Démystifier la Product Discovery

“La première étape pour faire un bon produit est la découverte du produit et la seconde est la livraison du produit.”

Marty Cagan, figure emblématique dans le monde du Produit, fondateur de The Silicon Valley Product Group.

Schéma de processus de la product discovery team

Schéma de processus de la product discovery team

La discovery, la product discovery, une phase de découverte, continuous discovery… Bref beaucoup de termes différents, en réalité derrière ces mots se cache le même concept..

Est-ce un sujet à la mode ? La product discovery a-t-elle vraiment fait ses preuves ? Comment insuffler l’état d’esprit lié à cette démarche dans une équipe produit ? Beaucoup d'interrogations planent autour de ce sujet qui est de plus en plus plébiscité par les équipes produit et les entreprises qui se lancent dans le produit.

Nous entendons dire que la discovery coûte trop cher, que c’est difficile à mesurer, que cela prend du temps, que l'on ne sait pas toujours par où commencer etc. Gloria Mumanga, Product Manager et Calypso Pierron, Product Designer chez Octo Technology, nous avons décidé de coécrire ensemble. Nous vous proposons ici de démystifier ce qui se cache derrière la Product Discovery. Un second article abordera la mise en pratique avec des exemples d’ateliers.


C’est quoi la Discovery ?

Une des explications de la naissance de la discovery serait le FLOP !! Oui oui on parle bien d’un produit ou d’une solution qui n’est pas attendu et surtout qui n’est pas utilisé ni même acheté.

“9/10 des start-ups échouent parce que leur solution logicielle n’est pas adaptée au marché.”

source : https://www.startupoasis.co/fr/blog/what-is-the-discovery-phase/

Rappelez-vous dans les années 2000, la gestion de produit ne se faisait pas de façon dite “agile” mais plutôt de façon structurelle. Cela consistait à maintenir le cap avec des objectifs figés, afin de respecter le contrat (même si c’est encore parfois le cas dans certaines boîtes… mais on y reviendra).

Comparaison synthétique des principes des méthodes agiles et des méthodes traditionnelles

Comparaison synthétique des principes des méthodes agiles et des méthodes traditionnelles

Ce qu’il faut retenir dans cette ère où tout évolue vite, même très vite : le manifeste agile, le principe du lean startup et le design thinking sont les principaux moteurs de l’évolution de l’état d’esprit de la product discovery. Le cadre agile et itératif visant à confronter au marché le plus rapidement possible des hypothèses s’est opposé aux processus plus traditionnels, comme celui du cycle en V.

https://www.youtube.com/watch?v=l7-5x0ra2tc

Teresa Torres (coach product discovery) en parle dans la conférence (Keynote 2016) qui prend l’exemple de l’échec de Windows 2000.

Il existe une diversité de définitions de la Product Discovery. Celles-ci sont très différentes selon chaque personne et chaque entreprise. Pour vous donner un échantillon des multiples variantes voici quelques exemples :

La Discovery consiste à identifier des besoins utilisateurs, étudier des opportunités de solution produit, s’assurer que celles-ci sont pertinentes pour l’utilisateur comme pour l’entreprise.”

par Chloé BONDU, chargée de marketing

Notre définition chez Meilleurs agents, c’est un processus d’apprentissage conduisant au succès d’un produit grâce à des hypothèses préalablement posées.”

Par Laure Nilles, Lead Product Manager B2B

Lors de la conf school of product 2023, Marty Cagan a dit:” le plus important n’est pas de passer trop de temps à étudier le problème mais d’apporter la meilleure solution comparée aux alternatives du marché.”

Par Gloria Mumanga

Les lectures qui nous inspirent

Les lectures qui nous inspirent

Pour nous, c’est tout d’abord un état d’esprit qui est transposable dans n’importe quel contexte ! Autrement dit, pas besoin d’être une légende du design, de psychologie ou même diseuse de bonne aventure, c’est accessible à tous à condition d’avoir le mindset ou encore l’état d’esprit.

L’état d’esprit de la product discovery est avant tout une démarche d’apprentissage et d’amélioration continue. On peut et on doit (idéalement) même en faire régulièrement ! L’objectif est de réduire significativement les risques associés au lancement d’un nouveau produit ou fonctionnalité.

Selon Marty Cagan, les risques liés au lancement d’un nouveau produit ou fonctionnalité peuvent être de plusieurs natures :

  • Risque de désirabilité: les utilisateurs qui ne retirent aucune valeur du produit utilisé.

  • Risque d’utilisation : les utilisateurs n’utilisent pas le produit

  • Risque de faisabilité : les ressources techniques en interne pour construire le produit en temps et en heure ne sont pas disponibles.

  • Risque économique : le produit n’est pas rentable pour l’entreprise.

Exemple de priorisation des hypothèses par valeur et risque (WSJF - Weighted Shortest Job First)

Exemple de priorisation des hypothèses par valeur et risque (WSJF - Weighted Shortest Job First)

Pourquoi faire de la discovery ?

On entend plusieurs critiques sur la discovery: c’est chronophage, c’est coûteux et il est difficile de mesurer son impact sur le produit, etc.

Tout simplement pour éviter de se planter ! Faire de la discovery permet d’explorer et de définir un problème afin d'apporter la meilleure des réponses. Cela permet donc d'éviter le développement d'une solution inadaptée, coûteuse en temps de développement et en satisfaction utilisateurs.

Pour démontrer ou prouver la valeur qu’apporte la discovery, il faut parfois savoir échouer ! L’échec est une situation puissante d'apprentissage car il amène à un processus itératif.

Attention ! Il ne s’agit pas d'échouer à tout prix, il s’agit de prendre du recul et de se remettre en question constamment.

Pour partager et transmettre à son équipe les bienfaits d'une démarche Discovery et son état d’esprit, il est nécessaire de mettre en place le cercle vertueux : co-construction des solutions, test, mesure.

Par quoi commencer ?

Il existe quelques frameworks pour faire de la discovery et chaque équipe doit se l’approprier et l’adapter à son contexte. En effet, la résolution d'un problème dépend fortement des éléments suivants :

1. La maturité de l’équipe et son état d’esprit

Il est important de connaître l’écosystème dans lequel on évolue, quel que soit son rôle. Connaître la maturité de son entreprise, le marché ainsi que le secteur / domaine d’activité dans lesquels on évolue. A partir de ce constat, rien de tel que de prendre exemple sur les entreprises ou équipes à succès qui pratiquent la discovery et en récoltent les fruits.

2. Le temps et le budget alloués à la discovery

Nous n’avons pas de baguette magique, il va donc falloir y aller pas à pas. Remporter de petits combats vous fera gagner la bataille ! N’arrivez pas avec de grandes ambitions dans une entreprise peu mature en voulant faire de la découverte produit à tout va, allez là où vous gagnerez des points ! Car c’est un travail qui vous demandera beaucoup d’énergie et de temps à vous, mais ainsi qu’aux équipes.

3. L’étape à laquelle se trouve le produit

Ne partez pas sans avoir cadré ce que vous cherchez ! Sinon il y a des chances que vous vous égariez. Nous ne parlons pas de faire un cahier des charges mais de prendre note du “pourquoi vous faites cette recherche ?” ou “quelles sont les idées /opportunités de départ à confronter ?”. Il est bon de ne pas perdre du temps, de l’argent ou d’éviter de devoir refaire des choses en voulant aller trop vite alors que vous avez déjà les informations nécessaires. Il faut plutôt creuser / détourer (on vous donnera plus de détails dans le second article).

4. La relation avec ses utilisateurs et les rituels à intégrer dans le projet

Pour améliorer son produit et apporter toujours plus de valeur ajoutée, rien de mieux que de rester au contact de ses utilisateurs. Recueillir des feedbacks permet de creuser les points de douleurs et proposer les meilleures solutions d’améliorations. Un des moyens d’y arriver est de mettre en place une récurrence pour collecter les feedbacks utilisateurs. Il existe diverses méthodes d’élicitations de besoin afin d’avoir une vue 360. Vous pouvez retrouver quelques exemple dans cet article.

https://www.youtube.com/watch?v=O9jY3TDvOX4

LPC — Discovery et delivery avec Rémi Guyot, Axel Sooriah, Laure Nilles

De plus, partagez ce que vous faites, où vous en êtes et ce que vous ferez ensuite. Engagez et fidélisez l’équipe ou les équipes avec qui vous travaillez, vous serez plus fort(e) à plusieurs !! Pour cela rien de tel que de partager des bonnes pratiques afin d’acculturer les personnes qui vous entourent.

Les étapes de la product discovery

Pas besoin de réinventer la roue, il existe plusieurs méthodes et techniques permettant de recueillir les informations des utilisateurs et du marché tels que les entretiens exploratoires, l’analyse des données, le story mapping, le prototypage, etc. Vous trouverez une façon de faire dans le livre “Product Discovery Recipes”, par Jeff Patton.

Faire de la discovery en continue permet de mitiger les risques. Le travail de découverte suit un cycle d’apprentissage.

Légende industrialiser de la product discovery par Thiga

Légende industrialiser de la product discovery par Thiga

1. Clarifier le problème à résoudre et réfléchir aux solutions

Pour résoudre un problème, il faut commencer par émettre des hypothèses. Il s’agit des croyances que vous avez sur les problèmes que vous souhaitez résoudre. Il est important de définir ce que l’on souhaite apprendre puis  poser les différentes solutions imaginées pour résoudre ces problèmes et réfléchir à l’impact sur les utilisateurs.

2. Prioriser les hypothèses

Toutes les entreprises ont des opportunités et des menaces, mais comment savoir quels problèmes méritent d’être résolus et quelles menaces méritent d’être prises au sérieux ? La priorisation permet de se focaliser sur les solutions qui résolvent les problèmes qui répondent aux objectifs stratégiques de l’entreprise.

3. Tester ses hypothèses

La phase suivante consiste à émettre un plan de tests qui permettra de valider ou invalider les hypothèses. Cela peut se matérialiser sous forme d’un prototype que l’on fait tester à ses utilisateurs pour recueillir des feedbacks. Tester de nouvelles hypothèses sur le produit permet d’identifier les nouvelles opportunités d’amélioration de celui-ci.

4. Analyser la donnée

A partir de l’objectif d’apprentissage fixé, analyser les retours quantitatifs et qualitatifs recueillis permettra par la suite de décider de la direction du produit.

**5. Décider et itérer

**En fonction des résultats obtenus, on décide soit de développer le produit, de pivoter ou d’abandonner la solution. Ainsi on limite les coûts de production.


La product discovery n’est pas une pratique récente mais à l’instar du delivery, sa prise en main peut sembler plus compliquée. Cependant, son importance, son impact sur le produit et sur le business a été prouvé. Il suffit de regarder toutes ces grandes figures du produit qui en parlent (Teresa Torres, Marty Cagan, Jeff Paton, etc.) et les entreprises à succès qui la mettent en pratique ( Amazon, Apple, etc.).

La clé est l’acculturation : plus il y a de gens qui en parlent et qui la pratiquent, plus cela va prendre. Impliquez donc les parties prenantes tout au long de la phase de la discovery. Certes, il n’est pas toujours facile de convaincre, vous pourriez perdre en vélocité ou “perdre du temps”. Mais perdre du temps maintenant limite les risques plus tard et permet de faire de la qualité. Ne demandez pas la permission pour faire de la discovery, faites-en ! Vous reviendrez toujours avec quelque chose.

La valeur est la suivante : fabriquer des produits que les gens veulent ou ont besoin.

Dans un second article nous aborderons la mise en pratique avec des exemples d’ateliers (à suivre…).