5 conseils pour réussir votre transformation

En tant que coach, j’accompagne des organismes et individus dans leur mutations au quotidien.

Vu l’omniprésence du sujet de la transformation (“digitale”, “Agile, “DevOps”, “Approche Produit”, “Cloud”, etc.) et sa complexité, j’ai eu envie de partager une checklist de postures, points de vues, et actions pour la réussir au mieux. Cet article s’adresse aux personnes qui songent à une transformation ou qui en mènent une. Il peut également éclairer ceux qui la vivent au quotidien en se disant que, peut-être, il leur manque quelque chose dans la démarche.

Mettons-nous d’accord dès le début. 5 conseils pour réussir ne vous suffiront pas, sinon votre transformation serait trop évidente et vous n’auriez ni besoin ni envie de lire des articles sur le sujet. Cependant, j’ai envie de faire simple - la meilleure façon de réussir, c’est de ne pas échouer partout.

Voici les 5 conseils choisis :

  1. Prenez votre temps

  2. Ecoutez

  3. Faites comprendre aux concernés ce qu’il se passe

  4. Soyez le changement que vous voulez voir

  5. Aimez ce qui arrive

J’ai puisé cette liste de mon expérience, de mon vécu et du vécu de mes collègues qui interviennent dans le domaine du changement profond d’organisations.

Avant de devenir coach d’organisations, j’ai travaillé pendant 13 ans dans des entreprises d’informatique de taille, domaine, origine culturelle et enjeux différents, en tant que PMO puis Directrice de programme management dans une entreprise du CAC 40.

Actuellement, je dirige une mission de transformation dans une entreprise multinationale. Le but étant d’améliorer son efficacité, bien qu’elle soit profitable, et d’amener les personnes à travailler différemment tout en maintenant systématiquement dans leur viseur la valeur à livrer au client. Cela fait 2 ans que nous avons commencé.

2 ans. Est-ce que ça vous choque ?

Conseil numéro 1 : pour réussir votre transformation, prenez votre temps. Plus ça urge, plus il faut aller lentement.

C’est contre-intuitif ? Pourtant c’est un pré-requis. Un changement est toujours douloureux. Toujours. Il est impératif qu’il en vaille le coup. Il est impératif que sa valeur soit définie, partagée, comprise, et que les personnes qui doivent porter ce changement au quotidien, l’incarner, aient ce dont elles ont besoin pour le faire.

Un aperçu du terrain : après un atelier pour définir la future organisation, certains participants, y compris des managers et directeurs, font entendre que c’est une mascarade, que tout a été décidé en avance, qu’on les manipule. Pourquoi ? Parce que, par impatience, on ne les laisse pas trouver de bonnes questions auxquelles l’organisation doit répondre mais qu’on les pousse vers des réponses attendues et/ou décisions hâtives. Résultat : retour à l’envoyeur. Le COMEX arrête tout et on doit commencer par inclure correctement les personnes. Comment ? En les écoutant sincèrement, en leur laissant le temps de réflexion et de questionnement. Il n’y a que comme cela que l’on engage des personnes dans un changement durable : en leur créant une place.

Un des enjeux majeurs lors d’une transformation, c’est de pouvoir s’arrêter pour regarder ce qui va, ce qui ne va plus, quelles sont les priorités, etc. Nous avons pris l’habitude de courir pour être ou paraître productifs. Tous en réunions, tous surchargés. Je suis convaincue que les solutions, ou au moins des pistes de solutions, chaque entreprise en a déjà en son sein.

Mon premier pas en accompagnement consiste à faire ralentir les chevaux, à créer des moments de réflexion où invariablement des pistes émergent. C’est quand on a le moins de temps qu’il est urgent de ralentir.

Conseil numéro 2 : écoutez et élargissez votre point de vue

Écouter pour cadrer le pourquoi de la transformation, pour cibler les bonnes approches, pour déterminer le chemin à suivre. En somme, écouter pour prendre des décisions est indispensable.

Pourquoi si le sponsor a des idées claires sur ce qu’il/elle veut ? Car dans le monde actuel (voir VUCA) personne, même avec 30 ans d’expérience, des diplômes de 4 grandes écoles et un cabinet de conseil sous le bras, n’est capable d’avoir tous les éléments nécessaires pour naviguer dans la complexité et le mouvement constant qui nous entoure.

Un des meilleurs outils dont on dispose pour savoir où on en est, où on doit et peut aller, c’est le témoignage des autres. Écoutez ce qui se passe aux frontières. Une frontière existe entre deux niveaux hiérarchiques, mais également entre deux équipes, deux métiers, entre une personne interne et un consultant, etc. Il s’agit alors d’écouter ce que nos clients et nos partenaires internes et externes vivent. Cela ne veut pas dire que c’est la réalité, cependant c’est une source clé d’idées, d’inspiration.

Quand je pense, par exemple, à une DSI qui a envie d’aller plus vite, mieux et implémenter les pratiques de devops, je vais travailler avec les membres de la DSI, son directeur, le CODIR,  mais également avec ses interlocuteurs métier, avec les fournisseurs d'hébergement, les utilisateurs autant que possible. Ma priorité sera de toucher du doigt ce que cette pratique doit pallier, à quoi elle devrait répondre, et je vais engager toutes les parties à contribuer dans la réflexion et la mise en œuvre. J’estime qu’ils sont tous parties prenantes du problème à adresser et que sans leur point de vue, on perd en justesse.

De plus, il arrive fréquemment que lorsque je discute avec les personnes au début de l’intervention, elles partagent les points de douleur et également des suggestions. Un changement se bâtit sur cette énergie là.

Un aperçu du terrain: Un client m’a demandé dès le départ: “il faut que tu nous dises comment embarquer les gens, tu sais on a des réticents, mais même les autres, il faut les motiver”. Le sujet de la motivation a été sujet de nombreux articles, livres, études. La seule motivation durable est celle qui vient de l’intérieur de chaque personne : intrinsèque. Elle naît quand quelque chose réussit à allumer notre moteur intérieur. Il y a deux allumettes qui marchent bien. L’une est la reconnaissance (“on m’écoute” par exemple, “on me demande mon avis”, “on me confie une tâche”) et l’autre le relationnel (“je suis en sécurité, je peux dire ce que je pense”, “j’ai accès à ma hiérarchie facilement”). Si vous voulez embarquer des personnes, donnez-leur les informations, de l’espace pour s’exprimer et une possibilité de trouver leur place de contributeur dans la transformation.

Conseil numéro 3 : faites comprendre aux concernés - de près et/ou de loin -  ce qu’il se passe

Une fois en mouvement, faites savoir ce qui se passe, de quelle contribution vous avez besoin (idées, actions, support). Si ce n’est pas comprendre, a minima savoir. Communiquez avec stratégie et empathie. Il existe moults conseils au sujet de “quoi communiquer, à qui, à quel moment, pour quel impact”. Choisissez votre approche. Cependant en élaborant votre communication, ne vous limitez pas aux cibles, messages, canaux et timings.

Une communication pertinente est celle conçue avec l’empathie. L’empathie, pas la sympathie. Nous ne cherchons pas à convaincre les troupes ou les faire suivre aveuglément un agenda. Toute communication type propagande aka “tout va bien, nous sommes les meilleurs, merci de votre énergie, nous sommes fiers de vous” risque d’être contre productive. Nous cherchons, en nous positionnant dans leurs chaussures, de quelles informations ils ont besoin à quel moment. Stratégique, opérationnelle, organisationnelle… Il y a un temps pour diffuser chaque type d’information.  Le travail sur la communication autour de la transformation est aussi important pour sa réussite que le travail sur sa mise en place.

Un aperçu du terrain : 2 ans après le début de la transformation, j’arrive avec ma collègue auprès d’une équipe pour les accompagner dans leur nouvelle façon de travailler. Sur un atelier de 3h nous passons 45 minutes à leur exposer pourquoi on se voit.  Ils ignorent pourquoi ils sont là, dans quoi l’initiative s’inscrit, pourquoi ils sont même ensemble, eux et pas avec d’autres.

Un changement, pour avoir lieu, doit prendre racine dans un terreau fertile. Ce terreau se crée et se nourrit au jour le jour, dans les plans quinquennaux, trimestriels, réunions hebdomadaires, couloirs. Le négliger est entamer profondément l’éventualité de la réussite. L’arbre qui n’a pas de racine tiendra peut être pendant un moment, il est néanmoins certain qu’avec une bourrasque plus ou moins forte, il s'effondrera.

Conseil numéro 4: soyez le changement que vous voulez voir

Oui, c’est du Ghandi et vous avez dû souvent l'entendre. Cela ne change malheureusement pas le fait qu' une grande partie des transformations nous est demandée en mode "transformez-les'' et non "transformons-nous''. Cela sous-entend:

  • que vous portez ou adhérez à la transformation en cours. Soit car vous avez aidé à la dessiner avec vos motivations et convictions, soit que vous avez trouvé dans la communication mentionnée dans le conseil numéro 3 quelque chose pour vous. Quelque chose qui vous donne de l’envie, de l’énergie, qui vous ouvre des possibilités intéressantes.
  • que vous allez voir ceux qui y sont, qui essaient pour voir et percevoir ce que c’est, si vous êtes manager, votre présence est essentielle pour démontrer l’importance de la transformation. Il ne s’agit pas de faire acte de présence, il s’agit de l’intérêt sincère. Les équipes et individus savent naturellement faire la différence.
  • que vous valorisez ceux qui essaient. Tel inspecteur  Colombo, vous pistez les moindres réussites pour encourager, partager l’exemple, pour nourrir le sol et créer un terreau propice à la propagation du changement
  • que, si vous êtes un(e) des sponsors de la transformation, vous l’incarnez. Les mots ont leur poids, vos actes les battent, cependant, à plates coutures. On voit vite si vous y croyez ou si vous voulez seulement que les autres y croient

Un aperçu du terrain: Quand nous avons travaillé sur la vision/le why d’une transformation, entre autres, le CEO a mentionné que si l’entreprise continue à travailler comme elle travaille aujourd’hui, ses propres enfants ne voudraient pas la rejoindre. Tout comme, probablement, toute leur génération. Nous avons partagé ce composant du why avec chacune des CODIRs, des équipes lancées dans la transformation et l’effet d’un argument comme celui-ci est indéniable. Pour qu’un changement soit un changement profond, il faut de l’émotion, une incarnation honnête, pas seulement des objectifs business.

Conseil numéro 5 : aimez ce qui arrive

Les consultants vous ont dessiné une belle ligne droite vers l’avenir sur les slides de présentation ? C’est joli, c’est net, hélas ce n’est pas réaliste. Jamais. Ces consultants venaient-ils d’Octo ? La ligne droite reste irréaliste ☺

Un changement ne se gère pas, il s’accompagne. Il me semble clé d’abandonner l’idée de maîtrise dès le début. Nous pouvons certainement maîtriser des éléments importants, et il le faut, comme le périmètre, la profondeur du changement, le type d’accompagnement que nous lui octroyons, nous pouvons et devons même pour le besoin d’inclusion en dessiner la temporalité souhaitée, les étapes majeures.

Néanmoins, gardons à l’esprit l'imprévisibilité des éléments vivants comme :

  • la “dissonance cognitive” avec l’initiative pour certains,
  • l**’incompréhension** et/ou le questionnement pour d’autres,
  • des erreurs de jugement, de communication,
  • la mise en place d’exceptions,
  • les arrivées et démissions

Tous ces éléments prendront à juste titre leur place dans le changement.

Aperçu du terrain: Chez mon client, naturellement en deux ans, il y a eu de nombreux changements dans les équipes, nous en arrivons aux changements au sein des CODIRs et même le COMEX incluant le CEO lui-même. L’inclusion de nouveaux arrivants aux postes clés font partie intégrante de mon travail. Cela perturbe une certaine idée de l’équilibre que l’on a pu trouver, cependant cela amène de nouveaux possibles également. Tout dépend de comment on le regarde : question de posture, de point de vue comme mentionné au début de l’article.

A retenir :

Le succès d’une transformation repose sur les humains. Tous les humains ont leur complexité interne.  La  somme des complexités de chaque partie prenante de la transformation, multipliée par les enjeux de l’entreprise qui veut se transformer, les enjeux de son environnement, des environnements de ses clients fait que tout changement nécessite du temps.

Pour mieux faire avec cette complexité, écouter les parties prenantes est clé pour déterminer le cadre de la transformation. Puis continuer à partager ce cadre via une communication ciblée, du partage, des témoignages mais aussi une incarnation de la transformation au quotidien.

Finalement, aucun changement n’est linéaire, il y aura des rebonds. Cela fait partie de ce beau voyage.