School of Product 2024 - Et si on questionnait l’utilité et l’impact des technologies, dont les IA, que l’on conçoit et utilise ?

Rien de mieux pour débuter cet article, que l’introduction parfaite faite par Romane Clément pour démarrer sa conférence donnée à la School of Product 2024.

“Quel est le point commun entre les Backstreet boys, un enfant de 4 ans et un Product Manager ?”

Romane Clément devant son slide "Quel est le point commun entre un enfant de 4 ans, un product manager et les backstreet boys ?"


Tell me why” ou “Dis moi pourquoi,” avec le discours que les Products Managers se concentrent beaucoup sur ce qu’on va faire et comment, mais oublient parfois de questionner le sens et la finalité derrière.

Vidéo de la chanson Tell me Why — Backstreet Boys

Message qui me parle grandement, et que je prône constamment, en étant convaincu qu’une organisation mature a pour trait de caractère le fait que l’ensemble des individus (quelque soit leurs rôles et niveaux dans l’organisation) comprennent le sens de ce qu’ils font et en quoi ils contribuent.

Et ce, encore plus dans le contexte environnemental et social actuel, où il est primordial de se questionner sur la finalité des actions et décisions que l’on prend, et ne pas tomber dans une simple course aux tendances technologiques du moment.

“L’innovation veut nous impressionner, mais on oublie de questionner l’utilité”


Romane nous partage également quelques chiffres marquants pour nous bien nous rappeler que le numérique a des impacts grandissants, que la dématérialisation ne veut pas dire démesure décomplexée et que l’on ne peut tout simplement pas faire n’importe quoi :

  • Le numérique représente 4% des émissions des GES mondiales. Mais le plus ahurissant est la projection : +187% en 2050
  • 22% de la bande passante c’est de la pornographie. Et si on mettait plutôt notre infrastructure au service d’usages vertueux ?

Belle entrée en matière et petite baffe de rappel des impacts de la technologie.

Quelques exemples liés à la course à la technologie

Dans les cas d’innovations produit ou service ci-dessous, on remarque que même en pensant bien faire, il y a toujours beaucoup d’externalités négatives cachées.

  • Exemple : lorsque que l’on est passé de l’écran cathodique aux LCD. Cela devait permettre un gain d’énergie → mais au final ça a rendu possible de faire des écrans beaucoup plus grands, donc encore pires en terme de consommation d’énergie qu’avant
  • Le salon Vivatech qui s’est rendu son impact le plus gros était le déplacement des visiteurs et a eu l’idée de la création de Vivatech online → Mais il n’y a au final pas eu de remplacement, juste un empilement. Maintenant les deux marchent ensemble et les externalités sont pires.
  • Vinted : avait au départ une intention de départ très louable mais a engendré des impacts négatifs → Réduction des dons aux associations, augmentation globale des achats et quid de rendre possible le fait de livrer un débardeur a 50 centimes dans un pays étranger ?

Et si on projetait sur l’impact de nos IA ?

Enfin Romane s’attarde sur l’IA, illustration par excellence d’une technologie en plein dans la course à l’innovation mais qui pose de nombreuses questions en termes d’utilité, d’usage ou d’impact.

“Le Free-Trial de l’humanité pour jouer gratuitement avec l’IA est bientôt fini”

Romane parle ici de technologie zombie : Une technologie qui est déjà morte a l’aune de ce qu’elle va devoir consommer pour survivre.

Il est donc grand temps de se questionner sur les impacts de nos IAs.

À ce sujet, je me permets d’évoquer une conférence que j’ai récemment donnée à Bordeaux I/O, où je vous propose des méthodes pour nous projeter sur l’impact de nos IA (et plus globalement sur l’impact de nos décisions).

En plus de se poser les bonnes questions en amont (80% de l’impact est décidé en amont), je pense que la Roue des futurs est un excellent outil, simple et efficace, pour conscientiser en équipe les impacts positifs et négatifs de nos décisions, produits ou IA.

Retrouvez sur cet article le déroulé en détail de cette méthode, avec une version responsable de la Roue des futurs, pour se forcer à considérer nos externalités sur 3 pans : environnemental, humain et économique.

Dans le cas de l’IA : prenons l’hypothèse suivante : “Et si on remplaçait nos médecins généralistes par une IA ?”
(”Et si..?”, formule magique que j’adore pour nous projeter dans un monde alternatif sans contrainte)


Voilà la Roue des futurs correspondante pour la question :
“Et si on remplaçait les médecins généralistes par des IAs ?”

Roue des futurs responsables de "Et si on remplaçait les médecins généralistes par une IA ?"

Ce travail permet de rendre visible en équipe les impacts d’un tel produit.
On peut ensuite aller plus loin en organisant les impacts sur 2 axes : Probabilité que cet impact arrive (faible <> forte) et force de la conséquence (faible <> forte).

L’équipe peut ensuite prendre le temps de considérer les impacts qui ont la plus forte probabilité d’arriver et les plus fortes conséquences en se posant les questions suivantes :

  • La plus importante : est-ce que nous, équipe/organisation qui allons développer ça, on est OK avec ça ?
  • Qu’est ce qu’on peut faire pour atténuer ou réduire les impacts négatifs ?
  • Qu’est ce qu’on peut faire pour booster les impacts positifs ?

Les réponses permettront d’orienter la mission et vision de l’entreprise, et d’adopter une stratégie beaucoup plus éclairée et responsable.

Pour conclure

Ok maintenant qu’on a dit tout ça, on fait quoi ?

Romane évoque le fait que souvent on sous-estime ce qui va dans le sens inverse de notre opinion, et on surestime ce qui va dans le sens.
Il est donc primordial de s’offrir le cadre pour agir. De se créer des moments dédiés pour prendre du recul et adopter un état d’esprit différent.


Que pourrait t’on faire pendant ces moments dédiés, je vois plein de possibilités :

  • Comme un enfant de 5 ans, se poser constamment la question “Pourquoi ?”
  • Se poser la question “Est-ce utile” ? (pour qui ? pour quoi ?…)
  • Simplement se réunir en équipe, sans méthode particulière, mais avec les bonnes personnes, pour se poser ensemble des questions sur les impacts de ce qu’on fait.
  • Organiser un atelier Roue des futurs (comme proposé ci-dessus)
  • En fonction de vos besoin, organiser un atelier de Design Systémique (voir l’excellent toolkit gratuit de l’agence Nahmann).
  • Romane nous raconte aussi la cas pratique de la création d’un collectif (type lab recherche action) pour réfléchir à des solutions pour réduire l’impact environnemental sur un thème donné. Exemple sur le thème de la culture, une ou plusieurs équipes prennent un temps de 8 mois pour faire un discovery, imaginer des solutions(culture par exemple) avec un temps de 8 mois pour : Discovery, jours d’ateliers, poser un proto…pour pouvoir ensuite les proposer au ministère de la culture.

Enfin, adopter une démarche d’éco-conception en est une autre piste.

“L’eco-conception, quelque soit le référentiel, c’est surtout se questionne sur l’utilité”

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Je vous passe la balle pour commencer à adopter ces questionnements et états d’esprits dans vos organisations, à tous niveaux. Commencez simplement, en équipe, à questionner vos impacts. Une fois que c’est sorti, plus possible de faire l’autruche ensuite ;)

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Au fait, c’est qui Romane Clément ?

(En plus d’être une personnalité que je sens pleine d’énergie, de convictions et d’humour bien senti ?)

Romane se décrit comme une spécialiste de la sobriété numérique. Sociologue, designer et diplômée de Sciences Po, elle co-fonde en 2020 Ctrl S, studio de design et d’innovation pour un numérique responsable.