“Je suis Dominique, Chief Data Officer d’un groupe de distribution français. Mon rôle est de mettre en place différents dispositifs pour fournir à mes collègues tout un tas de données leur permettant de réfléchir, de prendre des décisions et d’agir plus finement et plus précisément que par le passé. Laissez-moi vous raconter deux anecdotes pour illustrer l’importance des données recueillies dans notre organisation…
La semaine dernière, un client a refusé de donner son code postal à la caisse du magasin au moment de payer ses achats (c’est un processus que nous avons mis en place il y a plusieurs mois au-delà d’un certain montant). Bien embêté (car dans le désir de bien faire tout en restant aimable avec le client), l’hôte de caisse a saisi le code « 00000 » dans la machine pour aller au bout de la transaction.
Hélas, cela a pour conséquence de fausser l’analyse du rayonnement territorial du magasin et la décision d’ouvrir de nouveaux magasins. Dominique a découvert que 40% des codes postaux sont ainsi mal renseignés ! Comment orienter le marketing avec un tel taux d’erreur ?
La même semaine, dans un autre magasin, un client s’est trouvé en difficulté sur une caisse automatique au moment de payer. Malgré l’aide de la cheffe de caisse pour mener à bien le paiement, le client a dû abandonner sa transaction. Déçu et agacé de devoir attendre, il est passé à une caisse normale. Un autocollant a tout de suite été mis sur la caisse automatique pour éviter que d’autres clients ne se retrouvent bloqués. Mais malheureusement, aucun ticket d’incident n’a été remonté auprès des services centraux, et personne ne s’est donc occupé de comprendre le problème informatique, ni de le résoudre. Nous avons donc à la fois des clients mécontents dans ce magasin, et le risque que cela se reproduise dans d’autres magasins.
C’est ce genre de « petits ratés de data » qui peuvent avoir une forte incidence chez nous…”
Devenir Data Driven ?
Si Dominique, notre Chief Data Officer est particulièrement sensible au bon usage de la data, il semble bien conscient qu’il est indispensable de sensibiliser toutes les strates de son entreprise à l’utilisation de la data et à ce que cela implique, avant d’entamer une véritable transformation. Cette transformation lui permettra de personnaliser davantage sa relation client.
Et vous, quelle que soit la fonction que vous ayez dans votre organisation, avez-vous déjà été confronté(e) à ce type de problématique ? Sauriez-vous mesurer le niveau de maturité data de votre organisation ? Voici quelques questions plus précises pour vous éclairer :
- Quel public a accès à la data ?
- Quelle donnée est accessible et exploitée ?
- Qui utilise quelle data, pour factualiser quelles décisions ?
- A quels problèmes peuvent répondre l’utilisation des données ?
- Quelle est l’expérience vécue quand vous cherchez à accéder à la donnée ? (en termes d’accessibilité, de qualité, de confiance, de compréhension, etc.)
- Quelles sont les initiatives déjà existantes, par exemple des formations, des hackathons autour de la data ?
Et sans chercher à vous comparer, car la réalité des autres n’est pas la vôtre, voici à titre d’exemple quelques statistiques issues d’une étude réalisée par Accenture et Qlik :
- Entre 60 et 73% des données d’une entreprise ne sont jamais analysées
- Seuls 37% des employés font davantage confiance à leurs décisions lorsque celles-ci sont basées sur des données, et près de la moitié (48%) s’en remettent souvent à la prise de décisions basée sur l’intuition plutôt que la data.
Pourquoi intégrer la Data dans la culture de son entreprise ?
Il ne faut pas voir une grande quantité de données collectées comme une solution à tout. Il est nécessaire de définir les problèmes concrets que l’on cherche à résoudre (en matière de marketing, sécurité, technologie etc.) et trouver les données particulières qui permettront d’y répondre. Voilà tout l’intérêt d’une stratégie en matière de données.
Dans notre petite histoire, Dominique semble avoir mis en place deux processus de remontée de données en vue de résoudre deux problèmes : comment décider de l’ouverture de nouveaux magasins, et comment réduire le temps d’indisponibilité des caisses automatiques.
On associe souvent “culture de la donnée” à “culture de la décision”. La data vient nourrir, illustrer et préciser la réflexion, en vue de s’appuyer sur des éléments tangibles pour aider à la prise de décision.
Ce mode de fonctionnement, constituant l’un des multiples déterminants culturels d’une organisation, se voit modifié, bousculé, avec la place de plus en plus grande des données. Au-delà de ce phénomène, la récolte, le suivi, le stockage, la mise à dispositionde ces données posent plusieurs questions venant toucher à la structure visible (rôles, responsabilités, processus…) et aux structures inconscientes (états d’esprit, valeurs, façons de faire, habitudes…) d’une organisation.
Comment garantir la qualité des données ? Qui s’en occupe ? A quel point pouvons-nous faire confiance à ces données ? Quel cycle de vie de chaque donnée ? Comment les protéger ? Comment les manipuler pour garantir rapidité et transparence ? Pouvons-nous nous appuyer sur des modèles de décision ou de prédiction ?
Dans l’histoire de Dominique, comme dans toutes les entreprises, le quotidien et les habitudes sont longs à (faire) bouger : à quoi bon remplir le code postal ? Comment prendre l’habitude de saisir un ticket d’incident alors que la priorité semble porter sur l’information immédiate des clients de l’indisponibilité d’une machine ?
Dominique ne pourra pas changer seul les habitudes. Le mieux pour lui sera de chercher à intervenir à tous les niveaux, et trouver des partenaires aussi bien métiers que techniques.
Une démarche de transformation en 5 étapes
Pour aider Dominique, nous lui suggérons de faire confiance à la démarche suivante, qui vise à faire évoluer des éléments culturels tout en s’appuyant sur de l’expertise data.
- Pour commencer, on regarde, on observe la situation de départ, essentiellement par des interviews. Cette phase de Culture Evidencing met en lumière les déterminants culturels (rituels, comportements et habitudes) que les individus et les équipes ont par rapport au sujet. Quelles données sont utilisées aujourd’hui ? Pourquoi ? Qu’en font-ils ? Comment sont prises les décisions ? Qu’est-ce qui les satisfait ? Qu’est-ce qui les frustre ? Qu’auraient-ils à y gagner à manipuler davantage de données ?
- Toute cette matière nourrit la phase de Culture Foundation pour restituer les questions cruciales que nous identifions derrière ce que nous avons entendu. Ces questions sont “mises en conversation” pour amener à identifier la cible : à quoi voulons-nous arriver en matière d’usages de la data ? Au-delà de la clarification de l’objectif (ou de la vision), cette étape vise la mise en mouvement des acteurs concernés, car ce ne sont pas nous les consultants qui allons faire évoluer la culture. Pour cela, il faut à la fois s’adresser à la “tête”, au “coeur” et aux “tripes”, pour commencer à faire bouger l’organisation.
- Plus le changement est grand, plus il faut commencer petit. Dès lors, dans le Culture Prototyping, nous allons lancer des expérimentations sur un périmètre limité. Il s’agit de “faire pour de vrai” pour que chacun contribue à faire évoluer sa réalité quotidienne. Cela nous amène à regarder ce qui se passe quand on mène ces dispositifs très précis et concrets, comme des séminaires, des hackathons, des challenges data, de la formation, ou des rituels d’échange entre data doers.
- Dans le Culture Reinforcement, on cherche à ajuster les dispositifs lancés en s’appuyant sur des métriques, dans une logique d’adaptation, pour à la fois garder le cap fixé initialement, et coller à la réalité des acteurs concernés.
- Enfin, nous nous effaçons petit à petit en aidant le client à s’autonomiser dans la phase de Culture Propagation. Les expérimentations lancées sont reproduites dans d’autres contextes, pour amener d’autres changements, et les personnes déjà embarquées prennent elles-même des initiatives qui ancrent les changements opérés.
Culture & Data : l’intangible et le mesurable
Peut-être que tout comme Dominique, vous rêvez vous aussi de transformer votre organisation en “Data driven company”. Au-delà d’être une expression à la mode, notre conviction est qu’une telle transformation doit à la fois préciser de nombreux aspects techniques pour garantir la collecte et l’exploitation des données, et adapter les facteurs intangibles de toute organisation qui constituent la Culture. Cela ne doit donc pas rester un sujet d’experts au fin fond d’une DSI, mais devenir l’affaire de tous : décideurs et sponsors, managers et collaborateurs des métiers et des SI.
Zoom sur culture prototypingPrototyper et expérimenter amène chacun à voir comment la data peut l’aider dans son quotidien. C’est une étape importante dans laquelle on cherche à dépasser la difficulté à récupérer de la donnée de qualité, à comprendre que la donnée se niche partout, à découvrir les mille manières d’interpréter un indicateur ou à éviter de se perdre dans un modèle de machine learning ! Pour faciliter la compréhension, l’adhésion, et provoquer une mise en mouvement, ces expérimentations doivent s’adapter à la spécificité de chaque entreprise, voire de chaque équipe, en ayant entendu au préalable les attentes des différents publics. Voici quelques propositions :
Ces quelques exemples montrent quelles premières actions concrètes peuvent être lancées pour commencer à ancrer la culture data dans la réalité de chacun. Et si cette liste vous semble incomplète, peut-être avez-vous d’autres idées d’expérimentations pour propager la data au sein de votre culture ? |