Intégrer les RH dès le début, une opportunité pour réussir sa transformation agile !

Introduction

L’agilité dite “à l’échelle” est aujourd’hui à la mode. Nombreuses sont les organisations qui sollicitent des cabinets de conseil pour les accompagner dans ce passage d'expérimentation locale de l’agilité vers une agilité de l’organisation. Parfois cette transformation concerne un département, une DSI ou bien toute l’organisation. Dans la plupart des cas, les sponsors de ces transformations ou les cabinets de conseil oublient d’intégrer dès le début les fonctions RH dans le lancement ou la mise en œuvre.

Plusieurs facteurs conditionnent la réussite de ces transformations agiles. L’un de ces facteurs est l’intégration dès le début de la fonction RH à ce projet. Une des raisons à cela est que ce sont les collaborateurs qui font la transformation. Enfin, permettre grâce à ces transformations de redonner une nouvelle forme de légitimité aux RH comme on pourra le voir par la suite peut devenir aussi une opportunité à saisir.

Dans un environnement où de nouveaux enjeux se dessinent pour les organisations qui veulent continuer à croître et à se développer, se transformer devient une nécessité pour re-questionner la capacité de l’organisation à faire face à ceux-ci.

Régulièrement, on peut observer des transformations qui s’engagent sans pour autant tenir compte des RHs dès le début, et l’on entend dire des sponsors ou de managers : “c’est une transformation agile autour du produit et de la tech, ce n’est pas nécessaire pour l’instant d’intégrer les RHs”. D’autres fois, les RHs sont intégrés par la suite mais se retrouvent facilement perdus par le vocabulaire ou les sujets abordés.

Finalement, pourquoi faudrait-il associer les RHs dès le début ? Pourquoi la fonction RH serait un facteur-clé à la réussite d’une transformation agile ? En quoi la transformation agile deviendrait une opportunité ?

Les 10 Principes clés introduits par une transformation agile

  1. Le collaborateur est invité à se responsabiliser plutôt qu’à être un exécutant.
  2. L’équipe est aussi importante que les collaborateurs.
  3. L’équipe s’inscrit dans un cadre d’autonomie, de responsabilité et de redevabilité. Ce cadre offre une forme d’élasticité dans la création, suppression ou redimensionnement d’équipe dans une intention d’alignement de la stratégie et de l’exécution.
  4. Les managers soutiennent et aident les équipes et les collaborateurs à atteindre les objectifs pour lesquels ils se sont engagés. Ils __favorisent la créativité et l’autonomie. __
  5. L’organisation s’appuie sur un système managérial qui met en place une multiplicité de liens entre collaborateurs et managers.
  6. Il existe des missions encadrées (rôles ou fiches de postes) autour de la culture produit et de la culture technologique. Ces missions sont valorisées dans le parcours carrière. Des chemins de progression sont ouverts à tout un chacun et offrent une forte mobilité.
  7. Une culture de la mesure, appuyée sur des indicateurs adaptés, factualise les résultats et la production de valeur de l'organisation et nourrit le pilotage, les enjeux et la qualité.
  8. La fonction RH connaît l’agilité et les attendus pour des collectifs “agiles”, et adopte des principes agiles pour répondre aux besoins de l’organisation et démontrer une congruence.
  9. Le droit à l’erreur est reconnu et s’inscrit dans une culture de l’amélioration continue à tous les niveaux de l’organisation.
  10. L’organisation adopte une approche collaborateur-centric et fait preuve de transparence.

La plupart de ces principes mettent en évidence les attentes vis-à-vis des collaborateurs et donc une implication directe ou indirecte de la fonction RH pour le soutien qui leur sera fait.

Les tensions générées par la transformation sur les collaborateurs

La transformation agile d’une organisation ou d’un pan de l’organisation met sous tension cette organisation. Elle concerne tous les niveaux, du collaborateur aux membres du Comex. En général, on voit des clients qui nous sollicitent en tant que cabinet de conseil et nous disent “venez nous aider à nous transformer, transformer les équipes !”, mais eux-mêmes, sponsors, directeurs ou membres du Comex ne se sentent pas concernés et cela devient un risque d’échec.

Cette mise sous tension est due à plusieurs facteurs :

  • Se transformer implique de faire différemment. Parfois c’est dans la façon de s’organiser pour les équipes, et parfois ce sont des processus clés révisés comme la gestion de la demande. Cela modifie à la fois le geste et l’état d’esprit qui le sous-tend.
  • Des collaborateurs qui changent sans que les managers ou la direction ne changent. Il s’agit d’un manque de congruence ou d’exemplarité, tout simplement des collaborateurs mis face à des injonctions contradictoires.
  • Accepter de ralentir pour avoir le temps de se transformer tout en essayant de garder les engagements pris vis-à-vis des métiers, cela soumet assurément les équipiers à de fortes difficultés.
  • L’agilité recentre les collaborateurs sur les expertises. On cherche à mettre en avant des collaborateurs experts plus que des managers.
  • Une plus forte implication et responsabilisation attendue des collaborateurs.
  • De nouveaux rôles déconnectés d’un parcours carrière, avec des collaborateurs n’arrivant plus à se projeter dans une histoire proposée par l’organisation.
  • Des managers intermédiaires à la fois dans l’opérationnel et le hiérarchique à qui l’on vante des équipes autonomes et qui ne trouvent plus de place dans cette nouvelle organisation dite “agile”. Souvent ces leaders d’opinion qui ont une capacité d'entraînement ne sont pas forcément capables d’en voir les bénéfices.
  • Des managers peuvent se retrouver en difficulté pour évaluer leurs collaborateurs compte tenu d’un lien plus distant avec ceux-ci.
  • Des processus RH comme le recrutement sont déconnectés des nouvelles réalités. Parfois on constate aussi une nouvelle génération ou des talents plus attentifs à une congruence avec des valeurs personnelles ou une marque employeur en rupture et une histoire à laquelle ils peuvent croire. C’est aussi un recrutement déconnecté des besoins des équipes “agiles” où la collaboration, l’autonomie et la responsabilisation sont des savoir-être indispensables. Souvent, le recrutement est plutôt recentré sur des savoir-faire recherchés dans un CV ou bien un processus qui ne montre pas la mise en œuvre de principes d’agilité.
  • etc…

Toutes ces tensions sont génératrices de stress, démotivation, dé-responsabilisation, épuisement, perte de sens, etc…. Elles impactent le vécu des collaborateurs. La façon dont la transformation tiendra compte de ce facteur humain sera un facteur clé de réussite ou d’échec pour aboutir à une situation meilleure. Pour la fonction RH, dont la mission première est la gestion du vécu du collaborateur dans l’organisation, ce type de transformation peut être plus qu’une opportunité.

Plus qu’une opportunité pour les RH

C’est en effet une nécessité d’intégrer dès le début du projet de transformation la fonction RH. Selon le choix envisagé par la direction, la volonté de ne pas aller jusqu’à un certain point, les besoins des équipes “agiles” ne seront pas remplies. Des tensions apparaîtront. Et, pour les RH, c’est la possibilité d’anticiper et prendre du feedback du terrain au plus tôt. Parfois, on peut construire dans le cadre du dispositif de transformation des activités d’accompagnements individuels qui permettent d’offrir un espace de coaching. On peut accompagner des collaborateurs ou des managers en difficulté. Pour les RHs, finalement être là au plus tôt c’est aussi la possibilité de dimensionner l’impact et l’effort qui devront être consentis par l’organisation et par les collaborateurs pour réussir. Cela donne aussi la possibilité d’anticiper les besoins en formations. C’est une façon de soutenir et favoriser la résilience pour obtenir plus d’adhésion.

Comme pour les équipes, les collaborateurs de la fonction RH sont aussi en difficulté et l’agilité pourrait être source de bénéfices. Parfois engorgés de sujets à réaliser, ayant peu de bande-passante, dans un fonctionnement en silo, ils voient l’agilité de loin, ne les concernant pas et surtout les mettant en rupture face aux attendus des collaborateurs en transformation.

La transformation a besoin des RH comme les RH ont besoin de cette transformation. Il s’agit de sortir d’une fonction souvent vue ou perçue comme le bras de la direction et se remettre au service ou à l’écoute du vécu des collaborateurs. A travers ce type de transformation, il est possible de retravailler l’impact du collaborateur dans sa contribution à l’atteinte des enjeux de l’organisation avec pour conséquence de sortir de ce type de perception négative.

Des opportunités mais aussi des bénéfices pour les RH

Pour la fonction RH, utiliser les bénéfices de l’agilité pour revisiter certains processus RH ou bien tout simplement rendre plus efficace le fonctionnement de l’équipe RH est possible.

  1. On peut vouloir adapter ou simplifier certains processus.
  2. On peut adopter une approche collaborateur-centric. Par exemple, on peut utiliser des approches UX/UI pour redonner un recentrage sur les besoins collaborateurs.
  3. On peut aussi essayer d’être disruptif en ayant une approche innovante et décalée pour attirer l’attention de futurs collaborateurs (ex-prestataires ou externes). Cette nécessité de rétention des talents coûte moins d’effort à l’organisation que de recruter même si, il faut savoir être attractif pour des nouveaux. Dans un marché du recrutement de plus en plus tendu, les talents sont de plus en plus sensibles au vécu dans l’organisation et à la façon dont ils pourront exprimer leurs potentiels, l’agilité devient une nécessité.
  4. On peut aussi adapter le parcours de progression des collaborateurs pour leur permettre d’envisager une histoire à long terme et réduire le turn-over.
  5. On peut questionner le management et la posture managériale. C’est aussi redonner du soutien aux collaborateurs pour les responsabiliser plutôt que du reporting dans un état d’esprit de command-and-control.
  6. Revoir l’évaluation et la façon de suivre les collaborateurs, cela pourrait être des objectifs individuels ou collectifs SMART, et parfois au semestre, où l’on sort d’une évaluation “scolaire” et un droit à l’erreur encadré.
  7. Etc….

D’un autre côté, utiliser des méthodes agiles c’est permettre en tant que collaborateur RH de retrouver du sens à son action. L’activité pourra être fluidifiée avec comme mot d’ordre ou principe : “d’abord, terminer un sujet engagé avant de démarrer un nouveau sujet !”. La culture de la mesure orientée vers la valeur des sujets peut être utile pour prioriser de façon intelligente dans une liste conséquente de sujets. C’est aussi parler d’un même vécu et un même langage, voir même partager avec les équipes des apprentissages, est aussi un moyen de leur montrer une proximité.

En conclusion

La transformation agile d’une organisation devrait créer une bijection avec la fonction RH comme clé de voûte de la réussite mais aussi comme un apport pour dépoussiérer une zone de l’organisation souvent oubliée. Fondamentalement, parler de Ressources Humaines reste connoté négativement. La transformation agile devient une opportunité pour parler désormais de Culture Humaines.

En tant que RH sortir du biais que ça ne nous concerne pas est une erreur. Utiliser les apports de l’agilité, c’est déjà un premier gain et puis, pour l’organisation un soutien essentiel à la réussite de son projet de transformation. Bien entendu, à moyen et à long terme, cette implication au plus tôt et cette légitimité des RHs serait aussi la capacité d’une contribution pour relever les défis d'existence et de croissance.