La Duck Conf 2023 - Guider, Faire, faire faire ? une solitude partagée entre manager et architecte
Talk des Octos Borémi Toch & Olivier Tuffier
L’architecte et le manager partagent des questions communes pour leur action quotidienne : quel pouvoir ? Quelle autorité ? Suis-je légitime ? Ou crédible ?
Borémi et Olivier ont insisté sur le nécessaire dialogue entre ces deux protagonistes pour décider ensemble et construire les évolutions de leur organisation.
Pour étayer leurs propos, ils se sont inspiré de la société Acmé avec un focus sur la Direction des Systèmes d’information (DSI) et la Direction métier confrontées à une transformation au demeurant classique en ce moment : une migration vers le Cloud en mode agile.
Mais quel lien unit l'expert d'une part, le manager et l'architecte d'autre part ?
Olivier nous partage la fable du manager au Colt d’or qui tue tous les problèmes (regardez le replay, ce sera mieux raconté que dans cet article).
Je vous dévoile néanmoins la fin : à force que ce soit LE manager qui règle tous les problèmes, ses collaborateurs se reposent complètement sur lui.
La morale de cette histoire est que le manager ne peut résoudre seul les problèmes ; dans son équipe, il peut et doit compter sur des experts capables de résoudre également ces problèmes et de s’en emparer.
En résumé, le manager ne doit pas être le seul expert de l’équipe.
Il en va de même pour l’architecte dont le métier recoupe une multitude d’acceptions et de fonctions.
Si tel est le cas, quelle est leur place respective ?
L’agilité questionne la place du manager et dans les strates intermédiaires, cela amène des interrogations sur son rôle, sur ce qu’il fera une fois la transformation réalisée. En parallèle, l’architecte est chahuté par les méthodes agiles car il est entre les décisions du Tech lead garant de la qualité technique et la direction, prenant des décisions de rationalisation et d’optimisation globale.
Se pose alors la question de leur pouvoir et autorité, et de la distinction entre les deux.
Le pouvoir est hérité de la place que l’on occupe. Il s’agit d’un statut. Par exemple, le pouvoir du manager se matérialise concrètement au moment de l’évaluation car il lui incombe de mesurer les progrès et objectifs atteints de son managé.
L’autorité, en revanche, est un comportement qu’on exerce, quelle que soit notre place. Elle se matérialise dans les actions concrètes, appréciées et reconnues par les pairs de celui qui l’exerce.
Elle est plus ou moins naturelle selon les personnes ; néanmoins, elle peut se travailler tout au long de sa carrière.
Or le manager comme l’architecte, se retrouvent souvent entre le marteau et l’enclume, entre les décisions du haut et les feedbacks de leurs équipes.
Revenons à Acmé : l’architecte souhaite faire avancer la migration vers le Cloud ; il se retrouve face aux équipes qui n’ont pas le temps nécessaire à y consacrer. Il a le pouvoir mais pas l’autorité pour le faire : il se retrouve confronté à la réalité du terrain.
Au-delà du pouvoir et de l’autorité, il convient d’aborder deux autres notions : distinguer la légitimité de la crédibilité. On se pose souvent la question : « suis-je légitime ? ». Comme pour le pouvoir, la légitimité est héritée de la place qu’on occupe. L’architecte et le manager sont légitimes de fait. En revanche, la crédibilité se construit.
Par exemple, en vol au moment de turbulences, un steward peut vous demander vertement de retourner à votre place : il est légitime de le faire, mais pas forcément crédible si lui-même est debout en train de papoter ou de boire un café !
On peut tout à fait être légitime tout en n’étant pas crédible.
La rencontre de l’architecte et du manager est utile pour trouver ensemble des réponses à ces questions. Tous deux sont confrontés à une forme de solitude pouvant engendrer vulnérabilité et doutes. Or, il est peu admis dans nos organisations de montrer que l’on ne sait pas, ou de partager ses doutes. Borémi et Olivier les encouragent à s’allier pour trouver des réponses communes.
La crédibilité de l’architecte et du manager se construit sur 5 facteurs : l’exemplarité (faire ce que l’on dit et s’appliquer à soi-même ce que l’on demande aux autres), la capacité à valoriser (souligner, féliciter ce qui est bien), la capacité à faire respecter les règles (siffler les hors-jeux), savoir accompagner les collaborateurs (les aider à se développer), et informer (faire redescendre l’information de haut en bas, et avoir le courage et la responsabilité de remonter l’information de bas en haut). Ainsi, chacun d’eux a un rôle dans les décisions prises plus haut.
Trois comportements ou actions possibles s’offrent à l’architecte et au manager :
Faire : pour être sûr du résultat, mais en risquant de réduire l’autonomie et rendre impossible le passage à l’échelle ; le Faire repose sur l’expertise de l’un et l’autre mais sans devenir le Super Héros au Colt d’or
Faire faire : s’appuyer sur les compétences des autres membres de l’équipe qu’ils n’ont pas, avec néanmoins le risque d’une posture directive désagréable et accepter que cela peut prendre du temps, de même que le résultat ne soit pas celui attendu ; ou
Guider : se concentrer sur la relation et susciter l’engagement, mais devoir accepter un résultat peut-être différent, voire s’isoler de l’équipe. Le manager et l’architecte donnent des orientations et délèguent.
Il convient d’utiliser ou d’adapter ces comportements selon la situation.
Et quel que soit leur choix de mouvement (tout particulièrement pour Faire faire ou Guider), l’architecte et le manager attendent une forme d’autonomie de leur coéquipier, qui s’appuie sur le Pouvoir Faire et le Vouloir Faire. Ce que nous appelons élégamment le PFH : le Putain de Facteur Humain !
La métaphore de l’éléphant (6 tonnes) et de son conducteur (75 kilos) permet d'illustrer ce PFH. Si l’éléphant, représentant notre dimension émotionnelle, décide de ne pas avancer dans la direction du conducteur, représentant notre dimension rationnelle, c'est toujours l'éléphant qui l'emportera.
En d’autres termes, cela veut dire que le manager comme l’architecte doivent s’adresser à l’éléphant, et donc tenir compte de la motivation de leurs collaborateurs, qu'elle soit extrinsèque, comme le célèbre duo carotte-bâton, ou intrinsèque..
Car la motivation ne se décrète pas, surtout pas l'intrinsèque !
Borémi et Olivier, à l’instar de Dan Pink dans Drive, proposent 3 leviers d'influence possibles :
agir sur l’autonomie (quelle latitude dans le choix des outils, des méthodologies, des coéquipiers, de l’organisation du travail etc.),
développer la maîtrise (l’envie de bien faire, être porté par la tâche en elle-même plus que par le résultat, le besoin de devenir meilleur, de se développer par l’apprentissage et les feedbacks),
partager la finalité (questionner le sens, proposer une vision, un cadre de travail répondant aux valeurs de chacun).
Enfin, au-delà d’être utile, la rencontre entre le manager et l’architecte est nécessaire pour apporter une concordance dans l’action collective. Pour donner de l’autonomie, encore faut-il cadrer un terrain de jeu cohérent, à savoir harmoniser les priorités pour éviter les ambiguïtés dans les équipes, assurer une concordance entre découpages techniques et fonctionnels/humains. Il leur incombe également de cultiver l’apprentissage : ils doivent élaborer conjointement une stratégie de formation cohérente en fixant les priorités en termes de compétences sur une période donnée, en valorisant les temps d’échanges et en animant des communautés dans lesquelles savoir et pratique sont partagés. Ils peuvent enfin, travailler une vision commune en participant ensemble aux comités stratégiques, en faisant en sorte de parler d’une seule voix dans le kick-off et les bilans d’années.
En take aways, il est important de rappeler que la carte n’est pas le territoire car tout dépend du contexte. Toute abstraction est intéressante mais il faut la contextualiser. Dit autrement, toutes ces invitations sont à mettre en perspective du quotidien de chacun, de votre propre réalité du terrain. Ou encore d’être capable de demander un feedback à ses managés : cela vous a fait quoi que j’intervienne ? qu’est-ce que cela apporté, vous a apporté en tant qu’équipe, qu’est-ce que nous pouvons faire de mieux la prochaine fois ?
Finalement, le manager comme l’architecte ont un rôle dans le fait de rendre explicite ce qui se passe de manière implicite.