alt-edic. Il promeut la technologie des langues et la diversité linguistique. Par exemple, le consortium réfléchit à fournir ainsi des ressources permettant aux différents pays membres de bénéficier d’une infrastructure robuste et évolutive à travers le projet Alt-Edic4EU. Un autre projet, LLMs4EU, permettra de collecter des données linguistiques de qualité et en quantité suffisante pour construire de grands modèles adaptés aux langues, domaines ou industries spécifiques, afin de les préserver des données anglaises dont la langue est majoritairement représentée dans les algorithmes utilisés aujourd’hui.
Parmi les échanges du débat, sont ressortis :
Salomé invite à réfléchir sur ce qu'est la profondeur d’un texte. Elle cite un auteur, Roland Barthes, en rappelant que l’uniformisation de la pensée et la culture de masse est un risque avec des textes dépourvus d’émotions et d’expériences.
[“L'écriture neutre est une écriture qui refuse de s'engager dans les nuances émotionnelles ou idéologiques” - Le degré zéro de l'écriture, 1953*]*
Si le prompt n’est pas bien rédigé, ce qui sera en sortie le sera également.
L’IA reste un outil.
78% de la salle pense que cela ne remplace pas les professions créatives.
Pour introduire le débat sur cette question, Salomé présente quelques pistes de réflexions :
On assiste à une multiplication des spectacles sons et lumières, comme c’est le cas pour l’exposition Pixel au Grand Palais Immersif(2): cette dernière explore à travers l’IA diverses thématiques contemporaines autour de la connectivité de notre société. Grâce à des installations génératives et interactives, les visiteurs bénéficient d’une expérience sensorielle et immersive les invitant à réfléchir sur la rapidité des changements qui les entourent. L’IA joue avec les pixels des œuvres et les spectateurs se retrouvent plongés dans un univers à la limite de l’imaginaire et du réel.
L’expérience est inédite, l’art revit, est en mouvement. Les artistes ont de nouvelles possibilités de s’exprimer.
En complément, l’an passé, des comédiens ont rédigé une pétition pour que l’IA n’utilise pas leur voix dans des doublages.
Ou encore la citation de Xavier Près dans l’Hebdo du quotidien de l’art, ancien responsable du service juridique du Louvre : “il y a aujourd’hui un consensus selon lequel une oeuvre générée par un prompt n’est pas une oeuvre de l’esprit. Mais l’IA peut être perçue comme une technique au même titre que l’appareil photographique, tant qu’il y a une intervention humaine qui limite les aléas techniques.”
Sont ressortis des échanges les idées suivantes :
Beaucoup de questionnements tournent autour de la propriété intellectuelle.
L’Art tourne autour de la question du Beau : l’humain est le filtre de ce qui est beau. Peut-être que l'IA aura sa propre conception du Beau?
Mais attention à la part d’uniformisation qui peut être induite, à la culture de masse de par les corpus d’apprentissage qui pourraient avoir tendance à reproduire les mêmes types d’art.
Quelle sera donc la singularité des œuvres ?
Un participant interroge alors l’auditoire sur la consommation de ces œuvres générées.
L’IA pourrait à un certain degré remplacer la créativité humaine.
L'œuvre serait une structure représentative des données qu’elle ingère : ce n’est pas du copier coller. Techniquement, l’IA pourra créer, mais c’est nous, Humains, qui lui donneront de la valeur de par l’appréciation que nous en ferons.
Selon un autre participant, on parle de la valeur mais peu du coût.
Cela coûte moins cher de faire réaliser des morceaux par une IA qu’un être humain pourrait inventer.
Cela montre également notre consommation en fonction du coût : si l’on a les moyens d’écouter des musiques en streaming, avons-nous les moyens d’aller dans des salles de concert?
On veut consommer davantage de choses mais avec moins d’argent.
Un participant rebondit en rappelant le cas d’Alpha go : cette application a gagné un jeu d’échecs en octobre 2015. Ainsi, ce programme est le premier à battre un joueur professionnel (le Français Fan Hui)(3). Cela n’a pas pour autant éliminé le fait de jouer aux échecs. Les gens ont continué à jouer malgré tout. L’IA peut élargir notre connaissance mais ne peut pas tout remplacer.
Salomé Serin réagit alors à la discussion en expliquant qu’elle a eu une discussion sur ce sujet avec un ami ayant participé à un tournoi d’échecs à Prague. Des entraînements peuvent être aidés par des applications. Cela ne changera jamais le plaisir de jouer face à quelqu’un; s'entraîner sur son ordinateur face à une IA, l’expérience n’est pas la même.
Pour revenir sur le processus créatif, il y a aussi cette notion de plaisir et de satisfaction que l’on en tire.
La créativité, c’est la capacité à générer des idées et la deuxième à filtrer des idées intéressantes ou qui produisent quelque chose de beau. L’IA comme l’être humain le fait à partir d’expériences via des données ou via ses propres expériences.
Cela pose la question de l’IA Gen en tant qu’outil au service des créateurs plutôt qu’outil de création.
Cette fois, la salle est plus mitigée, partagée de manière égale.
Yann Ferguson, directeur du travail LaborIA, explique que la question du travail est un espace d’expression de soi (4). En utilisant l’IA, comment cela va-t-il transformer notre perception?
Les arguments sont les suivants :
Il est nécessaire d’avoir beaucoup de discernement. L’IA Gen pourra effectivement nous aider à se libérer des tâches répétitives. Cela ne va-t-il pas cependant nous encourager à quantifier, à mesurer tout ce que l’on fait? (5)
Une participante rebondit sur les interventions précédentes : ces dernières ont montré que nous avions la possibilité de choisir d’utiliser ou pas l’IA Gen dans notre quotidien. Pour certains secteurs professionnels, l’IA Gen sera imposée aux salariés et ce ne sera pas par choix. De ce fait, la perception de l’utilité de leur travail sera impactée. France 2 a diffusé deux reportages : l’un sur la création; l’autre sur la modération, l’annotation des données fournies à l’IA Gen. Pour ce dernier reportage, les salariés subissaient l’IA Gen : ils préparent des milliards de données qui alimenteront les algorithmes, parfois au prix de leur santé mentale et émotionnelle en provoquant des pathologies chroniques (6).
Hannah Arendt rappelait que toutes les tâches répétitives pendant l’ère industrielle ont été diminuées voire supprimées (7). Ces tâches exercées par des humains leur donnaient néanmoins un rôle, une responsabilité dans l’entreprise.
Par parallélisme, comment vont s’insérer des personnes qui vont être remplacées par l’IA?
Même s’il ne reste plus assez de temps pour faire réagir la salle sur la dernière question, Salomé Serin introduit la dernière question:
Pour ce faire, elle s’appuie sur le film “Her” (8) dans lequel un homme tombe amoureux d’une voix artificielle. Elle commente également un article du Huffington Post (9) qui explique que des personnes ont recours à des intelligences artificielles pour prendre conseil notamment sur leurs relations sentimentales.
En conclusion, Salomé Serin encourage la salle composée d’un public informé, de contribuer à développer une lecture et une culture critique de l’IA Gen. Elle cite Asma Mhalla qui dans son dernier livre Technopolitique (10) montre qu’il y a une “guerre des perceptions”: cela doit amener à une réflexion de pourquoi on introduit de l’IA dans un produit et dans quelle proportion.
Ce type de débat ne doit pas se limiter à des experts mais être ouvert à toute personne pour intégrer toutes les nuances que couvre cette technologie.
Références :
1. Citation en référence aux conférences de la School of Product 2024 sur le thème “Le Produit tel qu’on le vit”
2. Source: https://grandpalais-immersif.fr/agenda/evenement/pixels-une-experience-interactive-avec-lunivers-creatif-de-lia dernière vue 15/05/2025
3. Source Wikipedia: https://fr.wikipedia.org/wiki/AlphaGo (dernière vue : 7/05/2025)
4. Source: https://www.philonomist.com/fr/entretien/travailler-avec-lia-va-transformer-notre-besoin-de-reconnaissance dernière vue 19/05/2025
5. C’est d’ailleurs la thématique des prochaines conférences USI le 2 juin 2025: La part incalculable du numérique. Source: https://www.usievents.com/ dernière vue 7/05/2025
6. Source : https://www.france.tv/documentaires/documentaires-societe/6888928-les-sacrifies-de-l-ia.html#about-section dernière vue 15/05/2025
7. ARENDT, Hannah, La condition de l'homme moderne, Paris, Pocket, 2002, 416 p.
Elle aborde des thèmes tels que la perte de sens et le sentiment d'aliénation, en particulier dans le contexte de la modernité et de l'industrialisation. Elle critique la manière dont le travail, en tant qu'activité répétitive et liée à la survie, peut conduire à une déconnexion de soi et du monde. La modernité, en mettant l'accent sur le travail productif et les nécessités biologiques, a contribué à un sentiment d'aliénation, où les individus perdent le lien avec un monde commun et durable.
Note de la modératrice : avec les IA, on va s'affranchir de certaines tâches répétitives mais on risque d’aller plus loin dans la productivité, ce qui devrait accélérer ce phénomène de déconnexion.
8. Film Her de Spike Jonze, Annapurna Pictures, 2013
9. Source : https://www.huffingtonpost.fr/life/article/chatgpt-ces-personnes-utilisent-l-ia-comme-coach-de-vie-meme-si-c-est-un-peu-la-honte_238614.html dernière vue 15/05/2025
10. MHALLA, Asma, Technopolitique : Comment la technologie fait de nous des soldats, Paris, Seuil, 2024, 288 p.