange et une rouge. On évoque successivement chacun des sujets en révélant à chaque fois sa carte puis en discutant des raisons qui nous ont amenées a choisir cette dernière. On cherche ensuite à s'accorder sur une couleur pour l'équipe.

Phase d'analyse

Une fois la matrice remplie par chacune des équipes, nous avons procédé à une rapide lecture de chaque ligne, c'est-à-dire que nous nous sommes intéressés non pas à l'état de santé individuel de chaque équipe, mais à l'état de santé des 11 sujets d'intérêt. En effet, l'objectif de cet atelier était d'identifier des douleurs partagées par beaucoup et non de résoudre collectivement les problèmes de certaines équipes. C'est une décision délibérée qui nous convenait à ce moment-là. Libre à vous d'adapter l'analyse différemment selon vos propres douleurs.

La phase d'analyse s'est organisée comme ceci :

  • Vote à main levée afin d'élire 3 sujets (15 minutes seront allouées pour discuter et envisager des actions) ;
  • Pour chaque sujet :
    • Chaque équipe évoque ses douleurs à propos du sujet en question ;
    • Discussion ouverte sur les actions à prendre pour résoudre le problème.

Observations et takeaways

Quoique dense (11 sujets, 3 couleurs, 3 tendances, N équipes), la matrice d'état de santé est extrêmement intéressante et peut être exploitée de plusieurs manières :

Pour le client :

  • Artefact très lisible pour évaluer la santé de ses équipes à un instant T ;
  • Outil réutilisable à T+X (tous les trimestres par exemple) afin de suivre l'efficacité du processus d'amélioration continue.

Pour les équipes :

  • Des actions au poids très fort car à l'initiative d'une majorité ;
  • Découverte de douleurs partagées auxquelles on ne s'attendait pas nécessairement ;
  • Les vues par colonne sont exploitables pour les rétrospectives agiles classiques de chaque équipe.

Dans notre cas, nous ne nous sommes pas intéressés aux flèches de tendances. Cela ajoutait un bruit inutile aux discussions. Je recommande même de ne pas les remplir lors du premier atelier, il y a déjà assez à faire avec les 11 sujets et les 3 couleurs. Libre aussi à vous d'adapter ce modèle et d'ajouter et/ou supprimer des sujets, comme le recommande Spotify.

L'atelier peut être mené sur deux heures donc c'est un temps relativement bien investi au regard du nombre de participants. En outre, la dynamique en trois étapes permet de garder ces derniers en éveil et moteurs dans les discussions.

Attention cependant à l'animation de la phase d'analyse. Animer une discussion faisant intervenir une telle multitude d'intervenants peut être compliqué. Je recommande de bien rappeler en début d'atelier les quelques règles d'une bonne rétrospective, très bien résumées ici ! Il est aussi possible de séparer l'assemblée en plus petits groupes et de demander à ce que chaque sous-groupe émette des actions, à vous de voir ce qui convient. Faites bien attention cependant à identifier des porteurs pour chacune de ces actions.

Nous avons mesuré le ROTI de cet atelier et avons abouti à un équilibre autour de 4, preuve que l'exercice semble ne pas avoir été une perte de temps pour une grande majorité des participants. Nous reproduirons très probablement l'exercice d'ici quelques mois et pourrons ainsi suivre l'évolution des actions que nous avons entreprises.

Enfin, comme tout atelier s’inscrivant dans un dispositif d’amélioration continue, le Squad Health Check Model a été une proposition de solution aux problèmes rencontrés par notre équipe à un instant T. Il ne règle évidemment pas tous les problèmes et doit être utilisé avec clairvoyance. Des adaptations seront certainement nécessaires afin qu’il ait un effet chez vous !