Comment optimiser l'arrivée d'une nouvelle personne dans une équipe grâce au transfert de savoir et de compétences ?

Dans notre premier article, nous avons mis en avant les mécanismes de capitalisation permettant une montée en compétences de l’équipe. Nous allons désormais présenter les mécanismes qui favorisent un transfert de compétences efficient, permettant une montée en compétences/savoir rapide des nouveaux membres de l’équipe.

1. L’importance de préparer l’onboarding d’un nouveau membre au sein de l’équipe

Réaliser un bon onboarding est essentiel et doit se préparer. L’idée de l’onboarding est de faire bénéficier le nouveau membre de l’équipe du savoir local généré par l’équipe, plus expérimentée sur le dispositif. Nous allons dans ce deuxième article vous dévoiler quelques mécanismes qui permettent aux personnes plus expérimentées de partager leurs connaissances et expériences, et qui permettent aux nouveaux arrivants de monter en compétences.

Une arrivée est un changement dans une équipe. Nous avons mentionné dans notre premier article l'importance de la sécurité psychologique, qui peut être perturbée par ce type de changement. Bien soigner l'arrivée d'une nouvelle personne est une opportunité de renforcer la sécurité psychologique dans l'équipe, en ayant un focus sur le nouvel arrivant.

Ainsi, il sera particulièrement ajusté d'indiquer à la personne nouvellement arrivée qu'elle est invitée à prendre sa place dans l'équipe, mais aussi à pouvoir faire des erreurs - et ce d'autant plus qu'elle est en période d'ajustement dans l'équipe.

Par ailleurs, il est intéressant d’encourager le nouveau membre à proposer son rapport d’étonnement après quelques semaines, afin qu’il s’implique dans l’équipe tout en apportant son regard neuf. En effet, un nouvel arrivant peut pointer des éléments améliorables qui sont avec le temps considérés comme étant devenus “normaux” par les membres présents dans l’équipe depuis plus longtemps.

2. Auto-évaluation des compétences clés nécessaires au sein de l’équipe

Ce self-assessment a plusieurs vertus. Tout d’abord, il a pour objectif d’apporter un maximum de transparence sur les compétences/connaissances que le nouveau membre d’équipe possède. Cet exercice doit être réalisé avec un maximum de sécurité psychologique pour le nouvel arrivant. En effet, l’intention de cette auto-évaluation n’est pas de juger des compétences/connaissances du nouvel arrivant, mais plutôt de pouvoir adapter au mieux la formation et montée en compétences de ce dernier. Cela lui permet de voir précisément la marche de progression à accomplir et sur quoi focaliser son attention. Il est important de communiquer cette intention au nouvel arrivant.

De plus, ce travail permet au nouveau membre de l’équipe de faire une photo à l'instant T et de mesurer ses progrès au fur et à mesure du temps au sein de l’équipe (J+1, J+1 mois, J+2 mois, J+3 mois, etc…).

Voici une photo d'une matrice d'auto-évaluation pour le rôle de Product Owner. Il s'agira pour un nouvel arrivant de déplacer les différentes compétences dans la zone qui correspond pour lui (non connu ; connaissance théorique ; confiance ; capacité à enseigner). Bien évidemment, la matrice de compétences doit être adaptée en fonction des compétences et besoins de votre équipe.

Exemple d'une matrice de compétences pour auto-évaluation d'un·e Product Owner

3. Design d’un parcours de montée en compétences et connaissances

En fonction du niveau de criticité de la montée en compétences/connaissances des nouveaux membres de l’équipe, votre équipe va pouvoir co-construire un parcours de montée en compétences qui permet aux nouveaux membres de l’équipe d’acquérir les éléments nécessaires le plus rapidement possible.

Dorothy A. Leonard, dans son formidable ouvrage Critical Knowledge Transfer, utilise l’acronyme OPTTY : Observation, Practice, Taking ResponsabiliTY qui permet de structurer le parcours de montée en compétences des nouveaux arrivants au sein de l’équipe.

Dans cet ouvrage, Dorothy A. Leonard nous rappelle également la différence entre savoir explicite et savoir tacite. Les connaissances tacites ou implicites - par opposition aux connaissances formelles, codifiées ou explicites - sont des connaissances difficiles à exprimer ou à extraire, et donc plus difficiles à transférer à d'autres par le biais de l'écriture ou de la verbalisation. Il peut s'agir de la sagesse personnelle, de l'expérience, de la perspicacité ou encore de l'intuition.

Source : https://janetgregory.ca/implicit-tacit-vs-explicit-knowledge/  Dernière vue le 26 mai 2023

De notre expérience, il est pertinent qu’un ou deux membres de l’équipe soient responsables de coordonner et dispenser les éléments théoriques et pratiques de la formation qui permettront de partager savoir explicite et tacite au nouvel arrivant.

Ces personnes peuvent construire une roadmap détaillée de ce qui est attendu des nouveaux arrivants, et ainsi coordonner en amont les différentes sessions de formation.

À noter que cette montée en compétences est parfois lourde en termes d’organisation, il est donc nécessaire de mutualiser ce training au maximum. Créer des promotions de nouveaux arrivants permet de renforcer le sentiment d’appartenance des nouveaux arrivants tout en optimisant au mieux le temps que prend l’onboarding. Il est important de noter que le transfert de compétences est un investissement en temps conséquent mais qui est bénéfique sur le temps long pour la résilience de votre équipe.

4. Le carnet de bord

Tous les nouveaux arrivants sont invités à prendre du recul sur leurs apprentissages au sein de l’équipe. Pour structurer ces apprentissages, nous avons également emprunté à Dorothy A. Leonard dans son ouvrage Critical Knowledge Transfer, la technique du carnet de bord.

Chaque arrivant tient un petit carnet avec 3 colonnes :

  • Factuellement, qu’est-ce que j’ai observé dans le meeting X ?

  • Analyse de ce qui s’est passé dans ce meeting

  • Qu’est-ce que ce meeting m’a appris ?

Ce travail d’analyse permet aux nouveaux arrivants de prendre du recul sur ce qu’ils apprennent de façon itérative et incrémentale. Ce carnet alimente par ailleurs d'éventuelles discussions avec les parrains/marraines des nouveaux arrivants.

5. Parrainage/marrainage

Au-delà des personnes de l’équipe plus seniors qui auront libéré du temps dans leurs agendas respectifs pour dispenser les formations auprès des nouveaux membres de l’équipe, nous vous recommandons également de faire en sorte que le nouvel arrivant au sein de votre équipe puisse identifier un parrain ou une marraine.

Ce parrain ou cette marraine libérera du temps sur une période de 2 à 3 mois afin d'échanger régulièrement avec la nouvelle recrue, la guidera, répondra à ses questions diverses. La posture du parrain/marraine est vraiment celle d’un mentor, qui va guider la personne.

A ce sujet, il nous paraît d’ailleurs important de souligner que c’est bien au nouvel arrivant de choisir son parrain ou sa marraine. C’est en effet souvent lors d’échanges informels que le nouveau membre de l’équipe peut plus facilement aborder certaines difficultés d’apprentissage.

6. Sessions théoriques

La matrice de compétences à développer au sein de l’équipe nous permet de découper les différentes sessions théoriques que les nouveaux arrivants doivent suivre afin d’être autonomes. Ces sessions théoriques sont communiquées sous la forme d’une roadmap aux nouveaux arrivants. Cela permet de donner à tous et toutes un maximum de transparence.

Nous avons testé plusieurs formats avec des résultats divers et variés. Un modèle qui fonctionne plutôt bien est de dispenser des sessions théoriques d’une heure tous les matins de la semaine avant que la journée ne se remplisse trop.

Pour que les sessions théoriques soient le plus apprenantes pour les nouveaux arrivants au sein de l’équipe, nous insistons sur le fait que les éléments théoriques soient truffés d’histoires vraies qui sont arrivées aux membres de l’équipe. En effet, comme évoqué dans cet article d’Harvard Business Review, les histoires permettent d'accroître la rétention de concepts/apprentissages dans notre esprit. Si vous souhaitez renforcer vos compétences de storyteller, nous vous invitons à découvrir cette formation.

7. Sessions pratiques

Avant chaque fin de journée (1 heure avant), les formateurs dédiés au sein de l’équipe permettent aux nouveaux arrivants de mettre en application ce qu’ils ont appris en théorie le matin. Cette session pratique peut prendre une forme très différente en fonction de la mission de votre équipe.

Voici quelques exemples de session pratique :

  • Faciliter un “faux atelier ou rituel”

  • Résoudre un bug sur un bout de code

Nous avons observé que la proximité entre session théorique et pratique sur la même journée stimule l’apprentissage et la rétention de nouveaux concepts chez les nouveaux membres de l’équipe.

Cette stimulation permet également aux formateurs de vérifier comment sont intégrés les éléments théoriques présentés plus tôt dans la journée et de renforcer certains messages clés, voire même d’adapter la manière dont sont structurées les sessions théoriques et pratiques. Cette adaptation permet d’accroître le plus rapidement possible la courbe d’apprentissage chez les nouveaux membres de l’équipe.

Pour ancrer les apprentissages, il est utile de mettre en place un protocole de débrief d'une session de pratique. Notre proposition est d'interroger la personne qui pratiquait en lui posant l'une après l'autre les 3 questions suivantes :

- Comment t'es-tu senti ?

- Qu'as-tu bien fait ?

- Si c'était à refaire, que ferais-tu différemment ?

Puis nous passons à un feedback de la part des autres participants de la session, dont le ou les formateur(s).

Une phrase que nous répétons souvent lors de ces sessions est “practice makes perfect”.

En effet, il est particulièrement important durant cette phase de rappeler le droit à l'erreur. Les sessions de pratique ont pour but de pouvoir s'exercer dans un cadre sécurisé. On ne s'attend pas à ce qu'une personne qui pratique quelque chose pour la première fois le fasse aussi bien que quelqu'un qui le fait depuis des années.

8. Stimuler la notion de “promotion” au sein de votre équipe

Comme évoqué précédemment, il est plus efficace d’accueillir plusieurs personnes en même temps au sein de votre équipe, afin d’optimiser le temps des experts mobilisés sur la formation de nouveaux arrivants.

Dans l’optique de renforcer la cohésion au sein de la nouvelle promotion d’arrivants parmi votre équipe, vous pouvez également inviter les membres de la promotion à centraliser leurs apprentissages sur un espace collaboratif commun de type miro ou mural par exemple.

Ils peuvent également enrichir leurs apprentissages directement en complément des supports de formation qui sont dispensés par les experts. Il existe de nombreuses façons de le faire, mais nous vous conseillons qu’un membre au sein de la nouvelle promotion soit responsable d’enrichir les supports de commentaires ou nouvelles références.

En fonction du contexte, de la criticité du savoir, et du sujet, vous pouvez également organiser des comités de relecture avec toute l’équipe pour mettre à jour la documentation recensant le savoir de l’équipe.

Avec cette invitation, l’idée sous-jacente est que le savoir de l’équipe est un bien commun qui appartient aussi aux nouveaux membres de l’équipe.

Le dispositif d’onboarding des nouveaux recrutés incarné par l’OCTO Skool présente un condensé de ces pratiques.

9. Shadowing

Un autre levier très puissant permettant d'accroître la courbe d’apprentissage est de plonger les nouveaux arrivants “sur le terrain” tout en garantissant une certaine progressivité. Pour ce faire, rien de tel que du shadowing.

Le shadowing permet à l’apprenant d’observer l’un des membres de l’équipe et de le voir réaliser sa mission ou ses tâches in situ, sur le terrain. Cependant, une observation structurée est un vrai travail de la part de l’apprenant et du membre dit “expert” de l’équipe.

Nous avons observé que deux actions sont essentielles pour accroître la courbe d’apprentissage pour le nouvel apprenant.

Travail de préparation en amont

L’apprenant et l’expert doivent se réunir avant une intervention spécifique. L’expert doit réussir à verbaliser plusieurs choses : “Quelle est mon intention ?” ; “Je serai heureux à la fin de l’intervention si X arrive.” ; “Voici les questions clés auxquelles je vais devoir obtenir une réponse.”

Par ailleurs, il est à noter qu'avoir de la clarté sur ces éléments est toujours utile, hors du cadre du shadowing également : inviter le nouvel arrivant à les avoir en tête avant toute intervention (seul ou à plusieurs) est utile, et le poser systématiquement constitue une bonne pratique. Un ouvrage très inspirant qui met notamment en avant les bienfaits d’expliciter ses intentions est le livre de David Marquet :  Turn the Ship Around, a True Story of turning followers into Leaders.

Travail a posteriori

L’expert peut également prendre un temps a posteriori pour débriefer avec le nouveau membre de l’équipe en lui posant une série de questions : “Qu’as-tu observé ?” ; “Qu'as-tu apprécié ?” ; “Qu’est-ce qui t’a surpris par rapport à ta formation ?”

C’est aussi l’occasion pour l’expert de repartir de son intention et de mesurer comment s’est passée sa propre intervention. Qu’est-ce qui a bien fonctionné ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné comme il le souhaitait ? Comment s’est-il adapté ? Qu’est-ce qu’il ferait différemment si c’était à refaire ?

Le carnet de bord de l’apprenant est particulièrement utile pour alimenter et garder une trace écrite des éléments clés de l'échange.

10. “Fresh eyes” : le rapport d'étonnement

Au bout d’un certain temps, un mois par exemple, nous invitons les nouveaux membres de l’équipe à apporter un regard neuf sur leur intégration au sein de l’équipe. Ce rapport d'étonnement doit être libre tant sur son contenu que son format.

Ce rapport d'étonnement permet aux nouveaux arrivants de parler ouvertement aux autres membres de l’équipe de ce qu’ils ont apprécié et moins apprécié dans leur onboarding. C’est aussi l’occasion pour le nouvel arrivant de challenger certaines pratiques mises en place par l’équipe. L’idée sous-jacente est de permettre une discussion ouverte et constructive pour travailler encore mieux ensemble afin d'accroître in fine, la résilience du collectif.

11. Début d’autonomie

Lorsque l’expert et le nouvel arrivant estiment mutuellement que ce dernier est prêt pour aller sur le terrain, l’équipe peut commencer à alimenter le nouveau membre de l’équipe de missions, tâches et interventions où un expert peut progressivement basculer sur un rôle de support. L’essentiel est de rendre autonome le nouveau membre de l’équipe, d’y aller progressivement et d’augmenter la complexité des sujets au fur et à mesure du temps. La phrase qui revient souvent dans cette phase d’autonomie est “trust yourself and trust your training”.

Progressivement, les nouveaux membres de l’équipe pourront commencer à enrichir, compléter ou explorer de nouveaux terrains de transfert de compétences qui n’avaient pas encore été défrichés.

12. Boucler la boucle - Les élèves d’hier deviennent les experts et formateurs de demain

Les élèves d’hier peuvent tout à fait devenir les experts et formateurs de demain. Inviter les membres les plus récemment arrivés au sein de l’équipe à être formateurs pour une éventuelle nouvelle promotion de nouveaux arrivants est un excellent moyen de renforcer encore plus les apprentissages qu’ils ont pu acquérir ces derniers mois ou années.

Cela permet de boucler la boucle, et de perpétuer un cercle vertueux d’apprentissage collectif, afin de renforcer le transfert de compétences entre les membres de l’équipe, ainsi que la résilience de cette dernière dans sa globalité.

Conclusion : À vous de jouer !

Et vous ? Comment assurez-vous la résilience de votre équipe ? Comment vous y prenez-vous pour disséminer du savoir, une expertise au sein de votre équipe ? Quels rituels mettez-vous en place ? Comment mesurez-vous l’impact de votre transfert de compétences ? Qu’avez-vous envie d’essayer dès demain ?

Nous serions ravis de découvrir vos réponses en commentaire !

Références :