Du bon usage du terme “régénératif”

le 29/03/2023 par Alexis Nicolas
Tags: Numérique Responsable

OCTO, par la présence de Dominique et Meriem, a contribué à la première édition de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) de septembre 2021 à juillet 2022. Pendant cette convention, elles ont notamment découvert la conférence et les travaux de Christophe Sempels, Directeur Général de LUMIÅ, un “centre de recherche-action spécialisé dans les modèles économiques de la transformation radicale”. Cette conférence sur “l’entreprise régénérative” nous a enthousiasmé (vous trouverez une définition du concept en suivant le lien).

Par la suite, nous avons convié Christophe à la partager au CoDir début 2022 pour inspirer OCTO dans ses futures transformations. Nous avons initié un partenariat avec LUMIÅ comme premier pas sur le chemin vers une transformation radicale. Nous avons voulu partager encore plus largement cette découverte avec le public de la conférence School of Product 2022. Puis début 2023, est venue l’heure du bilan : qu’avons-nous fait concrètement chez OCTO sur ce chemin depuis 1 an ?

Nous en parlons encore, cela inspire toujours un futur plus ou moins lointain, mais force est de constater que nous n’avons pris aucune action concrète, comme éblouis par notre enthousiasme et perdus face à la radicalité de la transformation.

La rançon du succès : le risque du regen washing

En décembre 2022, OCTO se dote d’une nouvelle raison d’être, qui acte l’immensité de la tâche que chaque entreprise devra mener, de gré (par souhait d’atténuer les impacts négatifs des activités d’extraction, de production, de distribution, d’usage et de fin de vie des services et produits) ou de force (par contrainte énergétique, minérale, sociale, ou à cause des catastrophes trop importantes engendrées par l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique).

La thématique d’USI 2023 continue le mouvement : “L’entreprise à l’épreuve des limites du monde”.

La première édition de la CEC a popularisé le concept, ce qui a fait fleurir les déclarations à vouloir devenir une entreprise régénérative.

Et en même temps que ce terme se popularise, des voix émergent pour alerter sur les risques de greenwashing, dont celles d’Alexandre Monnin, directeur du Master "Stratégie et Design pour l'Anthropocène", et d’Alan Fustec président de l’agence LUCIE.

Il s’ouvre alors une période de doutes et de débats internes : faut-il continuer de se référer au concept ? Comment ne pas tomber dans le piège du regen washing ?

Nous réalisons rapidement que s'interdire d'utiliser ou de citer ce concept ne sera que peu utile. En effet, en 2023 il est déjà très largement utilisé et ce n’est que le début. Aucun doute non plus sur le fait qu’OCTO n’est pas une entreprise régénérative, et que le chemin sera très long et la transformation radicale pour tendre à un modèle économique qui soit plus vertueux, en particulier sur le plan environnemental. C’est d’ailleurs avec cette conviction qu’OCTO a créé un collectif léger pour éclairer ce que serait un numérique réaliste et durable, en un mot essentiel. Mais que pouvons-nous faire pour réduire ce risque de regen washing ?

À l’instar de la neutralité carbone : contribuer sans être régénératif

Nos échanges sur la question “une entreprise peut-elle être régénérative ?” ressemblent très fortement aux discussions sur la neutralité carbone. En 2023, des entreprises se revendiquent neutres, ou souhaitent atteindre la neutralité carbone. Des entreprises déclarent aussi que tel service ou tel produit est neutre en carbone. Or l’ADEME a tranché la question dans ce rapport dont voici l’introduction :

L’ADEME rappelle que ces arguments peuvent tromper le public, freiner des changements de comportements et provoquer des effets rebonds négatifs. Ils empêchent aussi de mettre en avant les acteurs qui font preuve de sincérité et s'investissent réellement pour le climat. Enfin, leur utilisation expose les organisations à des risques de controverse et, bientôt, à des risques juridiques. Par conséquent, l’ADEME recommande à tous les acteurs, du secteur privé comme du secteur public et non‐marchand, de s’engager dans une démarche de communication responsable :

  • se défaire de l’approche purement arithmétique de la neutralité et ne pas focaliser leur communication sur la prétendue neutralité de leur territoire, activité, produit ou service ;

  • communiquer de façon transparente, proportionnée et distincte sur les différents leviers de contribution à la neutralité carbone collective, en particulier la réduction massive de leur empreinte carbone et le financement de projets de compensation.

Rapport de l'ADEME "Utilisation de l'argument de « neutralité carbone » dans les communications" - Mai 2022

Notre cercle Progrès Essentiels, dont le rôle est d’éclairer la gouvernance d’OCTO sur des sujets éthiques, a recommandé après étude, l’usage raisonné et non trompeur du concept de régénératif sur le modèle des recommandations de l’ADEME au sujet de la neutralité. La direction d’OCTO a validé cette recommandation et nous voulons la partager avec vous par cet article.

Du bon usage du terme régénératif

Ne pas direDire
OCTO veut devenir une entreprise régénérativeOCTO veut devenir une entreprise qui contribue à la régénération des écosystèmes
Nous voulons que notre modèle économique devienne régénératifNous souhaitons faire évoluer notre modèle économique pour qu’il contribue davantage à la régénération du vivant
OCTO souhaite sélectionner des fournisseurs et partenaires régénératifsOCTO participe à l’émergence d’écosystèmes vertueux

Pour autant, nous savons déjà que nous nous prendrons parfois les pieds dans le tapis, que ce soit par trop d'enthousiasme ou pressés par le temps. Nous souhaitons simplement muscler le discours et ne pas perdre notre lucidité sur la tâche à accomplir. Ce sera difficile, incertain, radical et inattendu.

Nous continuons à travailler à la réduction de nos émissions carbone avec méthode. Nous réinventons nos gestes et nos pratiques d’artisans logiciel pour tendre vers un numérique plus responsable. Et au-delà de la réduction des externalités négatives de notre activité, nous sommes guidé·e·s par la recherche d’une contribution positive à la société et au monde, sans pour autant pouvoir s’affranchir des règles du jeu actuel qui, nous ne sommes pas dupes, jouent contre les transformations radicalement positives.

Dans le podcast Les Numériques Essentiels, nous évoquons notamment les sujets d’effets rebonds négatifs cités par l’ADEME dans son rapport, et plus largement nous explorons ce que pourraient être les numériques essentiels.