Fable prospective - le quotidien d'un manager en 2036
Retour vers le Futur du Management
Aujourd'hui le dernier newspaper de Silex ID sors dans le réseau Silex Network et dans vos kiosques. Son thème : le management à l'ère du digital... Qu'est-ce que ce numéro a-t-il de particulier ? Simple, il a été rédigé par des Octos, avec la collaboration de Frédéric Rey-Millet (Ethikonsulting) et l'aide de nos amis de Silex. Superbe aventure où se mélangent réflexions très sérieuses sur l'avenir - ou la mort ?- du manager et quelques folies douces dont nous avons le secret. Vous y trouverez nos convictions, des tips, un cluedo géant "qui a tué le manager"... Pour vous donner l'eau à la bouche et l'envie d'acheter votre exemplaire, nous avons choisi de vous partager ici le dernier article rédigé par Ludovic Cinquin, notre DG France : une journée de boulot - le quotidien d'un manager en 2036.
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Les biocapteurs de ma literie ont synchronisé les douces vibrations de mon sommier et la montée progressive de la luminosité de la pièce avec la fin de mon dernier cycle de sommeil pour un réveil tout en douceur. De quoi me lever en pleine forme pour attaquer cette nouvelle journée de travail.
Et aujourd'hui, je bosse de chez moi ! Même avec mon poste de manager chez RobOS, une PME qui conçoit des systèmes d'exploitation pour entités robotisées autonomes mobiles à destination des établissements médicaux, je ne suis autorisé qu'à un nombre annuel limité de déplacements vers mon lieu professionnel : développement durable et lutte contre la pollution obligent !
Mais qu'importe, les solutions de présence virtuelle augmentée me permettent de remplir parfaitement ma fonction de manager à distance. Je trouve même cela plus efficace, sachant que mon assistant virtuel me permet dans ces cas-là de décoder en temps réels les réactions de mes collègues et me donne, en surimpression visuelle, des informations précieuses sur les comportements les plus efficaces à adopter avec eux. Certes, cela ne remplace pas une conversation à la machine à thé vert, mais ces technologies ont vraiment fait des progrès énormes depuis l’instauration de la taxe sur les déplacements.
Je suis très fier de travailler chez RobOS. Tout d’abord, parce qu’en faisant évoluer la robotique autonome mobile, nous participons à construire un monde meilleur où seules les activités les plus intéressantes resteront à la charge des êtres humains. Mais aussi parce que RobOS est une entreprise à la pointe du post-management. En effet, comme la conception d’un OS de robot est un travail de longue haleine, nous faisons, contrairement à la tendance du marché, très peu appel aux micro-jobs recrutés par enchères inversées à la journée. Au contraire, nous signons des contrats d’engagement bi-latéraux de longue durée (6 mois) avec tous nos collaborateurs. C’est une garantie réciproque. Nous leur assurons une belle pérennité sur leur job en échange de leur fidélité. S’ils partent avant l’échéance fixée, ils sont coupables d’un délit sévèrement réprimé par la loi. Le système de mercenariat qui s’est mis en place avec la montée en puissance de LinkedIn et de AirJob, la version « personnelle » de AirBnB, conduisait les entreprises dans une impasse en raison du turn-over considérable suscité par ces plateformes d’intermédiation professionnelles.
Chez RobOS, nos collaborateurs sont évidemment tous freelances. L’instauration du revenu universel en 2021 a en effet complétement changé la donne et a fini d’enterrer le statut de salarié qui commençait à battre sérieusement de l’aile avec l’entrée en vigueur de la loi Macron 4. Désormais, seuls ceux que l’oisiveté rebute ou bien qui comptent sur un vrai complément de revenu pour réaliser des rêves dispendieux sont à la recherche d’une activité professionnelle. Les autres s’investissent dans des projets communautaires, dans des activités de loisirs ou passent leurs journées dans les paradis artificiels – mais tellement convaincants – de la réalité virtuelle. Cette évolution était devenue vitale avec la baisse irrémédiable du TAR (Taux d’Activité Rémunéré), l’indicateur qui avait fini par remplacer le fameux taux de chômage, aussi déprimant que dépassé.
Pourma part, je fais partie des « vieux » qui ont toujours travaillé et je ne concevrais pas mon existence sans une activité professionnelle : trop éloigné des valeurs que mes parents m’ont inculqué à l’aube de ce siècle. Oh, évidemment, le boulot de manager n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a seulement 20 ans. En tout cas, pour ce qu’on m’en a raconté.
Par exemple, chez RobOS, comme dans beaucoup d’entreprises actuelles, les managers sont élus sur la base d’une élection sans candidat par tous les collaborateurs avec des contrats de prestation de plus de 3 mois : « manager » n’est ainsi plus un titre, mais un rôle qui est remis en jeu à intervalles réguliers. Les sciences de la motivation sont passées pas là : dans un monde où l’engagement personnel et la créativité des contractants de l’entreprise sont des clés de la réussite, il est apparu de plus en plus nettement que le choix du manager ne pouvait être laissé qu’à la discrétion de chacun.
Certaines entreprises à base de travail humain sont même allées jusqu’à supprimer ce rôle, parfois en le dissimulant derrière des termes qui ne trompent personne : « représentant », « délégué », « leader », « pair supérieur ». Quoi qu’il en soit, le besoin d’un rôle d’organisateur de l’activité demeure. En tout cas, je le crois profondément, même si je sais que ma réélection récente ne me rend pas complétement objectif sur ce point.
Cette culture occidentale du management est très différente de celle que l’on trouve dans certains pays d’Asie. La recherche de l’efficacité à tout prix, a donné lieu à des pratiques qui, bien heureusement, ont été très tôt proscrites par la commission Euratlantique. Par exemple, les candidats aux postes de management doivent accepter un implant cérébral régulateur d’émotions et une reprogrammation comportementale à base de produits psychotropes. Certes, des procédés efficaces mais dont les conséquences à long terme restent encore mal connues.
De la même façon, il n’est pas rare dans ces pays que les personnes en recherche d’un contrat de freelance aient recours à des démarches d’augmentation pour accroître leur valeur professionnelle de marché : les greffes de membres artificiels ou d’yeux synthétiques, les coprocesseurs encéphaliques, les drogues dites de pertinence, les enrichissements génétiques visant à augmenter la résistance, l’intelligence ou la vigilance, tout y passe !
Il est vrai que dans les pays où le revenu universel n’a pas été mis en œuvre, les activités rémunérées sont rares en regard du nombre de candidats et font l’objet d’une furieuse concurrence qui met d’emblée hors-jeu tout individu avec des facultés purement humaines. Le sujet est plus tabou dans nos contrées : personne n’est dupe et chacun profite de la moindre intervention chirurgicale pour accroître ses capacités par des organes des synthèses. Mais cela ne fait pas l’objet d’une course à l’armement comme il en existe ailleurs sur la planète.
Et mon boss, me direz-vous ? Eh bien, tout se passe très bien. Il est par ailleurs propriétaire à 49 % de l’entreprise. Notre communication est saine et directe et je le trouve très ouvert dans sa gestion des ressources humaines. C’est vraiment l’un des gros avantages à travailler pour un “Roboboss” : le pragmatisme de ces intelligences artificielles de type 4 les conduit à rechercher l’efficacité maximale et donc à mettre en place des conditions de travail aussi bonnes que possibles.
Car ils ont compris que pour nous autres, êtres humains, plaisir au travail et performance vont de paire !