Perspectives de l’habitat connecté

le 30/06/2014 par Guillaume Plouin
Tags: Software Engineering

Dans le cadre de nos recherches sur les objets connectés, nous avons eu l’occasion d’échanger avec des spécialistes de la domotique, des assureurs, ou des pures players comme sen.se ou withings, tous présents à l’USI 2014. Nous vous proposons ainsi un éclairage sur le “Smart Home”....

La domotique : un gadget ?

La domotique est le serpent de mer de l’Internet des objets. Il existe depuis plus de 10 ans des offres de “télécommandes universelles” permettant de contrôler électroménager, lumières, chauffages, volets roulants, etc. On peut citer des offres avancées comme MyHome de Legrand, ou la BlyssBox de Castorama. Grâce au Web, ces télécommandes universelles sont devenues pilotables à distance depuis tout type d’appareils (smartphone, tablette, etc.).

Cependant l’usage de la domotique reste confidentiel pour plusieurs raisons. Les offres sont onéreuses ; on manque de standards techniques ; et les bénéfices restent anecdotiques : le plus souvent éviter de faire 3 pas pour appuyer sur un interrupteur...

Les offreurs sont conscients de ce côté gadget et essaient de proposer de la valeur ajoutée avec des scénarios préconfigurés de type “lancer le chauffage à 16h30 lorsque les enfants rentrent de l’école”. Mais le paramétrage de ces scénarios est fastidieux.

La sécurité : un incontournable

Les systèmes d’alarmes basés sur des capteurs de mouvement existent depuis des décennies.

D’autres dispositifs sont en train d’émerger dans le monde des objets connectés :

  • des caméras qui analysent les mouvements et peuvent déclencher des alertes (par exemple, dropcam racheté récemment par Google)

  • des accéléromètres pour détecter l’ouverture d’une porte ou d’une fenêtre alors que personne n’est censé être à la maison (par exemple, avec sen.se)

  • des capteurs de CO2, mono-oxyde de carbone, d’humidité pour prévenir un risque d’intoxication, détecter un  début d’incendie, ou un dégât des eaux (voir la station Netatmo, la balance Withings, le détecteur de fumée Nest de Google)

On verra probablement des assureurs proposer dans un futur proche un “objet prévention” pour mieux anticiper et gérer les vols, incendies, et dégâts des eaux.

Un système d’apprentissage automatique (machine learning) sera probablement nécessaire pour :

  • Analyser les signes avant-coureurs d’un accident (par exemple, l’augmentation de la température et du niveau de CO2 dans le cas d’un incendie, l’augmentation du niveau d’humidité dans le cas d’un dégât des eaux)

  • Prévenir les fausses alertes (par exemple, canicule ou grand lavage de printemps).

De manière plus triviale, ces capteurs peuvent aider à améliorer le confort des occupants en leur suggérant d’aérer lorsque c’est nécessaire.

L’efficacité énergétique : un sujet en développement

Un sujet parait très porteur : celui de la régulation énergétique du logement, en cette période de transition énergétique.

Cette régulation peut passer par divers outils :

  • Des capteurs qui mesurent les conditions environnementales (comme par exemple Netatmo) : température intérieure/extérieure, pression, taux de CO2, humidité, etc. La mesure du différentiel de température intérieur/extérieur et de l'ensoleillement est particulièrement pertinente pour réguler le chauffage. La mesure de CO2/humidité permet de connaître la qualité de l’aération. La mesure du bruit donne une idée de la qualité d’isolation de fenêtres.

  • Des capteurs qui mesurent les consommations énergétiques : par exemple le futur Linky d’ERDF pour l’électricité, et Gazpar de GRDF pour le gaz. Il existe aussi des capteurs adaptables par le particulier à un compteur existant comme NorthQ.

  • Des systèmes de régulation intelligents qui pilotent automatiquement chauffage, climatisation, volets et éclairage pour optimiser la consommation énergétique en tenant compte des données météorologiques et des habitudes des utilisateurs. Ces systèmes peuvent aussi proposer l’effacement de consommation électrique : la réduction de la demande en énergie lors des pics de consommation. Certains systèmes comme le thermostat intelligent Nest sont des précurseurs : ils sont capables d’apprendre les habitudes des occupants.

De la même manière, la mesure de la consommation d’eau est déjà une réalité. Il est probable que l’on soit amené dans quelques années à mesurer aussi la production de déchets (des expérimentations existent en Alsace). De la même manière, des capteurs et systèmes intelligents permettront de rationaliser ces consommations.

Comment avancer ?

Certains opérateurs ADSL emboîtent le pas des acteurs de la domotique : ils souhaitent utiliser leur Box comme un système de centralisation de données issues de capteurs (cf. Home by SFR). Ces propositions font émerger une question clé : le pilotage des objets connectés doit-il s’effectuer au sein d’un système domotique, dans les murs du logement, ou dans le Cloud ?

Aujourd’hui, en l’absence de standard technique dans la domotique, nous avons la conviction qu’il faut utiliser des capteurs adossés à des Cloud proposant des API ouvertes (OpenAPI), et un orchestrateur Cloud (un exemple simpliste :  IFTTT qui permet de piloter Nest ou Netatmo).

Nous observerons néanmoins avec attention l’évolution de plate-formes domotiques comme Android@Home et Apple HomeKit...

AvantagesInconvénients
Pilotage des objets par un système domotique- fonctionnement sans accès à Internet en mode dégradé (c’est à dire plus d’accès depuis smartphone et tablette).<br><br>- réduction du risque de ‘hacking” du logement connecté.- systèmes propriétaires et onéreux.<br><br>- pas d’interopérabilité actuellement, donc limitation aux objets d’un même constructeur
Pilotage des objets via le Cloud- pilotage via les API des objets adossés à un Cloud<br><br>- pas besoin de standard technique autre que REST- risque de hacking<br><br>- forte dépendance à Internet

Par ailleurs, l’architecture de collecte est un vrai challenge, car la volumétrie de données produites peut être gigantesque : par exemple, Linky produira une mesure toutes les 30mn pour chaque foyer français, on n’est pas loin du milliard de mesures par jour. Ce challenge peut être relevé par une lambda architecture : cf. la session USI de Mathieu Depriee d’OCTO.

Avec une architecture Cloud/OpenAPI, il est possible de :

  • coordonner plusieurs capteurs et systèmes de régulations issus de divers fabricants

  • donner libre cours à la créativité de développeurs externes

  • injecter du machine learning afin de d’offrir un peu plus que des scénarios domotiques écrits d’avance. Par exemple : “mon logement décide tout seul de baisser les volets car il y un pic de froid et que personne n’est présent à la maison”.

Les acteurs susceptibles de proposer de tels scénarios sont, par exemple :

  • Les opérateurs d’énergie, d’eau, de déchets

  • les fabricants de systèmes domotiques et opérateurs télécom

  • des géants du Web (Google, Apple)

  • Les assureurs avec leurs futurs “objets prévention”

  • etc.

Et OCTO pour concevoir et architecturer ces plateformes !