Blockchain, confiance et coopération
Quand on réfléchit aux usages potentiels de la Blockchain, on a (trop) souvent tendance à se limiter à une transposition de Bitcoin. Pourtant, les opportunités créées par la Blockchain sont beaucoup plus larges: il s’agit de disposer d’un outil visant à porter le consensus, voire la confiance au sein d’une organisation.
Souvenez-vous : à l’été 2007, la crise des subprimes explose et déclenche toute une série de scandales financiers dont certains alimentent encore nos journaux : affaire Société Générale / Jérôme Kerviel, affaire Madoff, évasion fiscale des clients UBS, faillite de Lehman Brothers… Les effets sur l’économie mondiale sont dramatiques : toutes les places boursières boivent la tasse. Dans le même temps, une nouvelle proposition de valeur émerge : celle de Satoshi Nakamoto qui dans son papier “Bitcoin : a peer-to-peer cash system” (disponible en français sur ce site) décrit une monnaie dématérialisée fonctionnant sans argent, sans état et sans banque. Au milieu de ce contexte chaotique, cette vision séduit et trouve son public, comme le démontre la valorisation actuelle de l’écosystème bitcoin.
Reconnaissons que cette situation est tout à fait inédite. En effet, des utilisateurs placent massivement leur confiance dans une technologie émergente, issue de milieux underground pour remplacer des modes opératoires éprouvés et régissant l’économie depuis des siècles. Via Bitcoin, la Blockchain a démontré qu’il était possible de réguler une communauté sans pour autant qu’un de ses membres n’endosse le rôle de gendarme.
Un contexte de profonde transformation
On entend souvent dire que le monde devient plat et que les organisations hiérarchiques tendent à disparaître. Dans ce contexte où le monde du travail est en pleine mutation, le nombre de freelance explose et de nouveaux enjeux émergent.
D’une part, les travailleurs indépendants ont besoin d’outils qui leur permettront de rendre leur offre lisible et visible du plus grand nombre. D’autre part, les clients sont à la recherche de garanties que le service leur sera correctement délivré et qu’ils en auront pour leur argent.
Aujourd’hui, les acteurs qui organisent ces relations existent déjà : ce sont les plateformes d’intermédiation et elles font partie intégrante de nos habitudes de consommation. Parmi celles-ci, on compte notamment Uber, AirBNB, les App Stores d’Apple, la marketplace d’Amazon, etc. Cependant, bien qu’elles répondent aux besoins, ces plateformes posent des problèmes en contradiction totale avec les aspirations des indépendants :
- elles prélèvent leur part sur toutes les transactions opérées ;
- elles décident unilatéralement de leur mode de fonctionnement et de leurs modalités de facturation.
La Blockchain propose des moyens de s’auto-organiser
Dans cette transformation de l’économie, s’ils veulent conserver leur autonomie, les indépendants devront passer d’un modèle compétitif à un modèle coopératif. Autrement dit, il devront admettre l’idée selon laquelle une coopération entre concurrents est nécessaire pour viabiliser l’écosystème. Or, pour être efficace, ce mode d’organisation implique l’existence d’une confiance mutuelle entre ses protagonistes et une gouvernance équitable et incorruptible.
La Blockchain apparaît comme une solution naturelle à ces enjeux. D’une part, elle fournit via le registre distribué une source d’information partagée et certifiée par la communauté. De l’autre, elle propose de matérialiser les règles de ces communautés au sein des smart contracts, proposant ainsi une illustration concrète de l’aphorisme “Code is law” de Lawrence Lessig selon lequel c’est l’algorithme qui régule le cyberespace.
Dans la pratique : des premières expérimentations pas toujours concluantes
Si les cas d’utilisation de la Blockchain à des fins de certification de la donnée sont légion, ceux qui décrivent la gestion d’une communauté sont plus difficiles à identifier tant ils demandent un haut niveau de connaissance des mécanismes sous-jacents de la blockchain.
Dans le domaine de la mobilité, le cas de La’Zooz est particulièrement intéressant. Cette plateforme de covoiturage décentralisée propose un scénario à la croisée des chemins entre Uber, BlaBlaCar et les mécanismes de la Blockchain. Chaque membre de la communauté mettant à disposition une place dans son véhicule gagne des Zooz (jetons) qu’il pourra utiliser pour effectuer un trajet dans le véhicule d’un autre membre. En quelque sorte, il “mine” des kilomètres. Plus fort encore, toute contribution à l’amélioration de la plateforme (design, développement, communication, etc.) permet de collecter des Zooz. Cependant, si l’idée semble pertinente de prime abord, elle semble ne pas avoir trouvé son public.
Plus récemment, le projet Backfeed a commencé à faire parler de lui en proposant une plateforme collaborative reposant sur la Blockchain Ethereum et dont les modes de fonctionnement sont inspirés de ceux des kibboutz. Lorsqu’une contribution à un projet est soumise, l’auteur de cette contribution est évalué par la communauté. On parle de “preuve de valeur” (ou Proof-of-Value). Ainsi, plus le score d’un membre est élevé, plus son influence sur la communauté est importante. En d’autres termes, BackFeed ambitionne de proposer une infrastructure visant à faire émerger des organisations distribuées, méritocratiques et transparentes.
Alors que BackFeed fait de plus en plus parler d’elle, l’activité de LaZooz devient confidentielle. Ce déclin s’explique notamment par le fait que Matan Field, un des fondateurs de LaZooz ait quitté cette dernière pour se consacrer à BackFeed. Alors que la promesse des organisations décentralisées autonomes (ou DAOs) est de subsister sans pouvoir central, le déclin de LaZooz montre que bien du chemin reste à parcourir pour devenir réalité.
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Compte rendu de notre présentation
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