2ème compte rendu du séminaire « Lean dans les Services »

le 26/02/2009 par Ismael Hery
Tags: Évènements

A la suite du premier compte rendu sur le Kaizen « service » de Toyota France, ce deuxième compte rendu du séminaire Lean dans les services couvre la session présentée par Marie Ignace Pia, de l’institut Lean France, intitulée « Engager le management intermédiaire ».

D’après un sondage mené en 2007 par le Lean Enterprise Institute, les résistances du management intermédiaire sont le premier obstacle à l’adoption du Lean.

De ce constat Marie Ignace Pia présente son retour d’expérience du déploiement du Lean dans une grande banque française en précisant les impacts sur ce management intermédiaire. Le reste de sa présentation définit implicitement le management intermédiaire comme les managers qui supervise les managers de premier niveaux, ces derniers étant en contact avec le terrain en supervisant les opérationnels.

Un déploiement Lean à grande échelle

Marie Ignace Pia débute son retour d’expérience en brossant rapidement le tableau d’un chantier Lean conséquent. Ainsi, la rationalisation de 100 back-offices en 20 sites devait s’accompagner des améliorations suivantes :

  • Créer de la capacité supplémentaire ;
  • Améliorer le service au client (délais, qualité).

La démarche générale du projet Lean est l’opportunité d’apprendre par les étapes suivantes :

  • Comprendre la performance ;
  • Identifier les problèmes ;
  • Résoudre les problèmes de la bonne façon ;
  • En tirer les bons enseignements ;
  • Recommencer…

Présenté dans les slides sous forme circulaire, ces étapes sont à peu de choses, une reformulation du PDCA ou du Toyota Business Practice.

Une première phase de déploiement…sans le management intermédiaire

La première phase du déploiement Lean consistait à réaliser des améliorations à travers les étapes suivantes :

  • Préparation et état des lieux de 2 à 4 semaines ;
  • Atelier Kaizen d’une semaine ;
  • Implémentation et conduite du changement pendant 2 mois.

2 coachs Lean menaient ces étapes avec chacune des 100 équipes, les unes après les autres.

Rien d’exceptionnel si ce n’est que seuls les sponsors, les opérationnels et le premier niveau de management ont été impliqué dans cette première phase. En particulier les manageurs intermédiaires n’avaient aucune implication dans ces premiers chantiers Lean ! A ce moment de la session, je sens un vague frémissement de l’auditoire puis Marie Ignace Pia insiste : ces étapes ont été suivies avec succès sur une centaine d’équipes en reproduisant ce schéma. C’est devenu leur « standard » de déploiement Lean, c’est-à-dire la meilleure façon connue à ce jour de réaliser ce déploiement.

A l’issue de cette première phase, iconoclaste sous certains aspects, les résultats sont plus que probant :

  • 25% de capacité supplémentaire ;
  • 90% de réduction du Lead Time (temps global entre le début et la fin d’une opération) ;
  • 50% de réduction des défauts ;
  • 70% de réduction des « Non Right First Time » (opération qui ne sont pas correctes du premier coup).

La pérennisation par l’amélioration continue et l’implication du management intermédiaire

A l’issue de cette première phase, l’entreprise a bénéficié des apports du Lean mais n’est pas Lean en tant que tel. 2 voies alternatives sont possibles :

  • Le chantier Lean s’arrête et au mieux les bénéfices périclitent, ou plus probablement ils sont perdus ;
  • L’entreprise mets en place le mouvement d’amélioration continue qui permet de stabiliser les bénéfices puis de les doubler en 3 ans.

A ce moment du changement Lean, les 2 coachs ne suffisent plus « physiquement » pour mettre en place la démarche d’amélioration et surtout pour la mener au quotidien: c’est le moment de réintroduire le management intermédiaire.

La difficulté n’est pas mince puisque le management intermédiaire a été mis de côté pendant les phases initiales et qu’on va lui demander de reconsidérer fondamentalement sont rôle. Ainsi le management intermédiaire doit maintenant axer son intervention autour de 5 attitudes :

  • Challenger la situation, ne pas accepter le statu quo ;
  • Aller et voir sur le terrain, au cœur des opérations (le genchi genbutsu du Lean) ;
  • Impliquer et partager les problèmes et les objectifs ;
  • Développer les collaborateurs par la résolution des problèmes ;
  • Soutenir les collaborateurs sur les problèmes qui sortent de leur « silo ».

Aligner ce management intermédiaire sur la démarche d’amélioration continue passe alors principalement :

  • Par l’exemple des sponsors. Le directeur général, le directeur des opérations et le directeur régional mettent en œuvre rigoureusement les 5 attitudes ;
  • Par la comparaison et l’échange avec les pairs. Les actions d’améliorations mises en place par les collègues sont partagées par des visites dans les autres équipes et des présentations des problèmes résolus.

Les coachs outillent aussi les manageurs intermédiaires en les formant aux pratiques de structuration des dialogues avec les opérationnels (quels sont vos problèmes ? comment allez-vous les résoudre ?) et d’amélioration continue sur la base des cycles PDCA.

Cette montée en compétence des nouveaux managers « leader » s’est faite en mode coaching : les 2 experts Lean ont parfois laissé implémenter des améliorations qu’ils savaient pourtant vouées à l’échec, afin de laisser les nouveaux porteurs du changement s’approprier la démarche (et goûter aux tours de roue PDCA).

Un changement culturel profond

La séance de questions/réponses permet de faire témoigner Marie Ignace Pia sur les impacts les plus profonds :

  • Certains managers intermédiaires n’ont pas accepté les nouveaux mandats qui leur étaient donné et ont démissionné ;
  • Les sponsors ont explicitement « blâmé » certains des managers intermédiaires réticents ;
  • Les départements ressources humaines ont pris en compte le besoin de ces nouveaux profils de compétence de manager « leader ».

Conclusion

De cette session qui a fait réagir l’auditoire (sur le mode « comment ont-ils pu ignorer la « charpente » même de l’organisation ? »), je retiens les constantes de toute démarche Lean :

  • Pas de changement Lean pérenne sans amélioration continue ;
  • Le manager intermédiaire d’une organisation Lean n’est plus le garant de l’ordre établi mais bien le créateur des conditions du changement.

Pour le reste je garde de cette session un questionnement sur l'approche présentée, qui peut sembler incompatible, sous certains aspects, avec l'approche Lean du "faire mieux avec les mêmes personnes" ou le "Don't blame the person, fix the System" de Edward Deming.


Le billet du 1er compte rendu du séminaire Lean dans les services.