IA : risque d’asservissement et d’érosion des compétences - comment préserver la maîtrise du geste ?
Préambule
Cet article avait initialement été rédigé sous l’angle de “l’angoisse du consultant”. Après relecture et échanges avec plusieurs collègues, nous avons choisi d’y ajouter une seconde dimension : une “autre perspective”. De manière générale, les discussions que je partage autour de l’IA — qu’elles soient avec des experts ou des néophytes — oscillent entre ces deux visions. Nous ne sommes ni réfractaires à l’IA, ni dans une forme d’enthousiasme aveugle ou béa.
Êtes-vous IA averse ou bien IA fanatic ? Illustration réalisée avec Gemini
Introduction: Y a t il un risque à ne plus “maîtriser le geste” ?
Après un peu plus d’un an et demi d’utilisation de l’IA dans mon métier du conseil, je réalise son apport indiscutable dans mon quotidien: recherche avancée sur des concepts techniques, “bootstrapping” technique, traduction, synthèse, reformulation parfois; bref que du classique. Les recommandations faites l’an passé restent toujours d’actualité. Mais un an après, je prends aussi conscience d’une forme de dépendance et de ses effets dont pourtant nous disions qu’il fallait se méfier.
Sur des tâches comme la traduction, où je me débrouillais sans plus, notre IA interne m’a offert un gain de productivité immense. Tellement immense que j’en suis venu à trop m’y reposer : à force de déléguer systématiquement, je me suis affaibli dans la langue de Shakespeare. Je le sens bien, dès lors que je dois écrire ou parler directement.
Autre syndrome celui de l'imposteur remonte à la surface régulièrement. Même si je maîtrise les contenus que j'utilise (c'est ce qui me rassure); la rapidité et la qualité instantanée en sortie d’IA me bluffent. Je produis en 1 ou 2 heures ce que j’aurais produit en une demi journée ou plus sans l’IA. Bon cela ne m’empêche pas de dormir, mais je corrèle avec ce qui m’est arrivé avec l’anglais.
Je me demande parfois si s’appuyer sur l’IA souvent pourrait, à terme, réduire mes propres compétences. Mon cerveau semble moins sollicité, puisque je me concentre surtout sur l’enrichissement, la vérification et la validation de ce que l’IA propose.
Alors, une question se pose: si je devais refaire les choses “à l’ancienne”, serais-je toujours aussi performant ? Et est ce que c’est si grave si je ne sais plus faire comme avant ? S'agit-il de perdre mes compétences ou plutôt de les utiliser différemment ? Tant que je continue à réfléchir, à corriger, à analyser et à approfondir, est ce que je reste actif dans le processus — et donc pertinent à long terme ?
"Une chose est sûre: chez certains consultants, on perçoit une inquiétude grandissante à l’idée de ne plus maîtriser leur “geste”, en raison d’une délégation devenue quasi systématique à la machine.”
J’ai peur de ne plus "maîtriser le geste"; illustration réalisée avec Gemini
La dépendance, l’asservissement, la perte de compétence parce qu’on ne fait plus soi-même : l’exemple dans l’aviation
La perte de la connaissance ou de la maîtrise d'un savoir du fait d'une délégation à une machine; on parle d'aliénation (Tristan Nitot l'a justement rappelé récemment en évoquant Bernard Stiegler).
Dans les exemples “traditionnels”, un peu trop évidents pour certains, mais néanmoins faciles à comprendre, on évoque souvent celui du GPS et du métier de taxi;
- Presque plus aucun taxi ne sait se déplacer sans Waze: la machine dicte le geste et l'itinéraire. Le conducteur n'est plus l'artisan de son trajet mais le suiveur d'un algorithme.
- Ils ne connaissent plus les astuces, en particulier en approche du lieu de destination; la perte de compétence: la mémoire géographique, l’orientation et la capacité d'adaptation aux imprévus.
- Les chauffeurs sont définitivement asservis à leur GPS.
Les chauffeurs de taxis sont asservis à leur GPS; illustration réalisée avec Gemini
Ici j'ai envie de faire un parallèle avec un autre métier beaucoup plus technique à savoir les pilotes d'avions de ligne et les pilotes d'avion de chasse.
Le premier suit et respecte des procédures au millimètre y compris lors de cas extrêmes d'incidents et utilise beaucoup le pilotage automatique; a tel point qu'il s'emmerde (véridique, demandez à des pilotes de ligne). Il peut exercer ses talents de pilote mais sur des phases finalement très courtes lors des décollages ou atterrissages et encore. Par exemple, il faut être spécialement formé pour savoir atterrir aux Açores (mon dieu le vent la bas !!). Hormis ces cas très particuliers, si le mode manuel de pilotage existe bien, il est la plupart du temps dirigé par des procédures.
Le second doit savoir effectuer des manœuvres de pilotage manuellement et être inventif et/ou agile pour éliminer un ennemi ou ne pas se faire éliminer. En mode combat, il n'y a pas de procédure, seulement de la tactique, des techniques mais surtout une grande capacité d’adaptation. Tout ceci s'acquiert, par de la pratique intensive ou le pilote simule des situations de vols, de combats le tout en mode manuel en face d’autres pilotes tout aussi créatifs.
C'est peut être pour cela que c'est un ancien pilote de l'US Air Force qui a pu faire atterrir un avion de ligne sur l'Hudson lors d’un cas dramatique et inédit (i.e. de 2 réacteurs HS après avoir croisé une nuée d'oiseaux). S'il avait suivi les procédures, il aurait fini à coup sûr dans le décor (euphémisme). Sa prise de décision rapide et probablement aussi sa dextérité / habileté acquise en tant que pilote de chasse lui a permis de faire ce choix de l'amerrissage de son avion.
Évacuation de l'Airbus A320 du vol 1549, juste après son amerrissage sur l’Hudson.
Cette habileté ne s’acquiert que par une pratique répétée de vols variés, avec des décisions rapides sous stress. La situation ne correspondait à aucune procédure: il a créé la sienne en direct. Un pilote issu d’une formation classique aurait‑il eu cette initiative ? Rien n’est moins sûr, ce qui m’amène au second cas, qui lui se termine mal. Il s'agit de l'accident du vol AF 447 entre RIO et PARIS.
L’analyse du BEA (Bureau d’Enquête et d’Analyse pour la sécurité de l’aviation civile) a montré que
- Les pilotes ne comprenaient pas ce qu'il se passait,
- Les informations qu'ils recevaient de leur sonde pitot étaient fausses,
- Pour les pilotes l'avion n'était pas supposé être en décrochage (cad qu'il ne vole plus mais tombe), alors que c'était bien ce qui se passait et l'alarme leur a pourtant donné à certains moments cette information.
- Les pilotes étaient chevronnés (i..e plusieurs milliers d'heure de vol chacun) mais ils n'arrivaient pas à raccrocher la situation à une procédure / incident connue.
L’une des interprétations avancées par les experts lors de l’enquête est que les pilotes avaient perdu leur capacité à « sentir » physiquement l’avion et à enclencher un réflexe pourtant élémentaire: pousser le manche vers l’avant pour reprendre de la vitesse et sortir du décrochage. La manœuvre était simple, connue de tout pilote, même débutant. Alors pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?
"Lorsque les pilotes arrêtent de tirer sur le manche, la vitesse mesurée augmente dans des proportions insuffisantes pour contrer le décrochage, mais suffisantes pour que la vitesse soit reconnue par le logiciel d'alarme et provoque, à nouveau, l'annonce de décrochage (« stall »). Cela ne les encourage probablement pas à pousser sur le manche. Le décrochage continue et l'équipage s'aperçoit de la perte d'altitude. Les conversations montrent que les pilotes n'envisagent pas qu'ils puissent être en décrochage, et n'entreprennent rien pour en sortir." (src: https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Air_France_447 ).
En 2017, un rapport judiciaire a mis l'accent sur les actions inadaptées, en pilotage manuel, de l'équipage, mais il indiquait aussi ceci : « l'accident s'explique “manifestement par une conjonction d'éléments qui ne s'était jamais produite et qui a donc mis en évidence des dangers qui n'avaient pu être perçus avant” » (src: https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Air_France_447 ).
Les experts estiment par ailleurs, qu'ils n'avaient probablement plus cette possibilité de s'appuyer sur les sensations, tant le pilotage d'un avion se fait exclusivement en suivant des procédures. En tout cas, dans cette situation de stress intense ce n'est pas cette compétence (perdue?) qui leur venait en aide.
La dérive de l'A330 accidenté, récupérée au large de la côte brésilienne.
Conséquences: réduire sa dépendance aux automatismes
À la suite de l’accident, Air France a mis en place une formation renforcée et systématique sur la gestion des décrochages : reconnaissance précoce, usage des commandes en situations inhabituelles, moindre dépendance aux automatismes et entraînement en simulateur à des scénarios de haute altitude, notamment en cas d’avarie des sondes Pitot.
Auparavant, cette formation n’était pas systématique car les avions modernes étaient jugés suffisamment protégés par leurs automatismes. C’est en partie pour cette raison que les pilotes se sont retrouvés démunis face à une situation jugée “impossible”. La nouvelle formation met l’accent sur la détection rapide des signes de perte de contrôle et redonne une place aux sensations du pilote pour la prise de décision en réduisant la dépendance aux automatismes (pilote auto et/ou procédures).
Les sensations du pilote comme un élément de décision en réduisant la dépendance aux automatismes et garder la maîtrise du geste; Illustration réalisée avec Gemini
L’autre perspective: l’automatisation apporte de la sûreté dans les transports
Dans l'aviation civile, les pilotes de lignes ont un nombre important de formations (certes sur simulateur) pour garder un niveau de maîtrise. On peut discuter si c'est bien ou non, suffisant ou non, mais cela montre qu'à une évolution (l'automatisation du pilotage) qui apporte de nombreux bénéfices (la machine se trompe tout même moins que l'homme) on a apporté une "contre-mesure" pour encore améliorer le fonctionnement global.
Il en sera de même pour l’automobile qui bénéficiera de plus en plus d’une généralisation de l’IA embarquée. A date, si la base de données sur les accidents des véhicules autonomes est encore limitée, de premières études (donc à manipuler avec précaution) montrent que la conduite autonome est généralement plus sûre que la conduite humaine dans des conditions normales. Par ailleurs, dans des conditions similaires à la conduite manuelle, ces études révèlent aussi que les véhicules autonomes sont plus susceptibles d'avoir des accidents dans les virages ou en cas de faible luminosité, comme à l'aube et au crépuscule.
Encore plus optimiste, une étude très récente de Waymo montre que leurs voitures ont parcouru plus de 154,5 millions de kilomètres en mode sans conducteur, avec par exemple une réduction de 91 % du risque de gros accidents et de 96 % des collisions dans les intersections par rapport aux conducteurs humains. Une étude menée avec Swiss Re confirme que leurs véhicules sont impliqués dans beaucoup moins d’accidents que les voitures conduites par des humains, même expérimentés. Waymo a d’ailleurs franchi une étape majeure en supprimant les conducteurs de sécurité dans ses véhicules à Dallas et Houston dès décembre 2025, après quelques mois de tests.
Waymo*: 154,5 millions de kilomètres en mode sans conducteur, une réduction de 91 % du risque de gros accidents; illustration réalisée avec Gemini*
Par apprentissage, ces modèles continuent donc de s’améliorer vers une certaine perfection ce n’est qu’une question de temps. En attendant, il est toujours bon de savoir conduire soi-même et de s’appuyer sur la conduite autonome qu'à certains moments (si on suit les études du moment, cad en journée par exemple) tout en évitant les situations encore incongrues pour les voitures autonomes. L'idéal à terme, serait de savoir quand il est plus pertinent de s’appuyer sur le dit pilotage autonome en suivant l’exemple du secteur de l’aviation qui l’a encadré au fil des années. Le permis de conduire pourrait même évoluer en prenant en compte les comportements à adopter lors d’exercices sous conduite autonome. Une chose est sûre, l’IA sera globalement un meilleur pilote que l’homme.
L’autre perspective : l’automatisation apporte de la sûreté dans les transports; illustration réalisée avec Gemini
Ok, mais au fait le rapport avec l’utilisation de l’IA dans le métier du conseil ?
La dépendance, l’asservissement, la perte de compétence parce qu’on ne fait plus soi-même ! Ce qui s’est passé précédemment dans un autre secteur comme l’aviation doit nous interroger et nous inspirer. Dans notre secteur du conseil ou du développement informatique, nous n’en sommes qu’au début, on peut dores et déjà prendre conscience des enjeux voire se prémunir du risque de la perte de compétence.
Une forte dépendance à l’IA peut effectivement modifier notre façon de réfléchir, mais cela ne signifie pas forcément que nos neurones vont s’atrophier. Si l’on se contente uniquement de vérifier et valider ce que l’IA produit, il est normal de se demander comment on réagirait si l’on devait revenir à une recherche “à l’ancienne”, celle qui nous a justement permis de développer nos compétences.
En réalité, tout est une question d’équilibre. Tant que nous continuons à questionner, analyser et comprendre ce que l’IA propose, nous restons actifs dans le processus. Cela nous permet de conserver — et même d’affiner — notre sens critique et notre savoir-faire. Toutefois, il s’agit aussi d’être attentif à ne pas perdre la “maîtrise du geste”, cad cette capacité à réfléchir et à résoudre par nous-mêmes (voir chapitre “Quelques conseils pour rester en maîtrise dans le domaine du conseil”).
La dépendance, l’asservissement, la perte de compétence parce qu’on ne fait plus soi-même ! Illustration réalisée avec Gemini
Pour les anciens déjà formés, comme moi, c’est un sujet dont on avait d’ailleurs pas complètement conscience il y a encore 1 an !! Pour les jeunes, c’était déjà identifié, et cela reste un véritable challenge pour assurer leur apprentissage. Pourquoi ? Parce qu'on ne retient, et acquiert une compétence que par la pratique, ce sur quoi on a passé du temps. Ici, de véritables pistes sont à trouver pour assurer convenablement l’apprentissage des juniors. Tout est à construire !
Vers de nouvelles formes d’apprentissage
Ainsi, les ouvrages commencent à arriver pleines de recommandations à la fois pour les parents et les professeurs dans une vision pédagogique innovante. Par exemple, il semble à peu près certain que l’éducation et la formation des étudiants deviendront hybrides avec plus d'expérience, de coopération et de créativité. (exemple : EDUCATION.IA - Réinventer l'éducation à l'ère de l'intelligence... - Librairie Eyrolles).
Laurent Alexandre connu pour ses propos parfois volontairement provocateurs va plus loin et affirme avec Olivier Babeau dans un ouvrage récent, "Ne faites plus d'études : Apprendre autrement à l'ère de l'IA", que l'IA rend obsolète la logique de diplôme académique et jugent les études classiques contre-productives. Amasser des connaissances « en une fois », ne serait plus la bonne approche encourageant un apprentissage autodidacte et continu au fil les évolutions technologiques. Une démarche personnelle et permanente, nécessaire toute la vie et probablement à des rythmes plus soutenus que ce que ma génération a pu connaître, car n’oublions pas que dans l’IT se mettre à la page à minima des technologies ou des méthodologies a toujours été un must.
Qu'est-ce qui change pour les consultants en formation ou seniors ? Le rythme, la productivité tout comme la mise en pratique qui demandera de la créativité le tout facilité par l’IA.
La formation des étudiants deviendront hybrides avec plus d'expérience, de coopération et de créativité; illustration réalisée avec Gemini
Quelques bonnes pratiques pour conserver la maîtrise dans son activité de conseil
Et ensuite, dans mon quotidien du métier du conseil que dois je faire pour rester compétent et en maîtrise ? Nous avions déjà formulé des recommandations sur l’usage de l’IA dans le conseil. Elles restent valables et sont complétées ici par de bonnes pratiques visant à préserver une certaine “maîtrise du geste”.
- Garder l’initiative de la réflexion - réfléchir par soi même d’abord, solliciter l’IA ensuite : d’une manière générale, pour éviter d’être influencé trop tôt par l’IA (un biais est si vite arrivé ;-)), mieux vaut commencer par réfléchir par soi-même et poser ses propres idées. Ensuite, dans un deuxième temps, on peut la solliciter pour enrichir ses premières réflexions. Enfin, en fin d’itération, une fois sa réflexion structurée et les propositions formulées, on peut de nouveau l’interroger afin d’affiner ou d’amender son raisonnement.
- Vos missions précédentes ou celles de vos collègues restent des sources précieuses pour étayer des recommandations et exercer votre activité de conseil
- Les retours d’expériences et les cas concrets restent des sources précieuses pour illustrer, comprendre ou démontrer un conseil. De plus, la contextualisation rend le conseil d’autant plus pertinent.
- Une IA publique n’a globalement accès qu’à des informations publiques. En revanche une IA interne qui aurait accès à un ensemble documentaire interne pourrait être un appui puissant pour capitaliser sur les missions précédentes.
- Ne négligez surtout pas les interviews de vos collègues, de vos clients, le sous texte, les non dits; eux les ont, les livrables ou l’IA pas toujours, voire rarement.
- Google reste un bon ami, ne l’oubliez pas ;-)
- On s’assure d’un certain niveau de maîtrise quand on sait ce qu’on cherche et que l’on est capable d’affiner ses questions. L’IA sera d’autant plus pertinente dans ses réponses.
- Tester sa demande sur la base de plusieurs formulations de prompts, structurés. Prompter devient une expertise au même titre que “Googler” !
- Explorez plusieurs angles et itérations pour obtenir une vision complète
- Vérifier les informations à partir d’autres sources fiables externes (cf. le premier point ;-)) ou d’autres IAs est déjà une forme d’assurance et de maîtrise
- Toujours être en capacité d’expliquer ce que produit l’IA, cela reste un moyen de s’assurer qu’on maîtrise le contenu, et ce point est un minimum. Pour l’apprentissage: garder en tête d’utiliser l’IA pour accélérer son apprentissage, pas pour le remplacer. A un moment ou un autre, sans elle, il faudra pratiquer / expérimenter ce qu’on a appris ;-)
- Enfin, contextualiser les réponses en fonction des besoins spécifiques du client prouve qu’on ne régurgite pas simplement un contenu
- S’aider à la rédaction et la présentation de contenu en partant de son propre contenu. Pour rappel, une valence des plus importantes en conseil est de faire passer des messages à des populations aux sensibilités variées. Se priver de l’IA serait absurde. En revanche, il est conseillé de partir de son propre contenu pour partie rédigé et de ne demander que des améliorations. Ici, il s’agit de garder la maîtrise du langage, de la formulation, des tournures pour ne pas ‘affadir’ ses propos et tout simplement conserver sa capacité à rédiger un concept de A à Z.
- S’aider à synthétiser des documents,
- Les siens en particulier, cela permet de s’accélérer sur un exec sum par exemple ou rendre un contenu plus digeste et on reste en maîtrise du fond
- Pour de l’analyse d'informations volumineuses, ok pour débroussailler, capter un ‘smell’, mais pour une étude, on n’évitera pas de se plonger dans le contenu, “à l’ancienne”
- Réaliser un compte rendu de réunion ou d'interview à partir de simples notes ou d'un enregistrement audio; alors là oui et relire derrière toujours !
- S’aider à la traduction en partant de sa propre traduction : les IAs sont de plus en plus expertes en traduction. Là encore toujours relire la traduction et en garder la maîtrise par rapport à l’original. Pour vos propres textes, si vous ne voulez pas perdre en compétence, partez de votre rédaction dans la langue cible, donnez un contexte et demandez une amélioration. Je sais facile à dire et je suis passé par là !
Affiner ses questions. L’IA sera d’autant plus pertinente dans ses réponses; illustration réalisée avec Gemini
Conclusion: les plus pessimistes pointent un danger d’asservissement voire un affaiblissement cognitif
En attendant de trouver le chemin raisonnable de l'utilisation de l’IA (note: ici je n’ai pas parlé de la partie consommation d’énergie/ressources car ce n’était pas le propos de cet écrit), les plus pessimistes pointent un danger qui si on n’y prend pas garde est l’asservissement à celle-ci tout comme Bernard Stiegler, philosophe du XXe et XXIe siècle avait évoqué l’asservissement à la machine.
Une autre menace serait même un affaiblissement intellectuel: une pré-étude récente du MIT (Juin 2025; qui reste à valider - Overview ‹ Your Brain on ChatGPT — MIT Media Lab) a beaucoup fait parler d’elle en suscitant pas mal de polémiques, suggère que l’utilisation intensive de ChatGPT pourrait réduire l’activité cérébrale liée à la réflexion, la mémoire et la créativité.
L’étude s’est intéressée aux effets de l’utilisation de ChatGPT sur le cerveau humain, en utilisant l’électroencéphalographie pour mesurer l’activité cérébrale de participants pendant des tâches de rédaction. L’étude a comparé trois groupes: un utilisant ChatGPT, un utilisant un moteur de recherche (Google) et un troisième sans aide externe. Le groupe « cerveau seul » a montré les connexions cérébrales les plus fortes, suivi du groupe « moteur de recherche », puis du groupe « ChatGPT.
Ce que révèle la pré-étude :
- Les utilisateurs de ChatGPT ont montré une réduction significative de l’engagement cérébral dans les zones liées à la mémoire ou la créativité.
- Les participants utilisant ChatGPT ont systématiquement obtenu des résultats inférieurs sur les plans neuronal, linguistique et comportemental, avec une originalité et une diversité des idées réduites.
- Après plusieurs sessions, les utilisateurs de ChatGPT avaient plus de mal à se souvenir de leur propre travail et à réactiver leurs circuits neuronaux.
- Toutefois, l’étude ne prouve pas une dégradation irréversible, mais plutôt une transformation des dynamiques cérébrales, dont les conséquences à long terme restent à étudier.
Une interprétation de l’étude est le risque d’une « hibernation cognitive » chez les utilisateurs réguliers de l’IA, surtout chez les jeunes et les étudiants, en raison d’une diminution progressive de l’effort mental. Ce que l’on intuitionne ici converge avec cette pré-étude. Reste à évaluer sur le long terme !
NOTE : Ces résultats sont toutefois à interpréter avec prudence, notamment en raison de limites méthodologiques (contrôle sur le timing des sessions; robustesse des interprétations des données électroencéphalographique) et surtout en raison de la nécessité de recherches complémentaires sur la réversibilité et les effets sur le long terme.
Une étude du MIT suggère que l’utilisation intensive de l'IA pourrait réduire l’activité cérébrale liée à la réflexion, la mémoire et la créativité; illustration réalisée avec Gemini
Et si finalement le débat n’est pas plus ancien qu’il n’y paraît ? Ainsi, Etienne KLEIN, cite Hegel (1770–1831) fort justement, philosophe du XVIIIe et XIXe siècle ! « Si l'apprentissage se bornait à une simple réception, le résultat n'en serait guère meilleur que si nous écrivions des phrases sur l'eau ; car ce n'est pas la réception, mais l'auto-activité par laquelle on se saisit de quelque chose, et la faculté d'utiliser, à nouveau, une connaissance, qui, seules, en font notre propriété » (src).
Cela résume assez bien un des sentiments actuels concernant l’usage que l’on peut faire de l’IA. “Actuel” ne veut pas dire pour toujours mais certains nous alertent : “si on n’y prend pas garde…”
Si l'apprentissage se bornait à une simple réception, le résultat n'en serait guère meilleur que si nous écrivions des phrases sur l'eau; Illustration réalisée avec Gemini
L’autre conclusion: l’IA est un outil à maîtriser en gardant nos capacités d’apprentissage et nos compétences de pratique
Cette arrivée rapide de l’IA somme toute assez disruptive, enthousiasme le monde de l’IT car de nouveaux horizons s’ouvrent et tout est à bâtir et/ou à expérimenter. C’est très motivant de pouvoir faire évoluer en particulier le métier de l’UX designer, du développement informatique ou du conseil avec ces nouveaux outils.
Des chantiers nouveaux deviennent accessibles ou sont grandement facilités comme par exemple ceux de la documentation de code legacy, de l’audit, de la due diligence ou de la la reprise d'un code legacy jusqu’ici extrêmement complexes voire impossibles. Nous avons nos premiers retours d’expérience sur ce sujet. Mes collègues développeurs l’ont fait et c’est assez bluffant ! Étant donné l’immense volume de code legacy mal ‘fichu’ encore en circulation, les équipes capables d’en assurer une reprise voire une modernisation avec l’appui de l’IA ont devant elles des années de travail assuré.
Des chantiers complexes deviennent accessibles grâce à l’IA; illustration réalisée avec Gemini
L'IA va nous pousser à changer nos manières de travailler, on le constate déjà. On peut avoir des craintes ou des espoirs. Toutefois, la crainte tend à paralyser.
Nous devons prendre conscience que l’IA n’est qu’un outil, que nous devons apprendre à le maîtriser en gardant nos capacités d’apprentissage et nos compétences de pratique. Repassons “en mode manuel” de temps à autre pour rester en alerte. C’est plus exigeant mais cela finit toujours par payer. C’est ce qui nous permet de garder une certaine maîtrise, de la créativité et de garder nos réflexes ainsi que nos motivations. Ne faire que de la vérification n’est pas très motivant à la longue, voire fatiguant si on ne fait que cela.
Ne serait-ce que pour rester capables d’évaluer les ordres de grandeur, les idées clés ou les éléments essentiels — comme un pilote qui entretient ses sensations de vol — il est crucial de conserver nos réflexes. C’est cette base qui nous permettra, en première intention, de juger la pertinence de ce que l’IA produit.
Rester capable d’évaluer, de juger la pertinence de ce que l’IA produit. Comme un pilote qui entretient ses sensations de vol, il est crucial de conserver nos réflexes; illustration réalisée avec Gemini
La métaphore à laquelle vous avez échappé

La métaphore : perdre jusqu’à la compétence la plus élémentaire, savoir marcher. Image du film d’animation Wall-E (Disney)
Dans le film d’animation Wall-E, les humains sont des personnages inactifs devenus impotents à force de se déplacer exclusivement dans leurs fauteuils volants ultra confortables. Ils ne les conduisent même pas: tout est commandé à la voix ou au travers un écran. Portés sans effort sur des autoroutes totalement automatisées; ils ne quittent plus leur fauteuil au point de ne plus savoir marcher. D’ailleurs, ils n’utilisent même plus de chaussures. Dès lors qu’ils tombent de leur fauteuil, ils deviennent incapables de se relever, de tenir debout et de marcher. L’espoir à la fin du film est que les humains qui ont retrouvé la marche bipède, reprennent le cours de leur histoire après les sept cents ans de stagnation passés sur l’Axiom. En gros, c’est réversible ;-)
La métaphore illustrée
- L’IA = le fauteuil
- Prompter l’IA = piloter le fauteuil
- La simplicité d’accès à l’IA et son utilisation = quoi de plus confortable que de s'asseoir dans fauteuil à moitié allongé
- La compétence perdue = marcher
- Sans IA je suis perdu = tombé du fauteuil, je ne sais pas me relever pour marcher
- Prendre les résultats de l’IA tels quels = se laisser porter sur les autoroutes automatisées
- Je ne sais plus réfléchir par moi même = je deviens obèse
- Google n’est plus utilisée = les humains ne portent plus de chaussures
- Réversibilité de l’activité de son cerveau malgré une hibernation cognitive = les humains retrouvent la marche bi-pède
Post scriptum
Cet article a été écrit à 90% sans l’aide de l’IA ;-). La conséquence de ce choix, j’ai probablement mis plus de temps à l’écrire, à le relire mais c’est moi qui l’ai fait et j’ai conservé ma compétence d’écriture intacte ;-). J’ai principalement utilisé l’IA pour de la synthèse d’articles externes et de la reformulation pour rendre le texte plus fluide.
N’ayant qu’une compétence très limitée dans le domaine de l’illustration, certaines images illustratives ont été réalisées à l’aide de Gemini. Certains résultats m’ont bluffé et pour d’autres, j’ai été un peu plus mitigé sur le rendu. Mes prompts n’étaient peut être pas suffisamment adaptés ou précis. “Prompteur d’IA”, c’est un métier en fait ;-). Je n’ai pas souhaité sur-solliciter les IAs sur ce domaine.
Références
- GenUI et Agentic Interfaces : l'Expérience Utilisateur de demain - OCTO Talks !
- Le designer numérique de 2035 - OCTO Talks !
- https://www.linkedin.com/posts/alizeesala_designthinking-ia-productdesign-activity-7388518607279902721-vZg8?utm_source=share&utm_medium=member_desktop&rcm=ACoAAAGMDeEBoT2W7v4nmh0XGkHIeS4bfke0e9I
- https://www.linkedin.com/posts/nitot_lia-fait-elle-de-nous-des-prol%C3%A9taires-activity-7391844921353138176-zNxH?utm_source=share&utm_medium=member_desktop&rcm=ACoAAAGMDeEBoT2W7v4nmh0XGkHIeS4bfke0e9I
- https://x.com/EricLarch/status/1996551479524552871?t=SPJy6fGasDg3Nv8vuWnRWA&s=19
- Une étude indique que les véhicules autonomes sont plus sûrs, sauf à l'aube, au crépuscule ou dans les virages, le risque d'accident est cinq fois plus élevé que celui des humains en cas de faible luminosité
- La conduite autonome est beaucoup plus fiable que les humains en voiture : les chiffres sont formels - Numerama
- Waymo Safety Impact
- https://x.com/zhongwen2005/status/1997861217449435376?t=lbbRLToVwRRB0z-qfau2Ww&s=19
- REX d'utilisation de ChatGPT en conseil: le nouveau pouvoir à maîtriser ? - OCTO Talks !
- Mettre en place un assistant de code souverain - OCTO Talks !
- Compte-rendu – Le Comptoir OCTO - Comment l’IA générative peut-elle moderniser efficacement vos SI Brownfield
- REX d'utilisation de ChatGPT en conseil: le nouveau pouvoir à maîtriser ? - OCTO Talks !
- 10 % des effectifs du géant informatique HP vont être supprimés pour s’adapter à l’arrivée de l’intelligence artificielle - Le Parisien
- REX d'utilisation de ChatGPT en conseil: le nouveau pouvoir à maîtriser ? - OCTO Talks !
- Laurent Alexandre à l’USI
- L'IA des fusions acquisitions : révolution technologique pour la due diligence
- Top 10 AI Due Diligence Tools in 2025: Features, Pros, Cons & Comparison - DevOpsSchool.com
- The Top 7 AI Tools for M&A Due Diligence | LEGALFLY
- Overview ‹ Your Brain on ChatGPT — MIT Media Lab














