CR SOPO 2025 Keynote d'ouverture : Moins de pression, plus d' impact de Olivier Hamant
Olivier Hamant, biologiste et directeur de l’institut Michel Serres, a proposé une éloge de la robustesse lors de son talk d’ouverture à la SOPO 2025, une prise de position plébiscitée par le public. Pour lui, la robustesse est l’élément-clé pour s’adapter au monde de fluctuations dans lequel nous sommes entrés depuis le début du 21e siècle. Cette période est et sera marquée par un burn-out planétaire et humain pour encore les 2 à 3 prochains siècles. Le monde stable que l’humanité a toujours connu et sur lequel elle s’est bâtie, techniquement et culturellement, n'est plus. Ce nouveau monde de fluctuations doit nous obliger à repenser la performance.
Être performant signifie que l'on est très adapté à notre écosystème. Or, dans un monde qui change, être adapté est une fragilité. Dans un monde fluctuant, il faut être adaptable, avoir de la marge et donc être robuste. La performance a toujours été recherchée par l’humanité, associée au progrès, mais a contrario, le monde du vivant entier est construit sur le modèle de la robustesse, raison principale de l'adaptation des espèces aux fluctuations.
Olivier Hamant nous enjoint donc à inventer un monde qui vit avec les fluctuations et non pas à construire des digues contres celles-ci, effort qui serait voué à l’échec, selon lui.
Dans le cas des technologies, le chercheur souligne que la robustesse se fait via la diversité et non dans le remplacement des plus anciennes par les plus nouvelles. Il faut également qu’elles soient réparables et adaptables par tous les citoyens. Des solutions innovantes existent déjà aux marges de nos systèmes, déjà exposées aux fluctuations. Pour retrouver de la robustesse, nous devons passer par un changement culturel et non par une solution technique. Un message très fort dans le cas de nos sociétés actuelles hyper-technologiques qui devront évoluer vers une techno-diversité.
Enfin, Olivier Hamant déconstruit le lien entre entreprise et performance en rappelant que le premier enjeu de l’entreprise est dans sa rentabilité. Or, dans un monde de fluctuations, la rentabilité est générée par la robustesse. L’entreprise peut être un terreau fertile pour des communautés apprenantes, sachant que, pour le biologiste, l’innovation, dans un monde en fluctuation, est nourrie par la coopération et la mutualisation.
Ce talk est un magnifique pas sur le côté, une inspiration mais comment l’incarner dans nos pratiques courantes ?
Pour nos produits, nous pourrions rechercher l’usage, même celui qui est détourné. Nous pourrions souhaiter que nos produits restent utiles dans pleins de contextes, qu’ils soient tolérants face aux écarts d’usages ou qu’ils continuent de fournir de la valeur même dans l’imprévu.
Dans tout projets, nous prévoyons de la marge face à l’inconnu. Et si nous mettions aussi quelques KPI de robustesse comme un taux de bus factor par exemple ? Ou si nous organisions le programme pour qu’il soit résilient aux changements d’équipe, de stratégie ou de marché comme l’explicitation de l’intention derrière chaque décision. Cela permet à chacun de, non seulement, se souvenir du choix qui a été fait mais aussi du pourquoi.
Sur le plan technique, on ne peut que rappeler la valeur du code lisible, de tests robustes et d’outillages de débogages.
Enfin, culturellement, nous devrions encourager la coopération plutôt que l’héroïsme (ce n’est pas être robuste que de dépendre du ninja dev, du pompier de prod ou de l’expert unique). Au contraire, il faut que la connaissance soit la mieux partagée possible grâce à la montée en compétence, l’apprentissage collectif et les pratiques transverses (pairing, mob, mentorat).




