Le PMO de l'écosystème Agile

le 06/05/2019 par Basile du Plessis
Tags: Product & Design, Agile

“Nous avions dit il y a un mois que nous allions faire ce truc… plus personne n’en parle… et maintenant on en est où ?”

“Je comprends que c’est un sujet compliqué, qui avance très lentement…. il faut nous dire où on en est ? on est inquiet, il nous faut de la visibilité !”

“Je ne comprends pas, vous me dites que le projet est en retard mais là il est 17h et il n’y a plus personne sur le plateau, qu’est ce qui se passe ? on en est où ?”

Vous aussi vous vous reconnaissez dans une ces questions ? Vous les avez entendues pas plus tard qu’hier sur l’un de vos projets ?

Cet article vise à mieux comprendre ce qui se cache derrière ces phrases faussement anodines et vous apporter des éléments de compréhension sur le rôle de PMO que nous retrouvons de plus en plus dans les écosystèmes Agile.

La progression

Ce questionnement quotidien appartient à une thématique que nous nommons en gestion de projet la progression.

C’est une composante forte des projets informatiques (mais pas seulement)… prenez un peu de recul sur les discussions informelles que vous avez avec les gens que vous croisez et comptez combien de fois par jour vous leur demandez : “Alors ça va ? qu’est-ce que tu deviens ? ton projet ? c’en est où ? ça avance ?”

Vous allez vite le constater, la progression est partout, dans nos vies, dans nos relations et dans nos projets.

D’un point de vue gestion de projet, la progression se définit comme la mesure de l’avancement par rapport à un plan. En d’autres termes, si le plan est l’histoire comptée dans le livre, la progression est le numéro de page.

Dans nos interactions quotidiennes nous n’avons pas toujours en tête les plans des personnes que nous croisons et c’est une des raisons qui nous pousse à poser avant l’inévitable question “où en es-tu ?” la question “qu’est ce que tu deviens ?”.

Cette question préalable nous permet de capter chez notre interlocuteur :

  • Des éléments de contexte par rapport à des échéances passées (“je me suis marié”, “j’ai quitté mon travail”, …)
  • Des précisions sur ses objectifs du moment (“en ce moment je cherche un nouveau travail”, “j’ai décidé de changer de vie, j’en ai marre de…”)

Ces informations nous permettent de mieux situer notre interlocuteur dans le temps et l’espace, elles donnent du sens à la progression et elles sont aussi l’opportunité de faire naître de l’empathie dans la relation par l’émergence de repères communs autour d’éléments factuels.

La progression dans l’IT

“Mais alors le projet de refonte de l’application, il en est où ?” :

  • “Ça avance… on a pris du retard, mais on va rattraper, on sera au rendez-vous dans les temps….”
  • “Là on est bloqué, mais on aura terminé demain, c’est sûr...”
  • “Pour l’instant je n’ai pas eu le temps de m’y consacrer, mais ça va le faire, je suis confiant…”
  • “La deadline n’a pas changé, on est confiant… ne t’inquiète pas”

Que dire de ces réponses pourtant si fréquentes… permettent-elles vraiment de factualiser un avancement ? de créer de l’empathie et de la confiance ?

Si nous y regardons de plus près, le seul élément factuel apporté ici est l'existence d’une deadline qui laisserait entendre que tout le plan se résume à une date de fin.

De plus, l’absence d’éléments précis pousse l’interlocuteur à se rabattre sur des notions de confiance, ce qui détourne la discussion de sa vocation première en l’emportant sur le terrain glissant de l'opinion et de la croyance.

“Vous y croyez ? … oui on y croit… !”

L’Agilité dans tout ça

Avant même de parler d’Agilité, les individus ont depuis longtemps compris que la meilleure façon de parler de progression est d’abord de parler de ce qui est terminé :

  • “La construction du pont avance bien, les piliers sont construits et l'embranchement sur l’autoroute est finalisé…”
  • “Le peintre a pris du retard, mais hier il a terminé la cuisine…”
  • “Le projet est en attente, le plan est terminé, les équipes sont mobilisées, on attend le financement et c’est parti…”

Et aussi d’y ajouter une dose de court terme et de long terme :

  • “Mon changement de vie professionnel progresse bien, cette semaine j’ai rendez-vous pour mon bilan de compétence… et après je me lance”
  • “Prochain étape la peinture de la salle de bain… et après il ne restera plus que l’étage et ce sera terminé”
  • “Déjà si fin de semaine prochaine on a fini de migrer les données, on pourra dire qu’on a bien avancé…”

Toutes ces phrases sont finalement très naturelles, tellement naturelles que beaucoup de chefs de projet dans l’IT les ont oubliées au profit du malheureusement classique “on est bloqué mais on va rattraper et puis on est confiant, la deadline sera tenue… on fera ce qu’il faut”

Cette fuite vers l’abstrait et la miraculeuse tenue de la deadline s’explique en partie par la nature complexe et incertaine des projets IT ainsi que par la difficulté d’un langage commun entre un décideur haut placé et un développeur.

Cette absence de repères communs rend souvent la factualisation de la réponse peu naturelle : “L’application est bientôt terminée ? les clients attendent...” (COMEX) “On avance, là les devs ont fini la mise en place de l’interface, ils s’attaquent aux flux…” (DEV) “ah ok…. bon… vous me tenez au courant quand c’est fini ?” (COMEX)

Heureusement pour nous l’Agilité a permis de faire un immense pas en avant et entre autres grâce à deux éléments clés :

  • Les livraisons fréquentes d’incréments terminés qui apportent un bénéfice visible et communicable au projet
  • Le rôle du Product Owner qui est garant de communiquer l’histoire du projet entre toutes les parties prenantes

L’Agilité a permis par la recherche d'événements concrets et partageables dans le cycle de vie projet, de sortir les projets IT de l’effet tunnel, d’impliquer les parties prenantes et paradoxalement de faire enfin de la véritable gestion de projet.

Mais au fait, le titre de l’article parlait de PMO… quel est le rapport, on en est où ? Ça va venir vous allez voir, faites moi confiance !

L’écosystème Agile

Chez Octo nous avons écrit un livre blanc sur la transformation Agile : “Culture Change”, dans lequel nous présentons notre framework d’organisation Agile dont voici quelques éléments clés :

  • Une organisation essentiellement composée d’équipes Agile en lien direct avec la stratégie (verticale)
  • Une gouvernance pour la prise de décision et des rôles clés pour porter la roadmap globale
  • Un PMO pour faciliter la prise de décision
  • Des métiers/équipes transverses pour soutenir les équipes verticales

Le cadre est posé mais alors pourquoi ce rôle de PMO ? quel est son but ? quel rapport avec la progression ?

La transformation Agile d’une organisation a pour but de rechercher une meilleure efficience au travers d’équipes pluridisciplinaires intégrées à un cadre de prise de décision décentralisé et direct.

De notre expérience le premier résultat tangible de la transformation est justement cette factualisation de la progression, autrement dit la perception à tous les niveaux de l’entreprise que l’on comprend ce qui se passe, qui fait quoi, pourquoi et pour quand. Ce premier résultat qui découle de la clarification de l'organisation et de la limitation de l’encours est souvent perçu comme une avancée majeur et un formidable facteur de confiance.

Mais alors, dans un contexte Agile, la question de la progression se pose-t-elle encore ?

Le PMO

Nous avons constaté que durant les phases de transformation et même après, les organisations expriment un besoin d’aide sur le suivi de la progression notamment car :

  • Les équipes Agile ont tendance à beaucoup découper les fonctionnalités qu’elles développent, il n’est pas toujours simple de raccrocher la User-Story à un objectif de valeur qui parle à tout le monde
  • La maturité des product owner et leur capacité à être audible par la direction est souvent très inégale
  • Les objectifs des équipes ont une granularité soit trop grande (ex : deadline à 6 mois) soit trop petite (ex : la demande pour demain) et manquent de valeur

Cette aide est portée en partie par le rôle de PMO qui a pour mission de créer un langage commun sur la progression, pour que la question “on en est où ?” amène systématiquement une réponse factuelle et comprise.

Mais pourquoi ne pas suivre simplement la vélocité des équipes ?

Tout simplement parce que cette information n’a aucune valeur, auriez-vous l’idée de demander à un ami que vous croisez par hasard dans un parc entrain de faire son jogging à quelle vitesse il court ?

Non vous allez vous intéresser à son trajet, d’où il vient, où il va, pourquoi il court…

Quand vous discutez avec quelqu’un qui lit un livre, lui avez vous déjà demandé à quelle vitesse il lit les pages ?

Non, vous allez vous intéresser à où il en est dans l’histoire.

Mais ne pourrait-on pas automatiser le reporting de la progression et se passer de PMO ?

Probablement oui… mais il nous manquerait quelque chose, car gérer un projet ce n’est pas simplement regarder comment il progresse, c’est aussi prendre les bonnes décisions pour garantir que demain il continuera de progresser.

Vous avez déjà fait des travaux chez vous ? peut-être comme moi vous direz que le pire c’est quand l’entreprise ne vient plus, qu’il ne se passe rien, qu’on ne sait rien…. quand ça ne progresse plus !

Dans un contexte Agile, nous savons que l’indispensable maintien d’une progression régulière impose de prendre fréquemment et rapidement des décisions et nous savons aussi que prendre une décision n’est pas qu’une affaire de chiffre, c’est souvent une affaire de ressenti, de conviction, quelque chose de fondamentalement humain !

Et c’est là que notre PMO devient intéressant, car tout en donnant du sens à la progression, il va par les questions qu’il pose :

  • Contribuer à identifier les décisions à prendre
  • Assurer que les bonnes personnes sont impliquées dans la prise de décision
  • Assurer que les travaux préparatoires à la prise de décision ont bien été menés
  • Assurer que les décisions sont partagées et comprises

Mais pourquoi ces responsabilités ne pourraient-elles pas être portées par le management ou un autre rôle opérationnel ?

Nous pensons qu’il y a un véritable intérêt à avoir une personne totalement neutre pour ce qui est du suivi de la progression. Comme nous le disons souvent, le PMO est en Lecture Seule, il ne donne pas son avis, il n’interfère pas sur les problèmes, il ne propose pas de solutions… ce n’est pas son rôle car ce faisant il perdrait toute objectivité et aussi probablement la confiance des équipes, confiance indispensable à l’expression d’une vraie progression.

Comment définir alors ce rôle de PMO ? quelles sont ses actions clés ?

En voici quelques unes :

  • Il rencontre régulièrement les équipes (verticales, transverses) afin de les interroger sur leurs objectifs à moyen terme (1 à 3 mois) et sur leur progression (terminé vs reste à faire)
  • Il capte les blocages, les risques qui ont un impact négatif sur la progression et s’assure qu’ils sont suivis
  • Il identifie avec toutes les parties les décisions à prendre et s’assure que tous les éléments nécessaires à la prise de décision sont instruits
  • Il planifie et organise une gouvernance ritualisée et fréquente afin que les décisions soient entérinées et partagées
  • Il produit un rapport d’activité hebdomadaire
  • Il définit un socle d’indicateurs de progression commun à toutes les équipes

Conclusion

Dans cet article vous avez appris que :

  • La progression est une composante essentielle de notre vie
  • L’Agilité est une avancée majeure pour la perception de l’avancement dans l’IT
  • L’organisation Agile se doit de créer un langage commun sur l’avancement compréhensible par toutes les parties prenantes
  • Le PMO n’est pas un décideur mais un observateur de la vérité, ce qui facilite la prise de décision et la progression des équipes vers des objectifs partagés

Si vous souhaitez aller plus loin une prochaine étape pourrait être la lecture du livre blanc “Culture Change”.

Et sinon vous ça va ? vous en êtes où ?