Et si on avait un GPS... à l'intérieur ?
Le vaste monde de la géolocalisation indoor…
La géolocalisation, c’est un domaine qui touche tout le monde à l’ère du numérique ! La preuve : on sait tous ce qu’est un GPS ; ou du moins à quoi ça sert. Ouvrir Google Maps, se faire guider dans la rue, même pour un petit trajet, c’est devenu un vrai réflexe, presque une extension de notre cerveau (c’en est presque transhumaniste !). Mais dès lors qu’on passe la porte d’un bâtiment, tout ça s’effondre. Le signal devient très imprécis, voire carrément inexistant. On se retrouve confronté à notre pire ennemi : des plans (souvent mal fait) et notre sens de l’orientation approximatif 🙀 Bon, j’extrapole beaucoup, mais vous m’avez compris : nous sommes devenus tellement dépendant de ce type d’outils qu’il n’est pas rare de se perdre dans un bâtiment, dès lors qu’il est un peu grand ou labyrinthique. Et c’est sans parler de réussir à localiser un lieu précis, comme une salle par exemple !
Le besoin de se repérer en intérieur est donc bien réel, voire carrément croissant : centres commerciaux, hôpitaux, campus, aéroports, bureaux… et j’en passe, sont autant de lieux où il est facile de se perdre ! Pourquoi n’aurait-on pas alors un équivalent d’une appli style Google Maps, mais pour les couloirs, les escaliers ou les salles de réunion ? C’est précisément de cette idée qu’est né mon sujet de stage : 👉 comment développer une solution digitale pour se repérer et être guidé⸱e dans un bâtiment ?
Durant mon stage à OCTO, ce sujet m’a conduit à explorer le monde passionnant de la géolocalisation en intérieur (ou “géolocalisation indoor”, voire “geoloc indoor” quand on est cool 😎). C’est un domaine qui ne rayonne pas tant de l’extérieur, mais qui a en fait une grande portée et un marché vaste et varié (qui pèse plusieurs milliards !). Plusieurs technologies existent et sont exploitées pour la géoloc indoor, tout un catalogue de solutions toutes prêtes sont déjà proposées par des entreprises… Et chacune a ses avantages et ses inconvénients : au final, c’est presque difficile de s’y retrouver !
Heureusement, ce stage m’a permis d’y voir plus clair en m’apportant un terrain d’expérimentation concret : les locaux d’OCTO Technology, au 34 avenue de l’Opéra. À partir des besoins spécifiques d’OCTO et de ses bureaux, j’ai pu orienter mon processus de recherche et, à partir de ces recherches, j’ai pu développer une Proof of Concept (POC) sous la forme d’une application mobile : Octo Maps 🗾✨ Un outil conçu non seulement pour tester, expérimenter et développer un package de connaissance à OCTO sur le vaste sujet que représente la geoloc indoor, mais aussi pour aider les Octos dans leur quotidien !
Mais ne nous avançons pas trop… Revenons plutôt un peu en arrière pour parler du célèbre “WHY”. Eh oui, à quoi ça sert, en fait, d’avoir un outil pour se repérer dans un bâtiment ? Et à qui ?
Des cas d’usage bien réels (et pas seulement à OCTO !)
Donc WHY ? (spoiler : ce n’est pas que pour les stagiaires paumés). Eh bien, un outil de géolocalisation en intérieur, ça peut servir à beaucoup de monde :
- Aux visiteurs du lieu et aux nouveaux arrivants : bon ok, les stagiaires paumés, mais aussi les nouveaux employés, les clients qui ne connaissent pas les locaux (ou tout un tas d’autres personnes quand on pense à des lieux comme les hôpitaux ou les campus).
- Aux personnes qui fréquentent régulièrement le lieu, qui ne connaissent pas forcément la topologie par cœur, et qui ont besoin de la localisation ou d’infos sur une salle ou un point d’intérêt. Dans la même catégorie, on peut aussi penser aux employés de très grandes entreprises qui ne sont pas amenés à se déplacer souvent dans les locaux : peu importe leur ancienneté, ils peuvent être tout aussi perdus qu’un visiteur s’ils doivent se rendre en dehors de leur lieu de travail habituel !
- Mais aussi à des personnes en situation de handicap (mobilité, visuel, neuroatypie…), pour qui un bon guidage, des informations d’accessibilité ou une aide vocale peuvent faire la différence.
- Et au-delà de ça, il y a aussi une dimension plus technique, plus exploratoire : celle d’un bâtiment connecté, intelligent, capable de nous donner des infos dynamiques sur son état. Est-ce que cette salle est occupée ? Cette machine à café est-elle en panne ? Ce sont des questions simples qui pourraient avoir des réponses... directement sur une carte.
Vous avez vu ? Les usages sont multiples ! Les besoins sont concrets ! Pourtant, malgré l’abondance de solutions qui existent aujourd’hui, l’implémentation concrète d’outils de geoloc indoor reste relativement rare. Le sujet intéresse, mais peu osent encore se lancer, sûrement en partie par manque de compréhension. C’est sûr qu’avec un domaine un peu flou de l’extérieur, et une multiplicité des solutions et technologies qui ont toutes leurs spécificités, ça peut faire peur de se lancer ! En me renseignant, une chose est vite devenue claire : personne ne s’accorde sur “la bonne” technologie ou solution à utiliser. Contrairement à l’extérieur, où le GPS est roi, l’intérieur est un monde bien plus chaotique…
Mais assez blablaté : plongeons nous dans le sujet et explorons donc ces fameuses technologies de geoloc indoor !
Petit point culture sur les technologies de géolocalisation en intérieur
Pour faire ça de manière un peu plus claire et lisible, abordons tout ça sous forme d’une sorte de benchmark !
Le GNSS
Avant d’attaquer sur le sérieux, clarifions quelques points sur le GPS (oui, la technologie qui ne marche pas en intérieur…). Déjà, petit fun fact qui me tient à cœur : le terme “GPS” est un abus de langage ! En réalité, le GPS est le réseau de géolocalisation par satellite des États-Unis. Chaque principales puissances mondiales en a un : Galileo pour l’Europe, Beidou pour la Chine et GLONASS pour la Russie. L’ensemble de ces réseaux de satellites s'appelle le GNSS (Global Navigation Satellite System) ! C’est ce qui est en général utilisé par des outils comme Google Maps pour obtenir la meilleure précision.
Les +
- C’est super… en extérieur :)
Les -
- Sensible aux interférences diverses
- Rebondissent contre les surfaces, ce qui crée une cage de résonance. Les signaux satellite entrent alors en interférence avec eux-même, ce qui rend la précision quasi nulle.
Le WPS
Le WPS (Wi-Fi Positioning System) utilise… le Wi-Fi 🏆! Le principe est simple : repérer les points d’accès (bornes Wi-Fi) qui entourent un device et mesurer la puissance de leur signal. En croisant ces valeurs avec une base de données qui connaît la position de chaque borne, on peut estimer la position du device. Et tout ça, en utilisant une infrastructure Wi-Fi qui existe déjà !
Les +
- Technologie démocratisée, donc compatible avec quasi tous les appareils récents.
- Déploiement facile, quasi aucune installation spécifique si le bâtiment a déjà un bon maillage Wi-Fi.
Les -
- Précision souvent faible, car le Wi-Fi est sensible aux obstacles (murs, mobilier, même le corps humain !) et aux interférences d’autres signaux.
- Tirer partie d’une infrastructure qui existe déjà est un avantage autant que c’est un inconvénient : la précision du signal dépend à 100% de la qualité et de la densité du réseau Wi-Fi, ainsi que du placement des bornes, qui est très rarement optimisé pour la localisation (elles sont pensées pour couvrir le réseau, par pour trianguler un utilisateur…).
Le BLE
J’imagine que vous connaissez tous le Bluetooth ? Eh bien le BLE (Bluetooth Low Energy) est sa version optimisée, plus légère et économe en énergie. Dans le cadre de la geoloc indoor, on tire partie du BLE de la même manière que du Wi-Fi avec le WPS. On utilise des beacons (petites balises Bluetooth) qui diffusent un signal en continu. À partir de la puissance de ce signal, on estime leur distance au device, et à partir de leur position, on détermine la position du device par trilatération (pas d’inquiétude, j’explique plus tard).
Les +
- Matériel peu coûteux (autour de 10/20€ par balise), simple à installer et à maintenir.
- “Low Energy”, donc consomme peu, donc longue autonomie.
- Très bonne compatibilité.
- Assez accessible pour expérimenter :)
Les -
- Comme le Wi-Fi, sensible aux interférences et aux obstacles… Et vu qu’on utilise la puissance du signal pour estimer la position, on se retrouve avec une précision variable ou des “sauts” de position.
- Nécessite un étalonnage pour de bons résultats.
- Placement stratégique obligatoire pour une bonne couverture (c’est un vrai challenge, j’en reparle plus tard aussi).
L’UWB
L’UWB (Ultra WideBand), c’est un peu la Rolls-Royce de la géolocalisation indoor. C’est un protocole qui utilise des impulsions radio très courtes sur une large bande de fréquences pour mesurer la distance avec une (très) grande précision (quelques dizaines de centimètres). L’UWB utilise la technique du Time of Flight : on ne mesure pas l’intensité du signal, mais le temps que le signal met à faire l’aller-retour entre deux appareils. En combinant les mesures de plusieurs balises fixes, on obtient rapidement une position ultra précise. Or, le hic : bien que l’UWB se démocratise petit à petit, ça reste une fonctionnalité “de luxe” sur la plupart des appareils récents. Niveau smartphone, il faudra forcément se diriger vers Apple pour avoir une compatibilité garantie, ou alors prendre les modèles Plus, Ultra ou Pro chez Google ou Samsung. En plus de ça, les équipements UWB sont souvent plus coûteux que la moyenne, voire carrément extrêmement chers quand on veut un équipement professionnel.
Les +
- Précision de l’ordre du centimètre.
- Assez résistant aux interférences et rebonds de signal comparé à ses concurrents (le Wi-Fi et le Bluetooth).
- Latence très faible.
Les -
- Matériel coûteux à installer et à maintenir (30/40€ par balise pour de l’entrée de gamme, plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’euros pour une infrastructure professionnelle, si on recherche la fameuse précision centimétrique).
- Pas encore compatible avec la majorité des smartphones.
Les autres
J’ai parlé des technos les plus démocratisées, mais ce n’est pas tout ! Le monde de la geoloc indoor comporte aussi tout un assortiment de technologies plus exotiques, spécialisées ou expérimentales. Par exemple :
- Li-Fi (Light Fidelity) : géolocalisation via la lumière LED. La techno repose sur des variations ultra-rapides de l’intensité lumineuse, captées par un récepteur optique et convertis en information. Ça fonctionne pour se localiser, mais c’est aussi une technologie émergente pour faire passer la connexion internet sans utiliser le Wi-Fi (et c’est très efficace !).
- Ultrasons : mesure du temps de propagation de sons à haute fréquence. Très précis mais particulièrement sensible aux obstacles, et surtout aux interférences sonores (compliqué dans des bureaux…).
- Capteurs inertiels (accéléromètre, gyroscope, magnétomètre) : on suit les déplacements depuis un point connu, mais de petites erreurs s’accumulent rapidement (drift) et finissent par fausser la position. Attention, ils restent très intéressants en complément d’autres technos ! Google Maps les utilise pour prédire mieux les déplacements et compenser les imprécisions du GPS (qui est normalement de 2m à 10m, eh oui !).
- RFID/NFC : détection de tags passifs ou actifs à courte distance. Efficace, mais nécessite de passer très près des lecteurs.
- Et j’en passe ! (5G, champs magnétiques, SLAM…)
Ces dernières technologies sont très intéressantes pour avoir une connaissance plus complète du marché et du paysage de la géolocalisation indoor ! Mais elles ne collent pas trop au contexte d’OCTO…
Conclusion
Pendant mes recherches, je me suis rendu compte de quelque chose sur la géolocalisation en intérieur : chaque situation, chaque contexte, est un puzzle, et chaque technologie est une pièce avec une forme bien spécifique. Elle peut parfaitement combler le vide, ou elle peut ne pas du tout coller du tout. 🧩
En gros, il n’y a pas de technologie miracle (snif), car le choix dépend toujours du contexte : type de bâtiment, budget, précision attendue, compatibilité avec le matériel… Par exemple, l’UWB pourrait-être la solution parfaite dans un contexte industriel, pour localiser des petits équipements importants dans une usine où les objets peuvent se perdre facilement. Le WPS pourrait être très adapté dans des bureaux avec une grande couverture Wi-Fi, qui ont besoin d’une localisation de faible précision. Etc, etc. Même au sein d’une même technologie, d’une balise BLE à l’autre par exemple, on en trouve : qui coûtent plus cher mais qui ont un meilleur signal ; qui ont un moins bon signal mais plus d’autonomie ; qui ont une bonne autonomie et un bon signal mais sont esthétiquement déplaisantes ; etc. Il n’y a donc pas de “GPS d’intérieur” universel, mais plutôt un terrain de jeu où tout est question de compromis :)
Et je n’ai parlé que des différentes technologies ! C’est la même chose pour les solutions toutes prêtes : à chacune ses problématiques. Des services de géolocalisation en intérieur existent, avec pose de l’infrastructure faite par l’entreprise et application toute prête à disposition, mais c’est souvent coûteux, un peu “overkill” pour ce qu’on souhaite faire, et surtout jamais parfaitement ce qu’on recherche. C’est un peu ce qui a confirmé notre envie de développer une application sur mesure pour OCTO !
(Ça me fait une super transition vers la partie suivante… qui arrive bientôt ! 🤭).
Un peu de lecture ? 📚
Pour rendre moins pénible l’attente jusqu’à la publication de la partie 2 de cet article, où je parlerai plus en détails d’Octo Maps, de la technologie qu’on a utilisé, de notre technique de géolocalisation, etc… vous pouvez, si vous le souhaitez, consulter mes benchmarks des technologies et des solutions de géolocalisation en intérieur ! Et si le sujet vous intéresse vraiment, je vous invite à aller jeter un oeil aux les liens suivants :
- Article sur la différence entre le GNSS et le GPS : GNSS vs. GPS: What’s the Difference?.
- Article qui explique pourquoi le GNSS ne fonctionne pas correctement en intérieur : Why GNSS and GPS Do Not Function Properly Indoors.
- Petit article sur l’une des premières applications de geoloc indoor : Aéroports de Paris lance une application de localisation « indoor ».
- Ce que font la Société Générale dans leurs locaux : Société Générale geoloc indoor.
- Quelques articles comparatifs des technologies de géolocalisation en intérieur : Comment choisir son système de géolocalisation indoor en 2024 / Géolocalisation : quelle technologie choisir ? / Les technologies de géolocalisation indoor.
Merci à Enzo Calvino pour sa relecture !