Due diligence technique : sécuriser son investissement - 2

Ou comment investir puis valoriser son portefeuille de startups

Introduction

Dans notre premier article (Due diligence technique - sécuriser son investissement), nous évoquions le fait que  pour une entreprise investisseuse l’objectif principal était d’éviter un engagement financier dans une startup techniquement risquée. Relativement à l’IT, nous expliquions comment nous donnions un GO / NO GO sur l’investissement. Nous décrivions notre framework 360° due diligence technique dont l’objectif est de se rassurer sur la capacité technique d’une startup à passer à l’échelle et de sécuriser autant que possible l’investissement de l’entreprise.

Dans ce deuxième article, pour les entreprises investisseuses, nous tenterons d'apporter des éléments de réponses cette fois-ci sur comment valoriser leur portefeuille de startups, comment valoriser leurs assets, comment les accélérer et les aider dans leur quotidien.

Comment accélérer une startup ?

Comment accélérer une startup ?

Et après …“comment les entreprises gèrent-elles leur portefeuille de startups?”

Pour les grandes entreprises, innover peut passer par l’acquisition de startups. L'investissement dans des start-up n'est que la première étape du voyage. Il va falloir ensuite apprendre à s'en occuper pour lui permettre de se développer pleinement. Si on ne sait pas comment travailler avec la startup qu’on vient d’acquérir, il y a un risque de la tuer ou de l'empêcher de grandir sereinement. Par ailleurs, les startups ont des préoccupations très précises comme concevoir et construire le bon produit ou service répondant à un problème pointu, passer son organisation et son IT à l'échelle, revendre ses assets ou plus basiquement survivre à “la vallée de la mort” avant la prochaine levée de fonds. Des problématiques que ne vivent que relativement ou partiellement les grandes entreprises investisseuses.

Mais alors en tant qu’entreprise comment valoriser mon portefeuille de startups, comment valoriser leur assets, comment puis je les accélérer, les aider dans leur quotidien ?

Enjeux et premiers éléments de réponses

Enjeux pour valoriser son portefeuille de startups

En synthèse :

Tableau de synthèse

Identifier chez l'entreprises les accélérateurs de TTM à mettre au service des startups de son portefeuille

Identifier chez l'entreprises les accélérateurs de TTM à mettre au service des startups de son portefeuille

Qu’est ce que les entreprises peuvent apporter à leurs startups pour accélérer leur TTM  ?

  • Une image, une marque, un impact,

  • Du financement,

  • Du support pour un développement commercial de la startup autour de services tels que les accès à leurs fournisseurs (en direct ou en profitant d’un contrat groupe), à leur service marketing, à ses clients internes ou externes, à ses distributeurs ou sales, ou encore offrir la possibilité de monter une spin off,

  • Et plus généralement offrir un support/accompagnement via des mentors, son département juridique ou sécurité…ou encore offrir une audience/visibilité grâce à l’invitation de la startup à des conférences, ou à des évènements.

En détail et par regroupement :

Optimiser une acquisition de startup. Accélérer la startup en valorisant les capacités de l'entreprise

Optimiser une acquisition de startup. Accélérer la startup en valorisant les capacités de l'entreprise

Provoquer des synergies entre les startups en animant des communautés de pratiques pour dérisquer/accélérer leur quotidien ou leur passage à l’échelle

Les startups rencontrent plus ou moins toutes les mêmes problématiques en particulier lors leurs différents changements d’échelle. Des problématiques que l’entreprise investisseuse ne sait généralement pas résoudre ou de manière beaucoup trop théorique. En revanche, les autres startups (issues de son portefeuille) qui expérimentent ou ont expérimenté ces problématiques pourraient partager leurs bonnes pratiques entre elles. Ce qui nous amène à l’idée d’un partage entre startups de ses savoirs via des communautés de pratiques. L’objectif étant de dérisquer ou d’améliorer leur quotidien en particulier autour des problématiques IT.

Animer des communautés de pratiques

Avec comme objectifs, de dérisquer, améliorer leur quotidien ou encore passer à l’échelle via de meilleures pratiques autour

    • des technologies utilisées,

      • des pratiques de développement logiciel,

      • de la sécurité, de l’industrialisation des développements,

      • de la scalabilité et l’automatisation autour de ses architectures et de ses infrastructures IT,

      • de la gestion des paiements et de la fraude en particulier,

      • des aspects juridiques (déploiement dans d’autres pays, périmètre métier qui s’étend),

      • de la RGPD,

      • de l’optimisation des coûts en gérant mieux ses fournisseurs,

      • de l’accélération des recrutements.

cadeau

Les communautés de pratiques présentent un immense avantage de s’appuyer sur ceux qui font et qui ont un retour terrain pertinent. Attention toutefois à animer ces communautés. Ce n’est pas un emploi “fictif” à prendre à la légère et ce sera le rôle de l'entreprise de l’assumer pour à la fois trouver les sujets pertinents, les préparer en amont et éventuellement trouver les moments qui conviennent aux participants. Rien n’est magique, la sauce ne prend pas aussi facilement qu’on le croit. Il faut de la pertinence pour faire adhérer et c’est d’autant plus vrai que la préoccupation première des startups n’est sûrement pas de participer à des communautés. Elles ne participeront que si elles y trouvent un intérêt pour dérisquer, améliorer ou accélérer leur développement. L’idée est bien de faire prendre la sauce sur des thèmes clés (voir liste ci-dessus), l'entreprise n’ayant qu’un rôle d’entremetteur et de facilitateur. Ensuite, l'entreprise peut s’effacer ou simplement suivre une fois que cela a pris. Son objectif suivant sera de favoriser le maintien de ces connexions entre startups et d’identifier les prochains sujets.

L’étape d’après peut consister à faire émerger un écosystème de startups complémentaires appelées à travailler ensemble en partenariat. Enfin, ça c’est la théorie ;-)

Si cela fait sens, favoriser l’émergence d’un écosystème

  • Qui favorise l’expertise d’une startup à l’autre sur une niche métier adjacent ou complémentaire...

  • ...voire par l’ouverture des SI par l’intermédiaire d’APIs entre startups partenaires

cadeau

Les startups émergent sur une expertise dans un domaine métier étroit/pointu. Leur approche est l’excellence sur cette niche métier. Sur un métier adjacent ou complémentaire, il se peut qu’une autre startup rende ce service et si par chance elle est dans le portefeuille de l'entreprise, il est judicieux de vouloir profiter de l’expertise de sa voisine. Là encore, cela ne peut fonctionner que si la startup y voit un intérêt dans le développement de son propre business, si les roadmaps sont alignables ou si l’effort à fournir est acceptable. Un appuie de l'entreprise peut venir soutenir financièrement ou en développement cette collaboration. C’est là ou dans le domaine IT l’existence d’API peut aider la collaboration entre les 2 startups. Ne pas négliger les temps de développements nécessaires des 2 côtés en particulier pour adapter les APIs et les infrastructures au niveau des SI de chaque startup.

attention

Il ne faut pas se le cacher ces partenariats sont potentiellement puissants et mais la complémentarité quand elle existe n’arrive pas aussi vite que voulue, elle demande en général des adaptations de part et d’autre et comme nous le soulignions si elle ne permet pas de développer le business de chaque partie la collaboration restera restreinte ou nulle.

Pour les entreprises, la valorisation des assets des startups acquises est fonction de leur maturité de développement

Les assets sont valorisables selon la maturité de développement des startups, ainsi de manière graduelle :

  1. Il y a en tout premier lieu, les talents car le succès d’une startup vient d'abord des équipes talentueuses,

  2. Ensuite, il y a les produits ou services : l’innovation en tant que telle potentiellement basée sur une technologie valorisable avec ou sans IP (Propriété Intellectuelle)

  3. Puis, les clients associés au(x) business model(s) : si la traction est suffisamment au rendez vous, alors les premiers clients fidèles sont là, le tout s’appuyant sur un ou des business modèle(s) potentiellement innovant(s)

  4. Enfin, les revenus : dès que la récurrence et le volume de clients est suffisant pour dégager des revenus

Valoriser une acquisition de startup. Accélérer l'entreprise en valorisant les assets de la startup

Valoriser une acquisition de startup. Accélérer l'entreprise en valorisant les assets de la startup

L’autre aspect valorisable vient de l’inspiration que l'entreprise peut tirer des meilleurs pratiques/méthodes au sein des startups comme par exemple

  • La rapidité des opérations/exécutions que l’on voit au travers des pratiques agiles et des processus de décision

  • La culture du faire même si c’est imparfait, la culture du “fail fast” pour s’adapter vite

  • La capacité, la force et la grande créativité face aux obstacles techniques, réglementaires, organisationnels...

  • Les méthodes et approches pour construire les produits ou services dans l'incertitude / l’inconnu

  • Les valeurs partagées par les équipes (transparence, ethics, ….)

Synthèse des meilleures pratiques des startups

Synthèse des meilleures pratiques des startups

Les fausses bonnes idées

Notre expérience nous a amené à croiser des entreprises qui souhaitaient maladroitement créer des synergies entre les startups avec en particulier des approches qui ne correspondaient pas à la “temporalité” de leurs préoccupations ou de leurs ressources disponibles.

L’entreprise a une culture forte de rationalisation, d’optimisation de sa performance autour de son CA (horizon 1, voir schéma ci-dessous) - là où les startups sont concentrées, en tout cas dans leur phase de démarrage et de croissance, sur comment faire grandir leur innovation / passer à l'échelle / conquérir de nouveaux marchés rapidement / vendre leur solution (horizons 2 & 3). Ces deux préoccupations ont besoin de ressources et de mindsets faiblement compatibles comme nous le mentionnons dans un précédent article (https://blog.octo.com/innovation-quelle-equipe-pour-quel-horizon/).

Les horizons de l’innovation selon Garvin & Lesvesque

Les horizons de l’innovation selon Garvin & Lesvesque - src : https://blog.octo.com/innovation-quelle-equipe-pour-quel-horizon

Fausse bonne idée #1 : le datalake commun entre startups et l'entreprise

Déverser les données dans un réservoir en espérant pouvoir les exploiter cela suppose des prérequis et une maîtrise amont des enjeux.

D’abord, et avant de commencer de quelles données parle t-on ? Pour quel(s) métier(s), pour quel(s) use case(s) ? Avant de commencer interrogez vous et surtout interrogez le métier sur ce qu’il voudrait exploiter comme données et pourquoi.

Ensuite, pour la construction d’un datalake et c’était déjà le cas à l’époque des DWH (DataWareHouse), l’effort porte sur la qualité des données c’est à dire :

  • De la fraîcheur des données

  • De la donnée au bon format dans le champ approprié

  • De la cohérence temporelle et métier entre les données déversées

  • D’une exhaustivité suffisante pour assurer l'exploitabilité

Ces éléments représentent 80% du travail. En amont, ce sont les producteurs des données qui sont supposés supporter ces exigences et dans le cas présent les startups sont parties prenantes. Ensuite, le croisement des données est l'une des clés de la richesse de leur valorisation. Pour cela il faut établir un mini dictionnaire des données pour savoir à quoi chacune correspond et identifier les clés de corrélation entre données rapprochables. Les startups exporteront les données dans un format brut propriétaire sans velléité particulière à rentrer dans un modèle de données commun. Un travail de formatage, transcodification (afin que tout le monde parle le même langage - les startups et l'entreprise) et des itérations supplémentaires seront nécessaires avant exploitation effective des données.

Alors pourquoi est ce rarement une bonne idée ?

attention

L’ensemble de ces chantiers ne sont à priori pas la préoccupation première des startups et si elles se positionnent en mode best effort vous serez probablement déçus par le résultat. Obtenir des données de qualité exploitables demandera des aménagements et une implication en amont des producteurs (aka les startups) difficile à obtenir. Même si l’entreprise alloue des ressources pour mener les chantiers autour de la qualité des données, les ressources que pourront allouer en amont les startups ne pourra s'obtenir que si les enjeux, les uses case métiers, les croisements des données débouchent sur une proposition de valeur claire et comprise qui aide les startups à grandir.

Fausse bonne idée #2 : Rationaliser / mutualiser les approches / services métier des startups

attention

Cette approche ne correspond pas à la temporalité des préoccupations des startups qui sont concentrées sur comment faire grandir leur innovation / passer à l'échelle / conquérir de nouveaux marchés rapidement / vendre leur solution. Leurs assets sont encore très mouvants en évolution métier fréquente, techniquement refactorés et optimisés fréquemment. Elles cherchent à se différencier. Et “se différencier n'est pas rationaliser". Même si elles sont sur des activités proches, les implémentations techniques et métier ne sont pas interchangeables - chacun ayant fait des choix techniques différents voire ayant adopté des approches métier différenciantes.

Notre expérience nous a prouvé que dans le cas de business matures et stables ce type de chantier est complexe. Certes, vue d'avion, les approches sont semblables et semblent bel et bien mutualisables mais dès que l’on zoome dans le détail et sur les choix d'implémentation les équipes, les approches sont généralement différentes.

Il en découle que les coûts et l'effort de convergence sont élevés. L'économie non garantie. Si toutefois il y a convergence : la gestion des évolutions futures est ralentie du fait de la multiplicité des acteurs impactés. Enfin, et pour en revenir aux startups, en cas d'assets proches mais différenciant, chacune va vouloir garder une longueur d'avance sur ses concurrents. Révéler son savoir faire même à un partenaire, c'est s'exposer à un risque de plagiat voire de fuite de cerveaux.

Conclusion

Valoriser/Optimiser une acquisition de startup. Accélérer l’entreprise / Accélérer la startup en valorisant les assets de la startup / en valorisant les capacités de l’entreprise

Valoriser/Optimiser une acquisition de startup. Accélérer l'entreprise / Accélérer la startup en valorisant les assets de la startup / en valorisant les capacités de l'entreprise

Et après, quels sont les autres enjeux auxquels l’entreprise devra répondre ?

  • Où l'entreprise valorisera t-elle le mieux la startup : en interne ou en dehors sa structure ? Et si la startup acquise est en rupture avec les ressources, processus et valeurs de l’entreprise. Que faire ?

  • Au sein de l'entreprise ai je les personnes au mindset capables d’être à l’aise avec les enjeux d’une startup ? L'entreprise est-elle prête à naviguer avec la startup en environnement très mouvant et incertain ?

  • L’entreprise est-elle capable d’apporter son soutien à l’accélération mais sans la précipiter ? Saura-t-elle adapter son aide à sa maturité et à son positionnement sur les horizons ? : émergence, en croissance ou mature.

  • Et l’éthique dans tout cela ? Et l’impact environnemental ? Ou la décarbonation de l’économie ?

Ces questions sont complexes et il n’y a malheureusement pas de réponses toutes faites. Toutefois, pour certaines d’entre elles, nous y avions pour partie répondues par l’intermédiaire de cas inspirants issus du monde des FinTech et d’ailleurs :

Pour aller plus loin