Perspectives de la santé connectée

le 28/05/2014 par Guillaume Plouin
Tags: Évènements, Stratégie

Dans le cadre de nos recherches sur les objets connectés, nous avons eu la chance de faire plusieurs rencontres en mai : la société H4D qui propose une cabine de télé-médecine, et l’équipe de médecins qui édite le site automesure.com.

Par ailleurs, un certain nombre de personnes chez OCTO pratiquent le Quantified Self avec des objets Fitbit, Withings, Jawbone, etc.

Le propos de cet article est de donner un éclairage sur les perspectives de la santé connectée entre quantified self et télé-médecine. Nous pensons que ce  sujet intéresse les acteurs de la santé, mais aussi ceux de la prévention.

Le Quantified Self (QS)

Nous avons défini le Quantified Self dans ce billet. Pour mémoire, il s’agit de faire des mesures de ses paramètres physiques (nombre de pas, poids, tension, rythme cardiaque, etc.) dans un objectif de connaissance de soi, et d’amélioration.

Jusqu’à présent, les acteurs du QS se positionnaient sur le “fitness” et ne revendiquaient pas le statut d’appareils médicaux. Cela leur évitait de passer des certifications complexes. Par ailleurs, comme le QS est à l’initiative de l’utilisateur et non du médecin, ces acteurs n’ont pas besoin d’utiliser un “hébergeur de données de santé”, très coûteux aux dires de nos interlocuteurs.

En l’absence de contrainte, ils ont pu développer rapidement des appareils plutôt “low cost” à large diffusion, ce qui aurait été difficile si les autorités médicales avaient été dans la boucle.

Il existe des polémiques sur la fiabilité de ces appareils, mais il est probable qu’ils vont s’améliorer pour devenir de plus en plus fiables. Un exemple illustre cette évolution : le tensiomètre Withings a été certifié par le corps médical.

Tensiomètre Withing

La télémédecine

Il existe divers dispositifs homologués pour la télé-médecine personnelle : voir cette page. Ils sont mis à disposition des patients par des médecins. Ils sont largement utilisés dans le suivi de maladies rares ou chroniques (hypertension, asthme, diabète, etc.).

La grande différence avec le QS est la nécessité de mettre en place des programmes très précis pour guider le patient pour s’assurer que les mesures seront utilisables par un médecin. En outre, dans un contexte médical, il est indispensable de ne pas faire prendre de risque à un patient, donc de lui faire rencontrer un vrai médecin dès que nécessaire. Le site automesure.com propose un certain nombre de vidéos explicatives à ce sujet (exemple).

la Consult-Station

La consult-station de H4D est un exemple intéressant de dispositif pour un diagnostic à distance : elle mesure plusieurs paramètres (tension artérielle, rythme cardiaque, taux d’oxygène sanguin, poids et taille, température) pour les transmettre au médecin. Les mesures sont certifiées. Le médecin peut aussi être joint depuis la cabine via téléconférence. Elle reste cependant un dispositif lourd, intéressant pour les EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), les villages dépourvus de médecins. Elle n’est pas éligible à l’achat par un particulier.

Comme les dispositifs de télé-médecine exigent un hébergeur de données de santé agréé et une certification, on peut s'interroger sur le fait  qu'ils réduisent les frais de la sécurité sociale.

La convergence de ces deux mouvements ?

Les acteurs du monde du QS ont plusieurs atouts :

  • Rapidité d’innovation et agilité : par exemple, Fitbit a sorti 6 versions de son “tracker d’activité” depuis 2008.

  • Capacité à diffuser des appareils “low cost” (environ 100€) auprès du grand public

  • Ergonomie : réflexion avancée sur le design, les modalités de recharge et synchronisation des objets

  • Usage d’un hébergement Web classique.

  • Début de “dossier médical” opérationnel, en particulier chez Fitbit, Runkeeper et Withings

  • Capacité à accumuler des bigdata de santé et de fournir des statistiques de santé publique

De plus, ils ont ouvert un débat intéressant sur la santé connectée, en partant d’éléments concrets et utilisables par tout à un chacun (là où le DMP reste très abstrait).

Par contre, ils souffrent du syndrome du gadget. En effet, la plupart des utilisateurs s’en lassent au bout de quelques mois. Passé le premier effet ludique, la phase de bonnes résolutions, ces objets finissent souvent au fond d’un tiroir.

Il y a donc un enjeu de crédibilité, de démonstration d’utilité réelle pour les acteurs du QS. Je pense qu’ils peuvent résoudre cette équation en devenant des accélérateurs de la santé connectée.

Ils devraient peu à peu se tourner vers le corps médical pour offrir un service à plus forte valeur ajoutée : s’intégrer à un programme homologué pour le suivi de la santé et la prévention des risques. Le QS pourrait se trouver une place extrêmement pertinente entre le particulier, son médecin, et son assureur dans divers scénarios :

  • Maintient à domicile de personnes âgées
  • Suivi de maladies chroniques et alertes au médecin en cas de dépassement de seuil (tension, glycémie, etc.). Des vies peuvent être sauvées dans ce cas.
  • Prévention des maladies via une hygiène de vie dont les éléments (exercice, poids, etc.) peuvent être remontés au médecin
  • etc.

Il est donc temps de réfléchir à ces usages nouveaux, mais aussi aux architectures IT capables d’intégrer la santé connectée au SI des assureurs et de la sécurité sociale.