La Culture : plus on en a, plus on l’étale - Le comptoir
Jeudi 8 juillet 2021, Paris - Lors du dernier épisode du Comptoir, nous avons reçu Audric Chauveau (CPO, Invivo Digital Factory), pour se pencher sur le sujet de la Culture au sein d’une organisation produit dont la particularité est la multiplicité des acteurs et des entités.
Dans cet article, nous revenons sur ce comptoir. On y parlera de culture Produit et de culture People. On évoquera comment cette culture commune a pu émerger au sein de la Digital Factory au point d’en faire un levier de succès et de mobilisation.
Culture Produit
Une partie de la réponse ne relève pas d’une méthodo ou d’une bonne recette de grand-mère. Elle est de l’ordre du mindset des acteurs, de ce qui se passe dans la tête des gens. Beaucoup de choses pourraient se résumer avec du pragmatisme avant tout.
Le produit aladin.farm est passé par différentes étapes. Ici nous vous raconterons le chemin qu’on a pris et les enseignements qu’on a tirés de chaque phase.
1.1 L’étape du POC : poser les bases et construire un socle
Dès le départ, nous avons eu besoin de partir sur une approche Lean. On avait une idée, un macro-plan stratégique et financier sur trois ans. Il fallait vérifier nos hypothèses et l'appétence de nos futurs clients. On construit une première application très rudimentaire mais qui permet de s’immerger dans un parcours. L’architecture est à ce stade réduite à peau de chagrin.
Cette phase a été pour nous le moyen de constituer l’équipe cœur de la digital factory et créer les premières relations humaines. C’est une première collaboration tous ensemble et on doit créer les premières bases de notre confiance mutuelle. On construit aussi les bases de notre fonctionnement en mode agile.
On commence à prendre contact avec les clients (les coopératives agricoles) pour créer un club utilisateurs et nouer nos premiers liens. On identifie avec eux les expertise métiers manquantes que l’on sollicitera auprès de leurs équipes. Avec leur aide et leurs avis, on pourra confirmer leur appétence pour notre produit.
1.2 L’étape des MVPs : développer la démarche produit
Cette phase est surtout celle de la croissance de notre organisation avec des enjeux très ambitieux à atteindre pour cette première version. A ce stade, on évolue dans un contexte contraint puisque la vision n’a pas été négociée (ndlr. elle a été imposée).
Rapidement, nous avons plusieurs enjeux : engager avec nos clients la co-construction de cette première version et les faire contribuer à nos cadrages. On apporte l’expertise technique et l’exécution du delivery, ils apportent leurs compétences du monde agricole. Avec leur aide, nous délimitons le contour fonctionnel de notre produit.
En parallèle, c’est tout l’outillage (standards, rituels, convictions, méthodologies) de la Digital Factory qui est mis en place; c’est nécessaire pour convaincre sur l’approche agile (incrémentale et itérative) là où la plupart de nos interlocuteurs fonctionnent en mode cycle en V.
Enfin, en plus de rencontrer nos clients, nous rendons visite à leurs utilisateurs finaux, à savoir les agriculteurs eux-mêmes.
1.3 La deuxième phase du MVP : convaincre nos early-adopters
Cette phase a été cruciale pour notre montée en puissance. Il nous fallait confirmer l’adoption des utilisateurs à notre produit. Avec de vrais utilisateurs sur la plateforme, notre principal challenge a été de les convaincre à basculer toute leur activité sur aladin.farm. En clair, on a dû se repencher sur notre MVP (qu’on pensait fiable et fonctionnel) pour poursuivre les développements à destination des early adopters.
On continue à collecter des feedbacks pour alimenter notre double flux de cadrages et de delivery. On oriente aussi l’organisation pour adresser de nouveaux personas : on augmente notre couverture sur la chaîne de valeur d’InVivo.
On ne doit surtout pas rater le prochain temps fort commercial pour les coopératives. On cela, on va tout faire pour créer les conditions pour ce premier succès commercial (MS automne) en priorisant par la valeur, en recherchant de la qualité technique, par sens donné au travail des équipes et par le pilotage de la capacité à faire des équipes.
1.4 L’étape du produit à enrichir
Ça y est, le produit est officiellement lancé auprès de plusieurs de nos coopératives. Les premières “vraies” commandes sont passées. Pour poursuivre notre croissance, on s’appuie sur 4 piliers:
1.4.1 La priorisation par la valeur
On assoit notre Design Studio et on construit notre manière de collecter et de qualifier les données et feedbacks utilisateurs fiables. On essaye de déconstruire et de qualifier tous nos feedbacks pour distinguer les interprétations, les demandes d’évolutions sans prise de recul, les mauvaises statistiques, etc.
En parallèle, on construit notre demand management pour avoir une manière de communiquer et référencer toutes les demandes qui nous parviennent. Plusieurs rituels sont ajoutés pour piloter la vision stratégique du produit, la vision tactique et son exécution opérationnelle.
Enfin, dans tout ce que nous entreprenons, on se fixe la consigne de ne pas aller à la cible tout de suite, mais d’itérer sur les développements et faire des fonctionnalités de manières incrémentales : on veut délivrer rapidement de la valeur pour la mettre à disposition de l’utilisateur le plus vite possible.
1.4.2 Le partage de la vision avec les équipes
C’est le moment de se repencher sur la vision initiale du produit et de la considérer avec tous les apprentissages collectés depuis 2 ans. Elle est fondamentale car elle permet de donner du sens aux différents acteurs.
Elle doit permettre à tout à chacun de se projeter, de connaître les enjeux pour l’entreprise à poursuivre ce produit, imaginer les prochaines étapes du produit et pourquoi identifier les prochains pivots que nous pourrions opérer.
On définit une stratégie pour le produit et on décide de le rapprocher du rythme des champs, ce qui permet d’augmenter notre impact business.
1.4.3 Une stratégie partagée sous forme d’OKRs
Une fois cette stratégie définie, on la partage sous le format des OKRs (Objectif and Key results) afin que toute l’organisation puisse contribuer à son niveau à l’atteinte de ces objectifs. La méthode permet d’afficher des objectifs clairs et motivants, incite les équipes à se surpasser sans se démotiver et de les garder alignées avec des objectifs globaux définis annuellement.
Au-delà des OKRs, c’est tout un rythme qui fait avancer la factory, alignée dans une direction commune, vers un objectif commun à atteindre.
On permet ainsi de développer l'engagement des personnes et des équipes, développer l’autonomie et rapprocher la prise de décision au plus prêt des équipes.
Les bénéfices sont immédiats : l’équipe choisit la trajectoire à suivre pour atteindre la cible fixée et s’engage sur la manière de parcourir le chemin manquant.
1.4.4 Une démarche de co-construction avec les clients, au sein d’un club utilisateurs.
On poursuit notre co-construction avec nos clients. On les rassemble au sein d’un club d’utilisateurs et on les sollicite pour bénéficier de l’expertise du terrain et surtout avoir une boucle de feedbacks. Bien rôdés à l’exercice, c’est devenu un accélérateur pour nos cadrages.
1.5 Le produit, c’est l’équipe !
Pour mener au mieux la réalisation de notre produit, l’InVivo Digital Factory s’est organisée en quatre streams principaux :
1 - Faire le bon produit: Nous y retrouvons tous les acteurs proches du métier et qui connaissent les enjeux de l’IDF ( PM, PO, UX ,..)
2- Faire le produit bien: Regroupe l’ensemble des équipes de développement, les architectes et autres responsables techniques. Leur mission ? s’assurer de faire le bon produit conformément aux standards de qualité logiciel
3- Faire le produit vite : Nous y retrouvons tous les acteurs qui aident et fluidifient le travail des équipes: coach, directeur de mission …
4- Déploiement du produit: Pour accompagner le produit en prod, nous avons une équipe de Customer success manager dont le rôle est de faciliter l’adoption du produit
Organisation Produit InVivo Digital Factory
Côté équipe de développement, l’organisation est flexible. Pour porter notre vision produit et répondre aux enjeux fixés , nous changeons d’organisation quand le besoin s’y prête. Feature teams, impact teams, component teams .. on ne cherche pas la configuration parfaite mais plutôt l’organisation qui va nous permettre d’atteindre les objectifs fixés
Culture People
On dit souvent qu’un bon produit est surtout caractérisé par l’équipe qui le réalise. Le produit aladin.farm, réalisé au sein de l’InVivo Digital Factory en est la preuve. Pour réussir cette croissance, un grand travail a été mené au sein des équipes.
2.1 Poser le cadre de l’organisation
La base de tout cela a été de poser un cadre et une organisation assez claire où, en interne, les individus savent aisément trouver leur place et leur mission.
Pour faciliter l'intégration et le travail des équipes, un onboarding commun a été posé pour permettre aux nouveaux arrivants d'appréhender le contexte technique et métier de la digital factory
Ensuite, dans le quotidien, pour avoir un rythme de travail constant et commun, des standards ont été construits collectivement. Les standards sont là pour sécuriser et responsabiliser chaque collaborateur sur son domaine d'intervention.
On a réussi à se rôder sur notre fonctionnement, ce qui permet de développer l’autonomie des équipes, leur donner la possibilité de prendre seules des décisions et faire confiance. On n’est plus dans un fonctionnement exclusivement top-down et on a abandonné la “_relation client-fournisseu_r”.
2.2 Une démarche de co-construction
Au sein de la Digital Factory d’Invivo, il n’existe pas d’expert métier du modèle coopératives/agriculteurs. En effet, cette expertise métier est externalisée en coopérative. Notre stratégie a été d’embarquer les utilisateurs et les clients dans une démarche de co-construction afin de bénéficier de leur savoir et de leur expertise dans le domaine de l’agriculture.
Pour développer cette démarche de co-construction nous nous sommes rapprochés de nos utilisateurs en allant sur le terrain pour faire des immersions, des “vis ma vie” ainsi que des tests utilisateurs, le but étant pour nous de mieux connaître nos clients et de comprendre leur pratiques ainsi que leurs douleurs . Nous les avons également inclus dans les prises de décisions pour renforcer le lien et pour construire avec eux le modèle de plateforme qui correspondait au mieux à leur contexte . Nos clients, aujourd'hui, sont nos partenaires.
2.3 Une approche “one team”
Pour créer un esprit “One team “ entre des collaborateurs d’horizons différents, nous veillons à ce que la vision du produit soit communiquée et partagée, à ce que les objectifs soient communs et qui aient du sens pour les équipes.
Cela nécessite d’avoir un écosystème où il y a de l’entraide, de l’apprentissage par le partage d’expériences et où on a le droit à l’erreur mais aussi un cadre où on se fait confiance, où on est transparent, où on apprend à s’écouter et à écouter et où la responsabilité est distribuée.
Pour muscler notre culture nous veillons à avoir des équipes mixtes (personnes d’entreprises différentes) dont la force est, justement, la diversité. Les idées et les convictions de chacun sont bien accueillies lors des rituels et des comités de pratiques mis en place pour apprendre des uns et des autres
Pour garantir un environnement sain, nous prêtons une grande attention au mood des équipes que l’on évalue à chaque fin d’itération. Cette métrique est suivie en COPIL tous les mois pour que les alertes puissent être levées si besoin.
Enfin, les célébrations sont encouragées pour fêter nos réussites.
2.4 L’accompagnement
Pour construire cet environnement, une équipe de coachs nous accompagne au quotidien depuis le début.
Ceci passe à la fois par du coaching individuel, du coaching d’équipe ou plus largement, du coaching d’organisation. Cet accompagnement a été très utile pour résoudre des situations complexes et aussi pour anticiper d’éventuelles problématiques organisationnelles, techniques ou humaines.
Chaque trimestre, des system reviews et des analyses socio-techniques sont effectuées pour mesurer la santé du dispositif de delivery: c’est toute la valeur ajoutée d’un regard extérieur.
Nos recommandations en synthèse
Rome ne s’est pas faite en un jour et le plus important est de se mettre dans la posture d’un système apprenant. L’organisation, vue comme un produit, doit être considérée comme telle:
Avoir une vision commune: des objectif & enjeux communs qui donnent du sens et qui créent de l’engagement
Faire en sorte que l’humain soit toujours au centre des préoccupations
Favoriser le partage d’expériences
Harmoniser les outils et les pratiques d’équipe
Prendre le temps pour faire grandir les équipes dans une logique d’amélioration continue
Promouvoir la proactivité dans les prises de décision qui doivent rester au plus proche des équipes
Développer l'intelligence collective
Ne pas oublier l’excellence technique pour être en maîtrise des assets, de la stabilité #accelerate
Pour en savoir plus sur la Culture Produit, c'est par ici !