Le produit, c’est l’équipe - épisode #3 : Interview de Romain Vailleux, CPO d’Apizee

“Une vraie culture partagée implique que personne ne se l’approprie seul. Elle évolue en permanence avec l’équipe, en fonction des apprentissages et des expériences de chacun.”

– Romain Vailleux

Portrait de Romain Vailleux

Dans notre série d’interviews “Le produit c’est l’équipe”, Mathieu Moisant et Julien Tellier rencontrent Romain Vailleux, CPO d’Apizee, sur les traits saillants des équipes performantes.

Peux-tu nous en dire plus sur toi ?

Je suis Romain Vailleux, aujourd’hui CPO d’Apizee, un éditeur d’une solution d’engagement visuel pour la relation client. Concrètement, on propose un produit SaaS qui permet aux entreprises d’assister leurs clients à distance, en visio, en phase d'avant-vente ou d’après-vente. Un exemple concret : chez Darty, si votre machine à laver tombe en panne, avant d’envoyer un technicien sur place, un rendez-vous en visio permet de s’assurer que le problème vient bien de l’appareil et non d’un mauvais usage. Ça permet aussi d’identifier à l’avance les pièces à prévoir pour éviter un déplacement inutile ou, si possible, de résoudre le problème à distance. Ce principe s’applique à plein d’autres secteurs.

Côté parcours, après une école d’ingénieur, j’ai cofondé puis revendu une entreprise de scoring environnemental de produits. Ensuite, j’ai passé sept ans dans le coaching agile et la transformation d’organisations chez OCTO Technology avant de prendre mes responsabilités actuelles entre produit, marketing et tech. Depuis 2020, je suis installé en Bretagne avec ma famille.

À travers tes différentes expériences, qu’est-ce qui fait qu’une équipe performe ?

Quand on parle d’équipe performante, on doit se demander d’abord ce que ça signifie. Pour moi, c’est une équipe qui délivre efficacement des fonctionnalités, sans défauts, avec des clients satisfaits. Une des caractéristiques clés de cette performance, c’est qu’il y ait un minimum d’échanges nécessaires pour que tout le monde sache quoi faire. Plus une équipe est fluide, moins elle a besoin de specs détaillées, de phases de design trop lourdes ou de corrections répétées en QA. L’idéal, c’est d’avoir un flux continu et sans friction, de la conception à la mise en production.

Pour arriver à ce niveau, il faut une culture commune. Les membres de l’équipe doivent partager une compréhension mutuelle et un vocabulaire commun : les gens du produit doivent bien connaître la technique, les développeurs doivent bien comprendre les usages. Il ne s’agit pas juste d’un bon match entre individus, même si une bonne cohésion est évidemment un atout. Il faut surtout une culture forte, qui dépasse les individus et qui perdure malgré les départs et les arrivées.

Mais une culture commune, ce n’est pas automatique. Ça demande un effort constant pour la maintenir et la propager. Il faut créer des espaces où les experts de chaque domaine partagent leurs connaissances, que ce soit sur les évolutions techniques, les enjeux du produit ou les tendances de leur métier. Une équipe qui échange activement sur son travail, qui discute de l’avenir de son produit et de ses outils, construit une culture homogène et durable.

La communication joue un rôle clé. Une équipe performante sait écouter activement, avec une posture d’ouverture. L’idée, ce n’est pas de challenger systématiquement ce qu’un collègue propose, mais de chercher à comprendre son raisonnement et les motivations derrière sa proposition. Cette dynamique évite les blocages et favorise des échanges plus constructifs.

Dans certaines entreprises, il y a une culture du “ref flag”, où certains sont valorisés pour pointer du doigt les risques et les difficultés. C’est important d’être vigilant, mais si ça devient une posture systématique, ça peut ralentir toute l’organisation. À l’inverse, une équipe efficace est dans une logique d’amélioration continue, où chacun peut proposer et enrichir les idées et solutions des autres plutôt que de freiner leur mise en œuvre.

Une vraie culture partagée implique que personne ne se l’approprie seul. Elle évolue en permanence avec l’équipe, en fonction des apprentissages et des expériences de chacun.

Comment faire pour qu’une équipe atteigne ce niveau de culture partagée ?

Ce n’est pas simple, parce qu’une culture partagée, ça ne s’impose pas. Chacun doit être acteur de son développement. On ne peut pas décréter qu’à partir de maintenant, tout le monde doit partager ses connaissances et fonctionner en mode collectif. Il faut donner envie aux équipes d’adopter cette culture, et ça ne se fait pas individuellement, mais collectivement.

Je vois trois leviers majeurs.

D’abord, l’exemplarité des seniors. Une culture ne se diffuse pas par décret, mais par mimétisme. Si un petit groupe incarne déjà les bons réflexes et les bonnes pratiques, ça crée un effet d’entraînement. Ces personnes doivent être mises en avant et valorisées pour que leur posture et leurs comportements deviennent une référence au sein de l’équipe.

Ensuite, il faut créer des espaces d’échange. On parle souvent de culture partagée, mais encore faut-il lui donner un terrain d’expression, une zone de partage. Ça passe par des rituels où les gens présentent leur travail, discutent de leurs réflexions et partagent leurs découvertes. L’important, c’est que ces discussions ne soient pas cloisonnées par métier. Il faut casser les silos et créer des moments où toutes les expertises se croisent, un peu comme une place de marché où chacun vient apporter sa contribution et s’inspirer des autres.

Les BoFs - Birds of a feather flock together

Évènement aujourd’hui renommé OCTOFest, ce sont des moments de partage en interne d’OCTO où chaque personne, quelle que soit son expertise, son poste, son niveau, peut proposer un sujet à présenter à l’ensemble des Octos. On y a récemment parlé d’audit RGAA, d’observabilité, de télétravail, et plein d’autres choses !

Découvrez le concept dans cet article

Enfin, il faut injecter de l’inspiration externe. Une équipe qui ne regarde que son propre fonctionnement risque de stagner. Pour évoluer, elle doit être confrontée à d’autres pratiques, d’autres méthodes, d’autres cultures. Ça peut passer par du benchmark, des retours d’expérience avec d’autres entreprises, des learning expeditions ou même des collaborations avec des équipes qui ont des approches différentes. J’ai vu ça chez Apizee, par exemple. On a travaillé avec un prestataire qui avait une manière de faire très différente de la nôtre. Nos équipes ont été confrontées à son mode de fonctionnement, et au final, elles ont adopté certaines de ses pratiques. Il n’y a eu aucun push du management, juste un effet d’entraînement : une première équipe a trouvé ça intéressant et a voulu s’y mettre, puis une deuxième a suivi. Le rôle du management intermédiaire, dans tout ça, c’est de créer les conditions pour que ces dynamiques émergent et puissent s’inscrire durablement dans les pratiques de l’entreprise. Ça peut passer par la mise en place de moments dédiés au partage, par une organisation des équipes pour favoriser les interactions, ou simplement par du soutien et de la reconnaissance pour ceux qui prennent des initiatives.

L’objectif final, c’est d’arriver à une équipe qui ne fonctionne pas sur des injonctions, mais sur l’envie. Une équipe qui connaît son propre mode de fonctionnement, qui n’a pas peur de regarder ce qui fonctionne ailleurs, qui a envie d’y ressembler, et qui évolue naturellement dans ce sens.

Remerciement

Merci à Romain Vailleux.

En savoir plus

Envie d’aller plus loin ? Nous avons préparé un contenu spécial regroupant toutes ces interviews, à retrouver bientôt dans notre newsletter. Pour ne pas rater les prochaines publications sur notre blog, abonnez-vous à notre flux rss.

Les précédentes interviews :