Après la transformation.
L'entreprise digitalisée trouve sa raison d’être et de faire au cœur des pratiques de ses clients. Elle est une « eXperience Company » qui a appris à modeler sa chaine de valeur en la branchant in vivo sur le marché, as a platform. D’où elle tire tous les désirs et besoins latents des clients pour les exaucer. Et in fine asseoir sa mainmise sur un capital data, source de création de valeur. Mais au préalable, cette réalité est une cible à définir dans l'Âge Digital que l’entreprise découvre. Il faut d’abord se transformer en comprenant ce monde qui change et trouver le chemin, « La » trajectoire qui va durablement impacter l’écosystème de l’entreprise.
Se transformer is « work in progress »
La transformation digitale est la manière dont l'entreprise se projette et s'y prend pour faire. On ne digitalise pas les pratiques du passé mais on réinvente les façons de faire. Les pratiques de simplification, de responsabilisation, d’amélioration continue et de créativité collaborative, sont mises en place, au-delà de son optique métier habituelle et en osmose avec l’évolution du marché.Les nouvelles pratiques IT basées sur l'agilité et la communication itérative couplées à la logique ROiste et « customer-centric » du marketing se diluent dans l'ensemble des pratiques de l'entreprise, pour plus de facilitation business, d'apprentissage, d'efficacité et de créativité.La transformation digitale est donc une acculturation avant de devenir une culture. L’adoption d’une autre manière de vivre et d’améliorer l'entreprise à l'ère de l'adaptation permanente aux exigences des clients finaux et l'accélération continue des usages. L’adoption d’une autre manière de créer et partager de la valeur avec ses partenaires.
Les entreprises s’engagent dans cette voie avec plus ou moins d’entrain et de facilité. Mais elles y vont. Certaines veulent accélérer cette transformation en court-circuitant la nécessaire phase d’acculturation en montant des structures à pyramide démographique jeune et à compétences multivalentes : agiles, marketing et IT, dirigées cependant par une vision métier claire et s’appuyant sur un réseau de partenaires à la carte, à l’instar de BBVA qui a intégré la fintech Simple. D’autres s’allient pour rivaliser contre les GAFA dans le rachat par exemple de la filière de cartographie Here de Nokia.
Le challenge digital de la SNCF, où comment animer un écosystème de startups, d’écoles, de partenaires, en dehors des murs de l’entreprise. Se transformer, c’est aussi s’ouvrir...
Une entreprise comme la SNCF, entreprise analogique archétypale, est en pleine transformation digitale pour faire face au monde qui change. Elle est menacée par des nouvelles formes de concurrence parce que précisément au cœur d’une proposition de valeur dans les transports secouées de douleurs et de nouvelles attentes du public. Héritière d’un monopole qui faisait sens dans un monde analogique, la SNCF doit relever le défi du digital qui déplace les infrastructures de transport au plus près des voyageurs : leur Smartphone et les nouvelles formes de mobilité. Le digital redessine le potentiel des services nomades, plaçant la multi-modalité et la personnalisation des parcours au cœur des pratiques de voyage.
L’entrée dans l’ère digitale n’est pas nouvelle pour la SNCF. Cependant, 2015 cristallise des signaux qui montrent qu’elle accélère sa mutation numérique.
- En février 2015, lancement d’un plan de transformation sur 18 mois , 30 millions d’euros, avec la création d’une direction digitale transverse directement reliée au Top management animé par un Chief Digital Officer., Yves Tyrode, ancien directeur de Voyages SNCF.
- l’engagement de la SNCF dans l’open DATA dès 2013 se poursuit. Dernière initiative en date, dans quelques grandes villes de France,
- Ce début 2015, le lancement d’ iDPass, un pass « tout en un »
- et l’entrée au capital de la startup OuiCar en juin dernier.
Il n’est plus question de faire préférer le train. La SNCF se met à la place du client final en adressant des solutions multi-modales comme socle d’expérience globale réclamée par la multitude de clients : qui consiste à proposer de la valeur de bout en bout, un ensemble de services innovants, complémentaires sur l’ensemble de la journée du voyageur : 10 millions de clients de la SNCF. Le voyage ne démarre pas en gare et à quai. Il faut aussi simplifier le trajet à la gare. Simplifier l’expérience globale du voyage.
Ainsi donc, on assiste à un passage à l'acte plus qu'une prise de conscience . Le chantier de la transformation numérique des entreprises est bien en cours.
Mais après ? (ou plutôt, pour et en quoi s’être transformé ?)
Après, ces entreprises seront devenues une capacité à concevoir en continu des services qui répondent rapidement aux attentes des clients finaux, avec cette stratégie très GAFA d'être présent de manière personnalisée sur tous les moments de la customer journey que le digital peut adresser. Mais surtout pour engranger de la valeur client. Une nécessité pour faire jouer la préférence d’usage et donc de marque, pour mieux conquérir et fidéliser. "S'être transformé, c'est s'être plateformé".
Tous les secteurs sont impactés par la digitalisation de l’expérience client : des nouveaux entrants auxquels s’allier, contres lesquels lutter...
Et dans ce cadre, on peut envisager trois approches d’optimisation de la chaine de valeur :
- En mode défensif : préempter et renforcer la présence de l’entreprise sur les maillons fragilisés de la chaine de valeur, notamment ceux directement menacés par un « nouvel entrant » sur le marché, un GAFA, une licorne (ces startups qui sont passées à l’échelle) ou une jeune pousse (fintech, medtech, etc.). Il faut réassurer ce maillon par une proposition de valeur qui soulage une douleur effective avant les concurrents . Mais ce mode défensif est difficile à tenir tout seul. L’entreprise doit s’ouvrir avec des partenaires, voire des concurrents d'hier ou des acteurs d'un nouveaux genre, comme les startups.
- en mode offensif, avec la posture d’un « disrupter», en attaquant des maillons de la chaine de valeur des concurrents. A l'instar, d'un Uber dans les transports urbains vis à vis des Taxis, d'un blablacar dans le transport en région qui prend de la valeur à la SNCF, ou d'un AirbNb dans l'hôtellerie, dont on parle beaucoup, s'appuient sur la foule, la multitude en répondant à une douleur largement partagée que les acteurs historiques analogiques négligeaient. Ils se sont interfacés entre eux et leurs clients via une plateforme "on Demand" et aisément branchable par leurs APIs au sein des applications d'acteurs partenaires. Par exemple, il est possible de commander un véhicule VTC depuis l'application de réservation d'un groupe leader de l'hôtellerie...Pour l'heure, aucune entreprise analogique n'a su ou pu trouver les leviers offensifs. Mais cela s'entend, car la position de disrupter exige une vélocité et une capacité organisationnelle extrêmement agile, allégée de sa "mise à niveau culturelle" et du faible poids de ses actifs. L'entreprise analogique a plus de chance de se transformer en devenant un enabler.
- troisième approche : le mode partenarial ou « enabler » en aidant ses partenaires à se renforcer sur ces maillons, par une démarche de coopétition ou d’Open Innovation. Cette troisième approche est le signe d’une grande maturité digitale car elle positionne l’entreprise conçue comme une plateforme incontournable d'un écosystème business. Illustration avec Nike.
Nike, la "plateformée" incontournable
Nike, an Experience Company as an enabler platform
La marque emblématique des runners s’est aventurée dans l’industrialisation d’un objet connecté, le fameux nikefuel band pour la valorisation des data de mesure sportives.
Elle a appris dès 2010 à dépasser son métier historique (lire le cas d’étude Nike) et embrasser la pratique du Quantified self pour mettre de l’intelligence dans les données. Elle a contribué à démocratiser cet usage qui correspondait à un besoin latent de sa communauté de clients. Pour se faire, elle a investi en 2014, une double démarche, de pilotage par les données et d’Open innovation, afin de consolider un écosystème de partenaires autour de son API. Nike concentre aujourd’hui toute son activité et ses efforts d’investissement dans une plateforme ouverte Nike + sur laquelle viennent se greffer des apis partenaires. Elle devient un « enabler » pour reprendre l’une des trois postures évoquées ci-dessus.
L’entreprise a même choisi d’abandonner son bracelet connecté pour se concentrer sur son capital marque qui légitime auprès de ses clients l’exploitation de leur data d’expérience sportive. Nike est devenu un « enabler » digital pour ses partenaires toujours plus nombreux. Et surtout, elle rivalise avec les GAFA en animant une masse considérable de clients.
Year nike +fuel band community : 28 millions d’utilisateurs de l’écosystème Nike+
Nike est devenue à la fois animateur de la multitude en jouant la valeur de l’ hyper personnalisation pour chaque client (customer centric experience design), et « broaker de data » comme source de revenu et d’innovation pour elle et ses partenaires. Toutes entreprises du marché du sport et sportwear, voire aussi plus largement dans les domaines du lifestyle, songent à brancher leur API sur la plateforme de Nike. Ou au contraire, à faire face à la menace d'un tel écosystème : Adidas en réaction, tente en 2014 de monter un écosystème en ouvrant sa plateforme API micoach. Un match à suivre...
Plateformez-vous !
Après l’Âge digital, on passe à l'Âge de l'eXpérience : on commence à parler d'entreprise servicielle ou d'eXperience Company ou de Design Company . La notion même d’entreprise digitale sera moins évocatrice car le digital aura irrigué le monde, les métiers et processus de l’entreprise et les services. Il ne sera plus besoin d’opposer cette notion à celle d’entreprise analogique puisque toute entreprise performante aura fait sa mue digitale. On opposera des plateformes d' écosystèmes (celui de Nike versus Adidas par exemple) puisque les entreprises seront plus que des organisations mais des plateformes au service de la multitude des clients.
Sur chacun des moments de la customer journey, ces "entreprises mutées" chercheront-et-sauront tirer de la valeur : des données, de la connaissance client qui pourront être alors valorisées.
- Soit pour innover sur de nouveaux services prodiguant la meilleure expérience personnalisée et donc mieux fidéliser, comme Nike
- Soit en les vendant à des tiers.
- Ou en valorisant le risque de l’innovation, rapidement, par le lancement rapide, d’un service ou produit en phase avec les attentes des clients et l’expérience induite et faire parler les feedbacks rapidement pour abandonner ou réorienter l’approche.
Plutôt que de chaine de valeur, nous sommes dans une boucle de valeur à l'Âge Digital et de « l’entreprise au carré". Schéma inspiré des réflexions de Henri Verdier et Nicolas Colin, de Bassem Hassem et Tim O’Reilly
Lorsqu'on parle de chaine de valeur de l’entreprise, ce n'est plus celle centrée sur l'entreprise et ses métiers, séquençant la transformation par étape de la production. Il faut aller au delà à l‘instar d’une entreprise comme Nike. On devrait parler de boucle de valeur entre l’écosystème de l’entreprise et les écosystèmes des clients, avec cette unique visée : la maitrise de la multitude pour en récolter les insights et besoins latents à valoriser, pour une mise sur le marché très rapide grâce à une logique d’intégration et développement continue (devops).
Take away
Dans l'après transition numérique, on ne parlera pas d'entreprise digitale mais de provider de service global :
- parce que la préférence entre deux marques qui offriront une offre de services semblables portera sur l'expérience.
- l'approche par le design d'expérience pousse à sortir de son métier en s'ouvrant aux autres : Open Innovation pour couvrir l'ensemble de la custormer journey.
- Des banques transformées comme BBVA ou Capital One intègrent des studios réputés d’expérience utilisateur (tel que Adaptative Path par exemple) pour mieux contrer les GAFA et donc pour mieux anticiper l'écosystème à préempter, animer, investir, négocier, mettre en scène.
- La culture digitale est partagée, la multidude et l’expérience client sont au cœur du business et des processus (inspirés des pratiques des Géants du Web), et où chaque collaborateur adopte la responsabilisation du Design.
- L’entreprise est une plateforme qui se branche au coeur d’un écosystème de services partenaires et où elle peut incarner un rouage clé de la customer journey de ses clients tandis que ses partenaires couvrent les rouages manquants.
- L’IT opère au service des métiers dans l’entreprise et au service de ses partenaires, hors de l’entreprise, jonglant entre stabilité des systèmes et réactivité à l’écoute de la multitude et d’une démarche de Design de l’expérience client qui en découle.
Et pour vous ?
A OCTO, nous anticipons le conseil digital au-delà de l'accompagnement à la digitalisation : le conseil en digitalisation c’est aussi l'accompagnement à la mise en place d'écosystèmes d'expériences valorisables, qui mixent Data driven et plateforme d’API, pensée Design, connaissance des usages, marketing stratégique, management de l’innovation et Open Innovation, Lean Startup en entreprise, et Developpement Agile (devops). C’est aussi animer une réflexion autour des modèles d’affaires et des modèles organisationnels humains (entreprise 3.0).
Après la transformation digitale, l’entreprise a muté et sait animer sa boucle de valeur. On pourrait parler d’"Enterprise Squared", par analogie au Web Squared de Tim O’Reilly. Avec cette vision qui serait de penser l'entreprise comme réseau, soluble et ouverte au monde qui l'entoure, as a platform, comme pour mieux s'en imprégner et y puiser de la connaissance pour, en réponse sur un Time To Market très court, délivrer de la valeur... avec ses collaborateurs et partenaires, avec et pour ses clients. La boucle est bouclée.