Interview Alain Faure et Dominique Lequepeys : "L’avantage principal du no-code/low-code est de démocratiser le développement d’application."

Pourquoi s’intéresser au no-code, low-code ? Nos Octos Alain et Dominique vous embarquent dans leurs réflexions.

Pouvez-vous nous raconter en deux mots votre parcours avant OCTO et chez OCTO ?

Alain : J’ai passé toute ma carrière dans le développement d’applications d’entreprise. De grosses applications dont le développement se compte en millions de lignes. J’ai travaillé côté ESN, côté client dans une grande banque et aussi chez un vendeur de progiciel. Chez OCTO je suis toujours dans la technique : évolutions de systèmes, intégrations de systèmes.

Dominiqu__e : Je viens d’une autre planète qu’Alain : du marketing traditionnel, puis chef de produit digital, puis consulting IT, coaching Agile et maintenant coaching lean start-up.

Pouvez-vous nous résumer en une phrase ce qu’est le no-code/low-code pour vous?

Alain : Le low-code est une approche qui vise à rendre le développement d’application plus accessible en utilisant une approche descriptive (je dis/dessine ce que je veux) . Cela permet de masquer au développeur une partie de la complexité technique qu’il doit gérer avec une approche descriptive : je dis à la machine comment obtenir ce que je veux. Ce qui reste à coder est minimal.

Dominique : Avec le no-code, il n’y a pas à coder, du tout, nada ! La création d’application est visuelle, comme pour le low-code. Cependant l’utilisateur est beaucoup plus guidé par des modèles à utiliser et adapter pour éviter de coder.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à ce sujet ?

Alain : Comme souvent chez OCTO c’est à partir d’un échange avec des collègues, dans ce cas précis au travers de notre liste d’échange tech.

Dominique : Par les blogs de startuppers, j’avais entendu parler des ces outils. Quand un intrapreneur du Ministère de l’intérieur m’a parlé de sa bonne idée de service de réservation de créneau d’examen du permis de conduire, je lui ai montré un prototype fonctionnel avec un outil Saas. En un mois, nous avions le retour d’expérience positif de 100 candidats qui avait réellement passé le permis par ce service.

Quels avantages voyez-vous à utiliser ces plateformes de no-code/low-code ?

Alain : L’avantage principal est de démocratiser le développement d’application. Certains outils de no-code permettent à une personne non technique de réaliser des applications, certes simples mais opérationnelles que vous pourrez utiliser sur votre téléphone par exemple. D’autres plateformes de low-code permettent à un développeur formé sur cet outil, de réaliser une application complète à lui tout seul, sans avoir à être un expert mobile, ops ou base de données.

Dominique : Le principal bénéfice dans le cadre de l’innovation d’entreprise est d’accélérer l’apprentissage. En moins d’une semaine, on peut maintenant tester une idée avec un prototype fonctionnel qui rend réellement le service. Un effet secondaire que j’ai découvert est la lucidité : on ne s’attache pas à l’idée et on est plus lucide sur des retours mitigés d’utilisateurs quand on a passé quelques jours sur le prototype plutôt que quelques mois.

Quelles sont les limites et points de vigilance ?

Alain : D’un point de vue des limites, chaque outil a une limite qui est intrinsèque au design de l’outil. Je m’explique. Ces outils sont basés sur des modèles, soit l’éditeur a fait le choix de proposer des modèles simples qui vont être faciles à comprendre et utiliser mais en contrepartie vont manquer de flexibilité, car on ne peut développer que dans le cadre du modèle. A l’opposé d’autres plateformes ont fait le choix des modèles plus élaborés qui permettent une flexibilité comparable au développement d’application par codage. En contrepartie la courbe d’apprentissage et les compétences pré-requises seront beaucoup plus importantes.

Cela m’amène à un premier point de vigilance : choisir l’outil suivant l’équilibre dont on a besoin entre facilité d’usage et flexibilité. Le second point de vigilance est qu’une fois que l’on a développé une application sur une plateforme on est liée à cette plateforme tant que l’application tourne. Dans le cadre d’un MVP (Minimum Viable Product) ce n’est pas un problème, mais dans le cadre d’une application qui est amenée à durer on a les contraintes d’un progiciel. Il faut bien examiner la relation contractuelle en terme de coût et de réversibilité.

Dominique : Un gros point de vigilance est la maintenabilité. Il faut dès le départ être clair sur sa stratégie. Soit l’enjeu est de tester la pertinence incertaine d’une idée. Dans ce cas là, il vaut mieux réaliser rapidement en no-code ou low-code un Minimum Viable Product jetable. Il faut se promettre les yeux dans le yeux qu’on va le jeter, pour le remplacer en cas de succès par une version stabilisée et maintenable.

Soit l’enjeu est de construire une application cible, en général, on préfèrera la souplesse des solutions low-code. Il faut veiller à évaluer le coût total de licence à l’échelle, et accepter d’investir sur des experts du logiciels, sur une conception évolutive et les pratiques de software craftsmanship pour garantir la maintenabilité à terme.

Le pire des compromis est trop souvent pris par des projets d’innovation : créer des MVP en mode “quick & dirty” qu’on pousse à large échelle, en créant un nouveau “legacy” en quelques mois.

Alain tu as pris la parole avec Laurent à la DUCK Conf (NO CODE : LA DÉMOCRATISATION DU DÉVELOPPEMENT) quels sont les messages clés que vous souhaitiez partager avec les participants ?

Alain : Le low-code/no-code couvre un large ensemble de produits qui sont adaptés à des publics et des usages différents. Il y a des opportunités pour tous. Comme je l’ai expliqué juste avant chaque plateforme a fait un compromis entre la facilité de création d’une application et la flexibilité dans ce que les applications peuvent faire. La clé est de choisir l’outil adapté au besoin et aux personnes qui vont le mettre en oeuvre.

Vous animez également une formation sur le sujet, pouvez-vous nous dire à qui elle s’adresse et dans quel but ?

Alain : La formation traite le no-code et s’adresse à des entrepreneurs, intrapreneurs, chefs de produits digitaux, chargés d’innovation au public que nous appelons les entrepreneurs. Ces personnes privilégient la facilité d’utilisation à la complexité des application réalisables. La formation leur permet de découvrir les outils qui leurs permettent de réaliser eux mêmes en quelques jours ou heures des applications pour faire des prototypes de leur produit, une première version de leur application ou réaliser des applications pour supporter leur activité opérationnelle débutante

Dominique : Nous avons le plaisir de co-produire cette formation avec notre partenaire, Contournement, le premier cabinet de conseil français spécialiste du no-code. En effet, si les outils sont faciles à prendre en main, nos clients ont besoin d’une expertise pointue sur les avantages et limites de chaque solution dans un écosystème très dynamique pour préconiser la bonne association d’outils à chaque projet.

On connaît l’attachement d’OCTO pour le développement et les pratiques CRAFT, pourriez-vous nous raconter comment est accueilli ce sujet OCTO ?

Alain : Chez OCTO le sujet est en train de se développer, on sort de l’antagonisme entre coder ou ne pas coder ! Vis à vis de notre coeur de métier qui est le développement d’applications on se rend compte  que le low-code c’est du développement, donc toutes les bonnes pratiques de développement s’appliquent et OCTO a une forte expertise sur le sujet ! Le low-code est en particulier une troisième voie qui permet de sortir de l’alternative Build/Buy. Par exemple pour toutes les applications spécifiques à un département/une activité qui sont trop coûteuses à développer en code traditionnel et trop spécifiques à l’entreprise pour être dans un progiciel. Actuellement ces application ne sont juste pas faites et les collaborateurs perdent du temps à gérer leur activité artisanalement avec des feuilles excel et des emails.

Dominique : Nous avons suscité du scepticisme bien compréhensible au départ : le code est au coeur de l’ADN d’OCTO. Et beaucoup sont à juste titre méfiant vis-à-vis du mythe du développement facile. Nous les avons rassuré en expliquant notre conviction : le no-code/low-code est complémentaire du code. Il permet notamment de tester rapidement les fonctionnalités pertinentes, et donc de pouvoir investir ensuite dans la qualité de code sur une version pérenne aux besoins stabilisés.

Pensez-vous qu’il y a une intérêt pour les profils tech à s’intéresser au sujet ?

Alain : Il y a un intérêt évident pour les profils d’architectes dont je fait partie : c’est une nouvelle brique dans la panoplie et il y a toute la problématique d’intégration au SI et d’évolutions des applications. C’est aussi intéressant pour les profils techs passionnés par la méthodologie de développement car le low-code c’est aussi du développement comme je l’ai dit plus tôt. Quand on analyse les causes d’échec de projets de type low-code, la cause numéro un c’est ce manque de méthodologie, de maturité dans  le développement, les défauts dans la conception de l’application, bien avant les carences de la plateforme. Enfin c’est intéressant pour des profils techs orientés métier, ou des personnes qui font de lean et qui peuvent ainsi réaliser des applications de manière très itératives avec une grande proximité avec les métiers.

Dominique : Connaître ces outils permet aussi au développeur expérimenté de répondre aux demandes d’innovation du métier : il peut leur conseiller de réaliser un MVP no-code et de revenir vers lui quand les besoins sont stabilisés. En outre, un MVP no-code est le meilleur des cahiers des charges ou spécifications pour réaliser une version pérenne.

Avez-vous des lectures à recommander sur le sujet ?

Dominique : Sur le blog Octo Talks, nous avons publié une série de d’articles  sur le No/Low-Code.

Notre partenaire >Contournement> propose une liste de pointeurs vers des tutoriaux et des articles. Ils éditent aussi le site nocoders.fr,  le rare site en français de référentiel d’outils no-code. Je vous conseille leur podcast, notamment des interviews de fondateurs de startups comme Comet ou Loom qui ont bootstrappé leur activité avec des outils No-Code.

En anglais, Makerpad est un site de référence de la communauté No-Code.

Sur l’essor du secteur no/lox-code, lire cet article des Echos