Gérez votre portefeuille d'innovation comme un Venture Capitalist
Les Corporates ont bien adopté les méthodes d’innovation des start-uppers (agilité, design thinking, lean start-up, …) pour mieux répondre au défi du renouvellement et de la création de nouveaux produits. Mais le monde de l’entreprise n’a copié que la moitié de cet écosystème. Si l’image de l'innovateur a bien été reproduite, celle de l’investisseur, celui qui supporte l'émergence de nouveaux business, qui gère un portefeuille et s’assurer de la création de valeur, a été complètement oubliée.
On ne fait pas de l’innovation pour de l’innovation. Par essence, elle a pour but de créer de la valeur. Et justement, dans l’écosystème des start-up, le métier d’un VC (Venture Capitalist) est de financer cette création de valeur et de bénéficier d’un partage de cette valeur à terme. Bref, l’investisseur crée de l’argent avec de l’argent.
L’innovation à deux visages : l’un chaud, l’autre froid
Pour qu’une démarche d’innovation soit porteuse, il convient donc de reproduire dans le monde de l’entreprise les deux postures de l’innovateur et du VC. Elles se complètent et permettent aux projets d’innovation d’avancer.
Dans ce duo, d’une part, l’entrepreneur apporte la production de l’innovation garante de la bonne utilisation des méthodes et de l’esprit des start-up. Son objectif est de faire grandir par étape les projets en construisant un « commando » pluridisciplinaire, capable de résoudre des problèmes concrets et réels et d’avancer dans la mise en commercialisation et la prise de part de marché.
En complément, la posture du Venture Capitalist souvent incarné par un comité d’investissement, comme dans un fonds d’investissement, finance les meilleures innovations à ses yeux, celles susceptibles d’avoir le plus d’impact sur le marché. Il décide donc de soutenir, d’écarter ou de « tuer ». Objectif : parier sur le portefeuille qui générera le plus de retour sur investissement (ROI). Comme le démontrent les logiques de soutien financier des fonds spécialisés en VC.
Il est important de noter que dans l’univers de l’innovation portée par des start-ups, les financeurs ne sont pas les mêmes en fonction de l’étape de développement du projet. Le métier d’investisseur évolue au fil de la vie du projet. Et les financeurs se posent des questions différentes en fonction de son avancement.
Par exemple, les premiers investisseurs, appelés Friends&Family, souvent proches des porteurs du projet vont focaliser leur attention sur la qualité de l’équipe et le problème qu’elle cherche à résoudre. Plus le problème est grand, plus le marché sera facile à convertir. Car tout produit ou service nouveau doit répondre à un besoin utilisateur (conscient ou non) d’une nouvelle et meilleure façon. Dans ces premières phases, l’investisseur doit se demander si l’équipe est la plus armée pour cette aventure (compétences, mindset, démarche ….), si la cible est clairement identifiée et si le problème est bien qualifié.
En phase d’amorçage (Seed), il se concentrera en priorité sur la qualité de la réponse apportée par la solution et sur le potentiel des clients/utilisateurs à payer pour cette innovation. On valide ici l’adéquation du produit sur le marché (le Product Market Fit).
Enfin, en phase de croissance (EarlyStage et Serie A), l’investisseur se focalisera sur la position de marché que peut prendre le projet et sur les possibilités de croissance du chiffre d’affaires.
A titre d’exemple, le fonds Outlierz Ventures intervient avec des tickets d’investissement compris entre 50 000 dollars et 500 000 dollars auprès de start-up au stade Seed et au stade Early Stage.
Créé en 2017, le fond d’investissement en capital-risque dédié aux start-ups technologiques africaines Outlierz Ventures vient ainsi de décider d’investir dans 5 start-ups avec « un objectif de retour sur investissement moyen d’au moins 20% net », a déclaré Ali Bensouda, co-fondateur et General Partner de Outlierz Ventures tout en rappelant que « le portefeuille actuel a déjà multiplié sa rentabilité par six ».
De son côté, le fonds américain GGV Capital a investi, depuis sa création en 2000, dans environ 300 start-up lors de leur amorçage ou de leur première phase de croissance, parmi lesquelles Alibaba ou Xaomi, et peut se targuer d’un taux de rentabilité interne (TRI) de plus de 25 %.
Dans une entreprise établie désireuse d’innover, on comprend donc qu’il est nécessaire d’avoir les deux postures. Celle de l’investisseur étant centrale pour analyser froidement le potentiel business à chaque étape d’un projet, en gardant en tête que le chemin sera long. A chaque phase de développement correspondent des attentes et un questionnement particulier.
Optez pour un “portefeuille” d’investissement varié
Un fonds d'investissement a un cycle de vie particulier. Dix ans souvent. Il présente deux phases successives : l’investissement et le désinvestissement. Dans les cinq premières années de sa vie, le fonds va investir dans une sélection de projets à une valorisation X (son portefeuille), puis le fonds cherchera à “sortir” de ces projets en revendant sa participation à une valorisation supérieure Y. Son retour sur investissement étant le bénéfice réalisé sur la valeur créée pendant la période de participation. Cette logique doit donc aussi être prise en compte à l’échelle de l’entreprise.
Mais pour investir dans dix projets au potentiel de ROI de Z %, il va en amont prendre connaissance de centaines de projets, en étudier plusieurs dizaines puis investir dans une minorité. A titre de comparaison, avant de financer 5 start-ups cette année, Outlierz Ventures a passé en revue plus de 1000 opportunités d’investissement et conversé avec plus de 350 entrepreneurs du continent.
Bien sûr, l’investisseur anticipe une perte de valorisation d’une partie de son portefeuille (start-up zombie, banqueroute, …). Les statistiques l’y invitent. Et pour réduire son risque, le venture capitalist va notamment investir dans des start-up différentes : son portefeuille de projets innovants.
L'investisseur utilise cette approche de portefeuille pour équilibrer ses risques entre perdants et gagnants. C’est d’ailleurs sur cette promesse de rentabilité et son équilibre de portefeuille, qu’il va généralement exposer sa stratégie et convaincre les propres investisseurs de son fonds.
A retenir pour l’innovation en entreprise : il faut favoriser la quantité pour finalement sélectionner les meilleurs projets. Dans un dispositif de création de nouveaux business, il convient donc de structurer une stratégie d’innovation avec une approche de portefeuille. Par exemple, chez un équipementier automobile, nous avons produit plus de 50 idées, 25 seulement ont été conceptualisées et validées auprès du client, pour n’expérimenter avec un MVP qu’une petite quinzaine.
Créez votre “Comité d’investissement”
Toujours à l’instar des Venture Capitalist, les investisseurs dans l’entreprise peuvent se regrouper en comité d’investissement (composé des métiers, des fonctions supports et des directions). L’idée est d’introduire une fréquence de meetings régulière pour créer une conversation continue. Cela permettra aux membres de ce comité de comprendre les enjeux des projets et d’en avoir une vision dynamique.
Un VC rencontre plusieurs fois une start-up avant d’investir. Pour accompagner, mentorer et finalement suivre l’équipe, Il va aussi demander un suivi régulier une fois son investissement réalisé.
Autre avantage, ces meetings à intervalles réguliers créeront une urgence artificielle. Les start-up dans le monde des VC connaissent toute cette urgence liée à leur financement. Quand la trésorerie commence à manquer, la start-up est challengée pour exposer des avancées technologiques ou de marché et démontrer sa valeur croissante. Cette urgence financière est un véritable moteur pour le projet.
Un service innovant en entreprise ne vivra pas cette même urgence financière compte tenu de la solidité économique de l’entreprise et des principes de protection des employés. Aussi, la mise en place de ce comité, qui décidera ou non de poursuivre tel ou tel projet, recréera-t-elle artificiellement une urgence. Mais elle ne pourra fonctionner qu’avec une présence assidue de ses membres. Votes par procuration, recours à des suppléants, ou autres votes à distance sont donc déconseillés
Formulez votre “Thèse d’investissement”
Pour aider à la décision, le comité pourra, en s’inspirant des VC, rédiger une thèse d’investissement, c’est-à-dire sa stratégie de financement pour un ROI en objectif. Ce travail va mettre en évidence des critères et permettre d’acter des décisions sur des éléments objectifs et tangibles.
A cet égard l’analyse de Jenny Lee, associée directeur chez GGV Capital, est très parlante. Pour elle, « le profil de rendement » d’un fonds VC doit notamment se faire « par rapport au taux d'échec du fonds dans son ensemble. Si vous êtes un fonds d'amorçage, vous investissez dans 100 transactions et une seule transaction survit. Ce contrat doit sauver les 99 autres contrats pour que le fonds fonctionne. Vous devez donc réfléchir à la stratégie et au positionnement du fonds (votre Thèse d’investissement NDLR) et, en fin de compte, traduire cela en critères permettant de décider de souscrire ou d'investir ».
En résumé, si la figure de l’entrepreneur se passionne pour son projet, l’investisseur froidement, dépassionné, analytique, va choisir le meilleur selon ses critères. Des exemples typiques de critères sont les cibles de clients, les modèles d’affaire, les types d’activités, l’exploitation d’une nouvelle technologie, d’une ressource clé, ou encore le time to market de ces nouveaux services (court/moyen/long-terme).
Pour motiver les investisseurs sur leur décision et leur capacité à créer de la valeur, il pourrait également être prévu un bonus en s’inspirant du Carried interest, ce pourcentage sur la plus-value dont les gestionnaires du fonds bénéficient après la phase de désinvestissement du fonds. A noter que dans les fonds d’investissement, les gestionnaires doivent “acheter” leur carried interest, soit investir en propre dans le fonds.
En synthèse , la thèse d’investissement permet à une entreprise de mettre en relief sa stratégie d’innovation, et sert de boussole pour se diriger dans le potentiel des nouveaux produits et services étudiés. Ajouter la posture de l’investisseur à celle de l’innovateur sera donc aussi une opportunité de développer un flair nouveau dans l’entreprise, une connaissance marché et un sens de l’innovation partagée.
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