rapport Accelerate sur les indicateurs tech de Dora (programme de Google Cloud) est pourtant clair. Les champions du digital ont développé des systèmes techniques très évolutifs et performants, les 27 capacités à mettre en œuvre sont parfaitement décrites, il suffit de les appliquer, et pourtant la réciproque ne semble pas fonctionner.
Suffit-il d’être un champion technologique pour réussir son business digital ? probablement pas.
La mutation digitale a été jusqu’à aujourd’hui principalement vue comme une évolution des processus et de l’organisation, nous pouvons citer la mise en œuvre de : scrum, modèle spotify, PI Planning, Team Topology, Digital Factory…
L’alignement promis entre stratégie et exécution serait censé se trouver dans des solutions techniques et organisationnelles, des outils… permettant de relier directement les ambitions digitales de l’entreprise et la tâche quotidienne du développeur; mais l’apprentissage nous montre que même si l’alignement par l’outil est atteint, il répond peu à la question de la valeur et de la satisfaction du business et des clients.
Alors à quoi ressemble un alignement réussi ? Pour l’avoir vécu, nous pouvons affirmer qu’il s’incarne dans des moments d’échange où des décideurs et des sachants légitimes sur leur expertise partagent des points de vue factuels en lien avec l’atteinte d’un objectif commun.
Le digital en contact direct avec la stratégie de l'entreprise ou mettre la technologie à la table des grands
Ferrari F1 est pour nous une très bonne illustration de l’alignement vertical autour d’un but commun : l’objectif annuel de Ferrari est de remporter le championnat de formule 1, pour cela une voiture est conçue, elle est bardée de capteurs et à chaque course, la voiture collecte une énorme quantité d’informations qui ne demandent qu’à être utilisées. Le Time To Market de Ferrari F1 est logiquement le temps entre deux courses, chaque évolution de la voiture doit probablement être mise en œuvre dans un temps inférieur à cette période afin de pouvoir en tirer tous les bénéfices et justifier les investissements humains et financiers.
Dans ce sens, un modèle opérationnel doit être adapté, il devra : connecter en temps réel la voiture en course (et les experts sur le terrain) avec les experts dans l’usine, permettre la construction très rapide d’évolutions de la voiture et de fournir une qualité d’information et d’expertise suffisamment élevée pour permettre la décision dans un délai très court (le TTM). L’ensemble de l’équipe a besoin d’avoir de la visibilité sur les décisions prises et les évolutions apportées à la voiture afin d’ajuster leur comportement pour pleinement profiter lors de la prochaine course et d’apporter leurs feedbacks pour les futures évolutions.
Quel serait pour Ferrari F1, le sens d’une planification trimestrielle ? la vertue d’un modèle budgétaire annuel ? le silotage d’équipes par domaine technique ou métier ? probablement aucun - et d’ailleurs compte tenu de la clarté de l’objectif à atteindre et du délai d’entre courses, cela ne viendrait à l’idée de personne - c’est cette évidence que nous vous proposons de trouver dans votre organisation.
Comme nous le voyons sur l’illustration ci-contre, le business digital prend sa place dans l’organisation, il pousse les frontières et redéfinit la façon dont toutes les parties interagissent et coopèrent au service d’un objectif commun. Nous l’avons vu, quel sens pour Ferrari de collecter en temps réel des giga de données dans leurs voitures pour ne décider de leur usage que tous les trois mois et sans l’avis des utilisateurs principaux, leurs conducteurs ! La clé pour libérer la valeur de ces informations c’est de placer directement la capacité de décider (gouvernance) au cœur même du processus de création de valeur. Les modèles opérationnels classiques ont, pour des raisons de stabilité et de rentabilité, cherché à donner de la hauteur à la décision en la positionnant au sommet de la chaîne hiérarchique et sur la base d’informations consolidées.
Mais dans le cadre d’un business digital, ils possèdent trois inconvénients majeurs :
Ils sont trop lents et rarement alignés avec le TTM
Ils sont structurellement conçus dans le paradigme “surveiller que tout se passe comme prévu” et sont en difficultés face à l’incertitude et son lot d’opportunités inattendues
La qualité de l’information est discutable et souvent biaisée car elle ne parvient pas directement des équipes
Prenons exemple de cette Digital Factory chargée d’améliorer l'efficacité opérationnelle d’un grand groupe industriel; Cette nouvelle entité a mis en œuvre toutes les meilleures pratiques Agile (approche produit, design d'expérience, automatisation, data, documentation, plateforme…) et a cherché à créer les meilleures relations possibles de collaboration avec ses partenaires internes (métier, DSI, run…) et sur ces dimensions de processus c’est un succès - mais sur la valeur ajoutée finale, son modèle opérationnel classique a poussé à regarder le déploiement et le run sous un prisme d’activités à faible valeur ajoutée dont il faut unilatéralement maîtriser le coût. Résultat, la valeur que le processus permet de véritablement créer auprès des premiers utilisateurs a du mal à passer à l’échelle; Le modèle limite d’un côté ce qu’il a permis de générer de l’autre, il doit donc évoluer.
Les transformations agiles/digitales ont quasiment toutes oeuvré sur la dimension du processus et c’est une très bonne chose, mais face à un futur incertain et un business digital en profonde mutation l’efficacité du processus de fabrication n’est plus suffisante, il faut aller plus loin, accepter qu’il n’est pas possible de tout prévoir et adopter un modèle opérationnel qui place la gouvernance au coeur même du processus de création de valeur en alignant en continu résultat, promesse et investissement.
Décomposition du budget dans les deux modèles : build & run et investissement
Nous faisons le constat que toutes les entreprises abordent différemment le sujet du modèle opérationnel et les éléments vecteurs de succès chez les uns ne se retrouvent pas forcément chez les autres, il est donc difficile et vain de chercher à trouver la recette secrète qui s’appliquerait partout, le fameux modèle…, mais il est possible de détourer des grands principes qui devraient pouvoir inspirer la réflexion et c’est ce que nous avons fait en piochant dans nos meilleures expériences :
Le premier principe est sans doute le plus important : La table de gouvernance qui réunit un collectif autour d’un objectif commun (North Star Panel), quand le collectif se rassemble, il possède déjà toutes les informations qui vont être nécessaires à la décision, ce que cherche la gouvernance c’est le meilleur compromis pour satisfaire des enjeux apparemment contradictoires comme : satisfaire l’objectif court terme + maximiser l’interopérabilité de la plateforme + développer les expertises, et pour cela la table de gouvernance s’équipe d’outils comme des dashboard de suivi de performance, d’un cycle de vie des produits normalisés, de responsabilités claires et non discutés et d’un cadre de financement qui cherche le résultat plus que le plan.
Deuxième principe : La gouvernance est orientée vers l’investissement (Value Staffing), l’expression principale de la décision se trouve dans le choix et l’orientation des dispositifs humains à mobiliser pour atteindre les objectifs, ex. Des experts très seniors, pour craquer rapidement un sujet incertain - Une grande équipe pour assurer le déploiement d’une solution en prenant en compte un maximum de feedbacks et assurer la montée en compétence et la résilience - Un leader informé et convaincant pour manager la croissance d’un produit digital… la qualité de la relation entre gouvernance et équipe est essentielle à l’atteinte des objectifs.
Troisième principe : les expertises clés sont incarnées et valorisées dans des Studios, quittons le monde du TJM unique, de l’absence d’échelle de séniorité et de perspectives de carrière et bienvenu dans un monde attractif, où les savoir-faire sont le résultat d’une capitalisation progressive, où les juniors apprennent, où les seniors sont reconnus et contribuent à la prise de décision et où l’entreprise se dote progressivement de capacités spécifiques et différenciantes qui lui permettent de garder un train d’avance sur ses concurrents.
Quatrième principe : l'interopérabilité du SI au coeur des préoccupations (Platform Thinking), vu comme une plateforme de services résilients, scalables et évolutifs, le SI quitte ses étiquettes “legacy” et “run” pour devenir un partenaire clé de la stratégie, son état de santé est suivi de prêt par des indicateurs factuels. Les innovations portées au sein des équipes sont capitalisées pour faire émerger des outils qui simplifient, normalisent et accélèrent les activités les plus courantes, des biens communs au service de tous.
Cinquième principe : accompagner le développement des produits avec une approche standard, le mode projet a pour habitude de considérer que chaque projet est spécifique et qu’il doit donc être cadré en regard de ses spécificités, dans le monde de la création de valeur digital il s’avère que le cycle de vie qui mène au succès est en général relativement standard, il se compose de phases successives avec des critères attendus. La gouvernance évalue la capacité du produit et de l’équipe à rentrer dans ces attendus et pas le contraire, c’est ce mécanisme qui crée l’engagement, l'innovation et in fine la création de valeur.
Les 5 principes du modèle opérationnel d'un business digital
Dans notre esprit, le business digital dont il est question dans l’article est le sous-ensemble de votre l’entreprise qui supporte un modèle d'affaires dans lequel le digital génère du chiffre d'affaires.
Il peut exister plusieurs business digital au sein de votre entreprise : par exemple : Vente en ligne, location en ligne, seconde main, etc.
Un business digital comprend et/ou traverse des systèmes d’informations, des organisations et des processus et s’appuie sur un système d’information mettant en œuvre des systèmes “historiques” (legacy), des frontaux digitaux et des partenaires externes.
Le business digital, ce n’est pas que l’IT, ce n’est pas tout l’IT mais un espace qui doit être dessiné avec discernement dans votre organisation en y intégrant les contributeurs clés de votre stratégie. C’est une nouvelle étape dans la transition vers le business digital et bien que cela puisse sembler difficile, notre expérience nous prouve qu’elle s’apparente plus au saut quantique qui peut se produire rapidement qu’à une lente transformation de la culture et des pratiques.
Nous vous partageons ici le verbatim d‘un manager d’une usine du secteur de l’énergie qui a un jour découvert que le modèle avait changé : “J’avais déjà joué le rôle de PO et je pensais que nous allions avoir un long effet tunnel de deux semaines avec des démos et puis des comités mensuels et finalement peu de résultats tangibles et ce que j’ai vécu c’est des évolutions quotidiennes, la possibilité tous les matins de partager nos feedbacks sur l’usage et les impacts métier, de décider d’évolutions et de voir les mises en production l’après-midi même, cette façon d’opérer complètement alignée avec les usages de l’usine est le facteur clé qui a permis d’en faire un succès d’adoption et de rentabilité”