Carbone 4, entreprise de conseil fondée en 2007, qui accompagne la transformation du monde vers la décarbonation et l’adaptation au changement climatique. L’objectif de cet article est de vous partager ce qu’est cette initiative, de décrire la méthodologie et en quoi c’est important pour OCTO Technology et pour les acteurs du numérique comme les DSI.
NZI4IT s’inscrit dans l’initiative plus large de la Net Zero Initiative (NZI), un projet du cabinet Carbone 4 soutenu par l’ADEME, le Ministère de la Transition écologique, et 21 entreprises. OCTO Technology a adhéré à ses 10 principes qui ont “pour objectif de définir les bases d'une stratégie climat d'entreprise rigoureuse et ambitieuse, alignée avec la science et avec les objectifs de l'Accord de Paris”. Ce qui a guidé notre choix pour ce référentiel plutôt qu’un autre tient à cette phrase (cf nos engagements) :
“Nous ne croyons pas en la neutralité carbone à l'échelle locale, d’une entreprise ou d’une quelconque entité.”
Cette initiative a donné naissance au référentiel du même nom NZI. Le référentiel est composé de 3 piliers, qui couvrent les émissions induites, les émissions évitées et les émissions négatives comme le présente l’image suivante.
Le premier apport de NZI a été de permettre plus de clarté en matière de compensation carbone (pilier C) pour sortir du greenwashing des affirmations de neutralité carbone à l’échelle d’une entreprise, d’un produit ou d’un service.
Le pilier A couvre le même périmètre que le bilan carbone de l’entreprise. Le référentiel NZI n’apporte rien de spécifique sur le sujet en comparaison aux méthodologies de comptabilisation existantes comme le GreenHouse Gas protocol (standard international) ou l’Association Bilan Carbone (standard national). Chez OCTO, nous réalisons notre bilan carbone de notre activité sur les 3 scopes depuis 2020. Vous pouvez retrouver notre méthode, nos outils et nos apprentissages sur la page Numérique & Environnement du site web d’OCTO. Nous avons déjà réduit certaines émissions induites, la plus notable étant les kilomètres passagers en avion (de 700 000 km.pax à entre 50 000 et 100 000 km.pax) et nous avons encore beaucoup à faire en ce qui concerne les émissions liées à l’usage des produits numériques que nous vendons à nos clients (nous détaillons tout cela dans les articles mentionnés sur la page citée précédemment). NZI4IT est complémentaire à nos précédentes initiatives.
En effet, NZI4IT se concentre sur le pilier B du référentiel NZI que nos précédentes démarches de bilan carbone ne couvrent pas. Le pilier B sont les émissions évitées grâce aux produits et aux services vendus.
À retenir : NZI4IT est un guide pour comptabiliser les émissions évitées par une solution numérique (produit ou service) proposée par une entreprise.
En septembre 2023, au démarrage de NZI4IT, Gauthier Roussilhe, expert de l'empreinte environnementale de systèmes numériques, publie un article qui fait le point sur les connaissances, les erreurs, les mythes sur les émissions évitées de la numérisation, sur la base d’une revue de littérature et d’exemples chiffrés, il y invite à :
“clarifier les méthodologies de calcul d’émissions évitées afin de sortir de l’espèce de far-west qui caractérisait l’usage de ce concept durant la dernière décennie.”
En effet, la numérisation apporte son lot d’incertitudes en matière d’effets environnementaux indirects de la numérisation (efficacité, substitution, induction, effets rebonds directs et indirects) mettant à mal “les promesses d’effets positifs de la numérisation”, tout cela parfaitement documenté par Gauthier Roussilhe.
NZI4IT comble un manque important dans les méthodologies de calculs d’empreinte environnementale du numérique. Cette dernière a fortement mûri ces dernières années, mais était restée principalement concentrée sur les usages du numérique, notamment sur les émissions de CO2 liées à l’usage du numérique avec une vision incluant la fabrication, l’usage et la fin de vie du matériel (à travers le 1byte Model du Shift Project), mais aussi sur l’empreinte en multi-critères en s’appuyant sur l’ACV (l’Analyse de Cycle de Vie, voir notamment les travaux du collectif Green IT et plus récemment de Boavizta). Ces précédents travaux ont mené à questionner la manière dont on conçoit et développe dans le domaine du numérique, autrement dit à l’éco-conception de services numériques et au Green IT. Chez OCTO, nous avons utilisé ces différents travaux et avons également financé la thèse CIFRE d’Adrien Berthelot pour apporter une contribution au calcul de l’empreinte environnementale d’un service numérique. Malgré cela, il manquait une méthodologie reconnue en matière de IT 4 Green. NZI4IT vient combler ce manque en questionnant la finalité de la numérisation pour poser un cadre et sortir du far-west.
Avant même de vous présenter la méthodologie, il faut avoir en tête que son intérêt est de donner un cadre de sérieux scientifique à toute communication qui revendique des émissions évitées. Ce cadre était nécessaire après avoir vu fleurir “les billets d’avion neutres en carbone”, ou les “1 kg de d’émissions de CO2 investies dans l’IT permettent d’éviter 10 kg d’émissions de CO2 dans un autre secteur” (chiffres issus du Enablement Effect formulé par le GSMA : “The Enablement Effect – The impact of mobile communications technologies on carbon emission reductions” (GSMA, 2019) et notamment étudié par Gauthier Roussilhe (parmi d’autres promesses d’effets positifs de la numérisation) dans son article Les effets environnementaux indirects de la numérisation). NZI4IT pose 6 clauses d’éligibilités pour toute solution dont on souhaite revendiquer des émissions évitées :
Si la solution informatique passe avec succès ces 6 critères d’éligibilité, on peut la catégoriser grâce à ces 3 questions :
Ces catégorisations sont complétées par des questions d’échelle et de durée pour permettre de clarifier le niveau de précisions requis pour l’estimation des émissions évitées. La figure ci-après représente ce processus et les réponses pour une solution de thermostats connectés pour réduire la consommation énergétique d’un bâtiment et conclut à son éligibilité pour l'estimation d'émissions évitées selon la méthodologie NZI4IT.
Source de l’image : Figure 2 page 19 du rapport Net Zero Initiative for IT.
Une fois la solution éligible, le calcul des émissions évitées se fait en 3 étapes :
Les 3 étapes de la méthodologie NZI4IT. Source de l’image : Figure 3 page 22 du rapport Net Zero Initiative for IT.
Derrière la simplicité du calcul en 3 étapes se cache 12 difficultés méthodologiques pour lesquelles le référentiel NZI4IT apporte des recommandations.
Les tests A/B font référence à une technique de test pour comparer 2 versions d’une même interface, ici la proposition est de comparer la situation sans solution (avant) à celle avec la solution (après). L’alternative low-tech fait référence à la démarche low-tech et parfois par extension à des solutions basses technologies, c’est-à-dire qui fonctionnent à faible puissance et ont une moindre empreinte, la difficulté 3 est décrite ci-dessous. Le syndrome du “passager clandestin” fait référence au risque de comptabiliser des émissions non directement évitées par la solution numérique. Enfin, le terme de “solution habilitante” a été choisi pour traduire “enabling solution”, c’est-à-dire une solution qui permet ou qui facilite une réduction sans en être la cause (comme une solution de visioconférence qui permet d’éviter un déplacement). Vous trouverez ci-dessous une description pour certaines de ces 12 difficultés méthodologiques et une synthèse des recommandations en fin de paragraphe.
1/ D'une manière générale, comment traiter le progrès technique ?
Le rapport part du constat que le secteur de l’informatique est sujet à des changements rapides et fréquents qui impactent de fait les scénarios de référence. Il recommande de construire les scénarios sur une base annuelle plutôt que sur la durée de vie totale de la solution afin de comparer l’usage d’une année sur l’autre et de considérer toute augmentation d’usage comme un effet rebond impactant négativement les émissions évitées sauf à ce qu’une étude scientifique à comité de relecture prouve le contraire.
2/ Prendre en compte les tendances non durables du secteur numérique
Ce point traite en particulier le cas des émissions évitées suite à “une augmentation moindre des émissions grâce à la solution” en partant du constat de la croissance des émissions du secteur numérique. Il précise qu’il est possible d’inclure ce type d’émissions évitées de moindre augmentation à condition que l’entreprise ne soit pas responsable de l’augmentation générale, que ces émissions évitées soient clairement identifiées en tant que “moindre augmentation” et que les émissions du scénario de référence soient issues d’une publication scientifique à comité de relecture.
3/ Comment traiter l’alternative low-tech disponible ?
En fonction du niveau de spécificité (impactant l’ensemble du marché, seulement l’entreprise ou uniquement la solution elle-même) de la situation de référence et de la solution considérée, le référentiel recommande des niveaux différents de transparence et de précision sur les hypothèses et les données. Il recommande d’inclure la solution low-tech (par exemple la détection de cancer par les chiens plutôt que par l’IA) disponible dans le scénario de référence si le niveau de spécificité est faible, autrement dit pour un faible niveau de spécificité, il y a très très peu de chances de pouvoir revendiquer des émissions évitées !
7/ Quoi inclure quand des machines remplacent des humains ?
Le fait qu’une solution IT remplace un travail humain ne permet pas de revendiquer les réductions d’émissions liées à l’absence des personnes dans l’environnement de travail (y compris les déplacements évités). Il faudra être capable de prouver que l’automatisation a permis de réduire l’empreinte carbone de l’ensemble de la chaîne de valeur. Par exemple, un robot soudeur permettant de réduire les fuites de méthane provenant d'un pipeline grâce à une soudure plus précise que celle d'un opérateur humain peut être éligible aux émissions évitées, mais un logiciel de traduction par Intelligence Artificielle ne l'est pas.
9/ Identifier les effets d'ordre supérieur et leurs amplitudes
Dans le cas d’effet rebond d’ordre supérieur, dans et en dehors de la chaîne de valeur, les effets rebonds doivent être identifiés, communiqués et inclus dans les estimations d’émissions évitées. Il est recommandé de calculer un “Carbon tipping point”, c’est-à-dire le point où la croissance des usages de la solution aura effacé l’efficacité gagnée par la solution.
En synthèse, le référentiel NZI4IT fait ces recommandations saillantes pour surmonter ces difficultés :
Enfin, le rapport détaille 4 familles de solutions IT :
Le référentiel NZI4IT complète les travaux que nous avons menés jusque-là en matière de Numérique Responsable en ajoutant le recul critique à avoir sur la finalité du service numérique. En effet, jusque-là nous nous sommes davantage concentrés sur le geste et la manière de faire du numérique de façon plus responsable en nous appuyant sur l’éco-conception (RGESN), l’accessibilité (RGAA et RAAM), le respect de la vie privée (RGPD). Mais ces 3 piliers ne questionnent pas (ou peu) la finalité du service numérique, et il est tout à fait possible d’éco-concevoir un site de vente en ligne de barils de pétrole :-/
NZI4IT vient muscler notre regard critique sur la finalité des services vendus :
De la même manière, si vous êtes impliqués au sein de votre DSI pour réduire l’empreinte environnementale du numérique, le référentiel NZI4IT pourrait vous être très utile pour dépasser les premiers pas que beaucoup ont déjà faits : allonger la durée de vie des terminaux, choisir des terminaux éco-conçus comme l’ordinateur Restart de Modixia, louer vos terminaux auprès de Commown, ou encore éco concevoir vos services numériques. En effet, quand on est une entreprise dans l’énergie, le transport, la logistique, ou autre, il y a fort à parier que ces premiers pas ne pèsent pas beaucoup en termes de réduction d’empreinte carbone. Votre DSI pourrait davantage explorer comment se mettre au service de la décarbonation de l’entreprise en concevant des solutions numériques qui permettent d’éviter des émissions dans les processus métiers, le référentiel NZI4IT est là pour vous aider à faire les meilleurs choix en évitant au maximum le bullshit.