Charlie et la Digital Factory – Compte-rendu du petit-déjeuner OCTO du 12 avril 2018
La Digital Factory s’impose bien souvent comme une réponse pré-packagée à la crise d’inventivité à laquelle font face les entreprises qui veulent exécuter leur stratégie digitale...
La tentation est grande de voir la Digital Factory comme l'instrument magique de la transformation digitale, ce qu’elle n’est évidemment pas, bien qu’elle y contribue..
Découvrons donc, comme les gagnants de la loterie de Willy Wonka, l'envers du décor d'une Digital Factory, vue par OCTO, et son ambition :
Transformer des gens et des idées en entrée pour obtenir, en sortie,
des équipes et des produits qui déchirent.
À l’instar du générique de Charlie et la Chocolaterie, le rêve pourrait être une “Factory sans (ouvriers) développeurs”.
Mais la réalité nous le montre, face aux enjeux d’une transformation digitale, placée au premier plan, on ne peut pas faire sans des compétences humaines et techniques qui “ne suivent souvent pas”.
Nous pensons “There is a better way”.
Cette situation est le résultat de trois causes profondes qu’il faut parvenir à dépasser. Ces trois causes profondes sont :
- Un silotage des organisations : les études d’un côté, la production de l’autre, les difficultés de collaboration, etc., freinent les initiatives transverses censées apporter de la valeur.
- Un désengagement de la technologie : “pisser des lignes de codes” n’est plus possible. Vous devez maîtriser la technologie. On assiste à une véritable pénurie de ressources internes, notamment au niveau du développement informatique ! Cela traduit un réel appauvrissement des compétences techniques en interne.
- Une faible maîtrise de la donnée : devenue fondamentale à l’heure du multi-canal, nous observons que certaines entreprises ont malheureusement très peu investi sur la maîtrise de leurs données.
Posez-vous ces questions au regard de cet état de fait et ce, avant d’entamer une démarche de Digital Factory qui demandera à l’ensemble des acteurs de se mobiliser et de penser autrement.
Bref réfléchissons à l’épistémologie d’une Digital Factory !
Ce petit déjeuner propose d’aborder les enjeux d’une Digital Factory sous les angles suivants:
- Pourquoi créer ou rebooter sa Digital Factory? (votre Why)
- Quels sont les ingrédients d’une Digital Factory by OCTO ? (votre What)
- Quel socle de compétences, quel processus, quel financement construire ? (votre How)
- Comment la Cnam a mis au point sa Digital Factory ?
- Comment Charlie et la Chocolaterie nous enseigne les pièges à éviter ?
> 01. Pourquoi créer ou rebooter sa Digital Factory ?
En guise de préambule, nous vous partageons le résultat d’un sondage réalisé en direct parmi les participants de ce petit déjeuner :
La Digital Factory dans votre organisation ?
- TODO : 16 %
- En cours : 43 %
- C’est fait : 35 %
- Pas dans nos priorités : 6%
Comment ça se passe la Digital Factory chez vous ?
TOP : 20%
Bien : 43 %
BOF : 28 %
Dur : 9%
Ces résultats recouvrent une très grande disparité de perceptions tout autant que de définitions propres à cet asset qu’on appelle “Digital Factory”.
En préambule, nous définissons la Digital Factory comme une entité agile et collaborative destinée à concevoir, réaliser et mettre régulièrement sur le marché de nouveaux produits et services digitaux.
3 questions stratégiques :
- “Comment s’assurer du succès de nos produits ?”
- “Comment aller plus vite sur le Digital et réduire le TTM ?”
- “Comment changer de culture, accélérer la prise de décision et mieux travailler ensemble ?”
Ces besoins peuvent se cartographier de la façon suivante :
Mais comment répondre à ces besoins ?
Votre point de départ sera toujours votre stratégie, afin de savoir où porter la focale.
- Le besoin d’innover (i.e. identifier de nouveaux produits et marchés) est généralement incarné par un lab (Tech or UX Trends, Learning experiences, aller chercher l’exploration) et une démarche spécifique rappelée lors d’un précédent Petit Déjeuner OCTO A la recherche de l'innovation perdue.
- Le besoin d’accélérer (ie délivrer plus vite des produits et services de meilleure qualité) à travers l’incubation, la réalisation de MVP ou Proof of concept, afin de tester un marché potentiel et une nouvelle manière de faire.
- Le besoin de transformer (ie être en mesure de s’adapter plus rapidement aux changements) qui représente la nécessité de passer à l’échelle en mobilisant et transformant en profondeur l’ensemble des ressources de l’entreprise, tout en conservant l’agilité acquise en 2.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que les caractéristiques d’une Digital Factory la situe autour de la phase d’accélération comme un relais pérenne entre l’exploration et le passage à l’échelle au sein de l’entreprise. Le critère de succès de ce passage à l’échelle est la généralisation de ses caractéristiques culturelles, humaines et techniques.
Nous allons nous focaliser sur cette phase intermédiaire d’accélération qui fait de la Digital Factory un catalyseur, véritable point de référence avant de passer le relais pour une phase de transformation majeure de l’entreprise.
Comme nous l’avons dit, l’ambition d’une Digital Factory réside dans sa capacité à prendre durablement :
- En entrée, des idées et des personnes…
- … pour fabriquer en sortie ...
- … des produits, des services et … des équipes.
L’enjeu majeur adressé par une Digital Factory est l’accélération, pour diminuer le TTM (Time-to-market)
En outre, c’est vivre une expérience et constituer une équipe qui va travailler à l’unisson, et plus encore… qui va “déchirer”.
>02. Quels sont les ingrédients d’une Digital Factory by OCTO ?
Pour rendre possible une Digital Factory****, trois piliers principaux sont à retenir :
- Digital as a Product
- Product & Teams
- Technology & Learning
Nous mettons l’accent sur le premier point, afin de concevoir et construire une Digital Factory comme un produit en nous inspirant d’un modèle Lean Startup (itérations, feedback …) :
“Faites comme si vous construisiez un MVP”, “Adoptez une méthode itérative et incrémentale pour améliorer l’expérience client”, “jetez vite les bases pour avoir les premiers résultats rapidement”.
Les 4 ingrédients pour un produit réussi sont :
- Une vision claire : délimiter le périmètre de la Digital Factory et ses missions, incarner les valeurs du digital (droit à l’erreur, partage, collaboration, démarche d’apprentissage permanent…), être ouvert sur un écosystème élargi (pouvoir / savoir travailler avec les “meilleurs”), bénéficier d’un sponsorship au plus haut niveau exécutif.
Vous fabriquerez ainsi l’entité et les produits en un même temps. En mettant en mouvement la transformation des processus et des systèmes dans les entités (métier et IT), vous deviendrez le pivot de la transformation digitale
- Les talents : choisir et former les personnes co-responsables d’un produit qui vont se réapproprier la technique, tout en effaçant les frontières Métier/SI et internes/externes.
Vous regagnerez ainsi la capacité à faire (“expérience collaborative de doers”) au sein de l'entreprise avec des équipes pluridisciplinaires, ouvertes d’esprit, capables de sortir de leur zone de confort et co-localisées dans la mesure du possible.
- Des méthodologies : s’adapter continuellement, faire évoluer en permanence un produit orienté utilisateur, priorisé par la valeur. Adopter une culture de Test & Learn et Fail Fast en assouplissant un certain nombre de contraintes habituelles.
En résumé, créer une vraie zone franche et se donner du temps.
Vous serez ainsi en mesure de prendre des décisions rapides, de gagner en efficacité et d’accélérer la mise sur le marché par des boucles de feedbacks régulières.
- Un socle technique flexible : garantir des cycles de développement plus courts, une livraison continue et de qualité. Tout ceci grâce à une Plateforme type cloud « as a service» et une usine de développement permettant du CI/CD (Continuous integration / Continuous deployment) avec du provisionnement automatique, dans une logique Infra as code.
Une fois identifiés et mis en commun, il convient d’agencer ces ingrédients de manière opportune dans l’espace et dans le temps pour réussir sa propre recette d’un produit qui déchire.
Cela demande du doigté et une gestion appropriée, résumée chez OCTO par un cycle de vie de la Digital Factory en 3 étapes :
- Création
- Consolidation
- Passage à l’échelle
Cette approche laisse la possibilité de “pivoter” et “d’engager” de manière incrémentale à chaque transition grâce aux feedbacks utilisateurs/clients/équipe/sponsors.
> 03. Quel socle de compétences, quel processus, quel financement construire ?
Nous vous proposons d’illustrer ces 3 étapes du cycle de vie allant de la création au passage à l’échelle à travers une tactique de gestion des capacités de la Digital Factory.
À l’image d’une équipe de football, appuyez-vous sur une équipe soudée et mobile :
Le sponsorship, la vision et la gouvernance sont placés en ligne de défense de la stratégie de la Digital Factory. Puis, en ligne d’attaque le financement, les talents et la plateforme technique pour concrétiser les premiers résultats.
Imaginez la zone de défense comme celle qui a le plus d’adhérence avec le reste de l’organisation, celle qui est le plus soumise à ses contraintes. Il est important d’avoir une interface forte pour protéger votre Digital Factory, c’est le rôle du sponsor ou du manager de la factory, positionné en gardien de but.
A l’avant, se situe une zone ou la Digital Factory peut agir avec le maximum d’autonomie. Au milieu, un bon liant entre la Digital Factory et des compétences et des ressources périphériques (entreprise, écosystème) est indispensable pour réussir.
Selon les étapes du cycle de vie, d’autres éléments, à l’origine sur le banc de touche, vont rentrer sur le terrain, comme la sécurité ou l’architecture d’entreprise. Mais attention, c’est bien en tant qu’acteurs, et non comme spectateurs, qu’ils vont jouer la partition de l’équipe.
- Création - Phase de rodage, initiation :
- Cadrage 360° co-construit avec les porteurs/sponsors
- Choix des 2 premiers produits (simples pour optimiser les chances de réussir ou d’apprendre de manière incrémentale)
- Mise en place rapide des pratiques devOps
> Créer 1 ou 2 MVP et avoir un retour d’expérience sur le fonctionnement du socle
2. Consolidation - Ajustement du modèle et de la gouvernance :
- 2 à 4 nouveaux produits dont l’un qui se veut plus stratégique que l’autre
- L’accélération sur la formation aux méthodologies de projet pour faire monter en compétence les équipes
- Un lien avec le SI de l’entreprise pour valider une première intégration (ex : données clients)
Viser la mise en production de 3 à 6 MVP et un socle sécurisé qui peut capitaliser sur l’expérience métier
3. Passage à l’échelle - Montée en capacité, gestion du cycle de vie des produits :
- Faire grandir la Digital Factory
- Développer une offre de services au catalogue, industrialiser la capacité d’intégration au legacy en intelligence avec les architectes d’entreprise
- Accompagner la sortie des produits de la Digital Factory vers le reste de l’organisation
- S’assurer que la Digital Factory fonctionne de manière autonome, qu’elle maîtrise le cycle de vie des produits et qu’elle accompagne les collaborateurs dans cette trajectoire.
> Devenir un centre de compétences et/ou de référence au service de l’entreprise.
Attention, il n’existe pas de recette magique. Chaque projet de déploiement de Digital Factory implique des risques.
Voici 4 destins possibles - plus ou moins heureux. Il est important d’avoir conscience de la trajectoire possible quand on initie la démarche et quand on révise régulièrement la stratégie.
> 04. Comment la Cnam a mis au point sa Digital Factory ?
Nous vous proposons de découvrir le retour d’expérience de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) qui a créé, avec notre aide et sous l’égide de sa DSI, une “Filière Digital”.
Les objectifs de la démarche de création de cette Digital Factory ont été de :
- Réduire le Time To Market : 18 mois en moyenne pour la création de nouveaux services numériques. Nous avons agi sur le temps consommé dans la création des environnements, les déploiements et la phase de recette.
- Améliorer l'alignement entre le problème et la solution : réduction du nombre d’acteurs autour de la construction des produits.
- Expérimenter des nouvelles technologies : apprendre et les scaler dans l’organisation
OCTO a été mandatée pour aider à définir la “Filière Digital” avec une vision, une cible et un modèle opératoire. Nous avons également aider à expérimenter dans des conditions réelles la construction d'un produit en agile sur une plateforme type cloud.
Notre réponse :
Construire cette nouvelle entité comme un produit digital de manière itérative et incrémentale.
Le processus de création de la “Filière Digital” :
La démarche et l’histoire :
Au moment de la création de la “Filière Digital”, nous n’aurions pas pu imaginer les difficultés et les succès que nous avons rencontrés. La réussite de son introduction dans l'écosystème de l'Assurance Maladie a été rendue possible grâce à une démarche itérative et incrémentale d'Expérimentation -> Construction -> Consolidation et expansion.
Avec, à chaque fois, un point d'étape pour évaluer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, pour adapter le modèle.
Etape 0 : Cadrage et expérimentation
Notre premier challenge a été de prouver qu’une organisation de “type produit” peut fonctionner dans le contexte réel de l'Assurance Maladie. Cependant, certaines personnes ont eu du mal à voir ce que la “Filière Digital” pouvait apporter. Nous avons donc fait face à un scepticisme et une incompréhension de la part de l’équipe.
La phase d’expérimentation est primordiale pour montrer des résultats concrets et pas seulement des idées et des ambitions.
Il faut protéger cette organisation naissante par un bon casting, une équipe dédiée avec le métier en son sein, et un accompagnement par un cabinet de Conseil expert qui puisse aider à faire et pas à “faire faire”.
Cette notion de “apprendre à faire et non pas à faire faire”, poussée par OCTO, a été un point important dans la transformation culturelle.
Lors de cette étape, il faut cadrer l'ensemble des éléments nécessaires pour le fonctionnement d'une entité digitale (cf. 03. Quel socle de compétences, quel processus, quel financement construire ?).
Etape 1 : La construction et la mise en place du modèle
- Apprendre en faisant, montrer les résultats, être très vigilant sur la qualité des produits construits afin d'attirer des nouvelles lignes métier, et développer des produits de plus en plus stratégiques.
- Savoir communiquer le positionnement : la “Filière Digital” n'a pas pour ambition de définir la stratégie Métier. Elle est un facilitateur pour la réaliser. “On ne va pas sur le périmètre de la stratégie”.
Etape 2 : Consolidation et expansion
Lors cette étape de passage à l’échelle, la “Filière Digital”qui s’est rapprochée du legacy a aussi été victime de son succès avec quelques revers :
- “Grossir c’est compliqué, parce que les ressources sont compliquées à sourcer”
- Le rapprochement avec le legacy a doublé le temps de fabrication
- Gérer une plateforme en top niveau et décliner des services tout en gérant de la dette.
Il ne faut donc pas hésiter à repenser le modèle et à se “reprocesser” !
L’organisation est alors en mesure d'être un vecteur de transformation dans l'ensemble de l'entreprise. Elle est désormais reconnue en interne comme référente et accompagnatrice sur l’agile et les technologies de containerisation et de fabrication logicielle.
Take away!
En conclusion, ce que vous devez retenir de l'expérience de la Cnam :
- Oeuvrez ensemble ! En choisissant le bon Sponsor, en réunissant les parties prenantes (Direction, métier et DSI) et en évitant de créer un silo organisationnel.
- Ayez une vision claire et partagée en construisant votre mission avec les parties prenantes. Ne perdez pas de vue vos valeurs. Faites valoir votre positionnement.
- Chaque année, prenez du recul ! Faites une rétrospective pour identifier ce qui marche et ce qui ne marche pas et itérer sur le modèle.
- Ouvrez-vous ! Ne recréez pas des “tours d'ivoire”. L'entité doit rester ouverte pour que les collaborateurs puissent y transiter et participer.
>05. Comment Charlie et la Chocolaterie nous enseigne les pièges à éviter ?
Si vous êtes des amateurs de Charlie et la Chocolaterie, ces 7 situations vont vous parler. Pour les moins connaisseurs, courez le revoir...
Les 7 pièges mortels de la Digital Factory et nos conseils pour les éviter :
Tout comme Veruca Salt (petite enfant gâtée qui demande à son père de faire avancer le temps) “Penser que dans une Digital Factory tout s’achète dans l’instant”.
****Prenez le temps. Votre Digital Factory n’est pas une usine parfaite. C’est un atelier.
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Faire comme Willy Wonka et “Être rigide et dogmatique dans les méthodes de travail”
Construisez l’agilité et les méthodes de travail qui vous correspondent.
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Comme Augustus Gloop (le gourmand de la bande) “En demander toujours plus. Surcharger la Digital Factory jusqu'à saturation”
****Sachez dire « non » au flot de demandes pour garder une capacité à faire vite et bien (on ne rogne pas sur la qualité, on ne met pas une pression énorme sur les équipes).
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À l’instar du chewing-gum : soupe à la tomate, rosbeef, et tarte aux myrtilles, “Développer des produits dont personne ne veut”
****Mettez les utilisateurs au centre de la démarche dès le début et identifiez leurs besoins et leurs douleurs.
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À l’image des Oompa Loompas, tous identiques dans le film de Tim Burton: “S’entourer de clones”
Cultivez la différence à l’intérieur de la Factory, tant au niveau des compétences que des traits culturels.
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“Transformer la Digital Factory en un parc d’attractions”
****Laissez vos équipes travailler sur leurs produits et services dans le calme. Elles ont des produits et des services à réaliser.
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À l’image de l’ascenseur de verre qui jaillit de la chocolaterie et s’élève, s’élève…puis retombe dans le vide, “Ne pas assurer la pérennité des produits initiés dans la factory”
Impliquez au plus tôt les parties prenantes et organisez avec elles la sortie des produits et services de la Digital Factory.
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