Du “Growth Hacking” pour un restaurant : retour d'expérience
1min pour vous dire ce qu’est le « Growth Hacking »
Avant de vous partager ce retour d'expérience , je pense qu’il est important d'apporter quelques éléments sur le sujet du growth hacking. Le terme est devenu un buzzword fin 2012. C’est un peu comme le Lean Startup avec Eric Ries sauf que là il s’agit de Sean Ellis.
Tendance Lean Startup VS Growth Hacking
Cependant c’est n’est pas non plus un terme qui est connu ou compris par tout le monde…
Tendance Lean Startup VS Growth Haking VS PokemonGo
Faisons simple. Le growth hacking c’est du marketing moderne. Aujourd’hui, avec la diversité des canaux de communication, l’explosion des data et un marché hyper mouvementé dans l’analytique, on se retrouve de plus en plus dans un écosystème d’incertitude. On a besoin du “build, test and learn” ou du “test, analyse and learn”.
Les startups ADORENT le growth hacking parce que c’est une façon pour elles d’avoir de la traction pour pas cher. J’avoue… c’est quand même tentant. Mais attention aux abus de langage !
Ne pas confondre le Growth Marketing et le Growth Hacking
Je suis d’accord pour dire que le growth hacking c’est dans l’idée de lancer des actions qui sortent de l’ordinaire (d’où le “hacking”), qu’on met en place rapidement et qui ont un impact significatif sur votre traction.
Cependant le growth hacking ne suffit pas si vous souhaitez avoir cette splendide courbe de croissance :
Growth = SUM(Hack#1, Hack#2, …, Hack#X)
"Growth is more than "Potatoes Chips" tactics - They look good, taste good, but don't last"
Vous avez besoin… du… « Growth Marketing » !
Effectivement, c’est chouette d’avoir un pic de traction mais c’est carrément mieux d’avoir une croissance durable. Le principe consiste tout simplement à mettre en place deux choses : une stratégie et un process. (Si ça c’est pas innovant !)
Dans la stratégie vous allez tout simplement définir vos objectifs de croissance et vos métriques clés sur une période donnée. Pour le process, il s’agit de trouver des opportunités de croissance, prioriser, lancer les expérimentations, analyser et faire ressortir les apprentissages.
Chose importante : un mindset porté sur la croissance
Quand on est dans le développement d’un produit, on a tendance à penser que le marketing vient après. Or un produit “parfait” sans utilisateur ne sert à rien et les utilisateurs ne vont pas non plus venir par magie. Si on veut qu’un produit ait de l’impact, il faut penser à la traction, à la distribution, à la croissance. Il est donc important d’avoir ce mindset de growth marketer.
La minute étant passée, entrons dans le vif du sujet.
Contexte
J’ai donc voulu faire un retour d’expérience aux Octos en rédigeant cet article. Néanmoins, je n’avais pas envie d’écrire un n-ième chapitre théorique sur le growth hacking. Je voulais du concret, du vrai, une expérience. Ce serait pour moi l’occasion d’en apprendre beaucoup plus et de comprendre.
J’ai alors proposé à mon manager l’idée d’accompagner une entreprise afin de les aider à accélérer leur croissance.
J’ai choisi un restaurant proche de mon lieu de travail que j’apprécie beaucoup, Rice Trotters.
Ils ont pour mission de vous faire voyager à travers l’originalité de leurs plats autour du riz. Créé fin 2014, le restaurant accueille aujourd’hui en moyenne plus de 700 personnes par semaine. Est-qu’ils ont un problème de croissance ? Je ne pense pas. Est-qu’ils ont cette courbe de croissance que vous avez vu juste avant ? Je ne pense pas non plus. Là où je veux en venir c’est que je ne vais pas les aider à résoudre des problématiques de croissance mais à accélérer tout ça.
Début avril, l’aventure commençait.
Mettre en place une machine de croissance pour un restaurant
Quand je parle de « machine de croissance » je fais référence à l’article de Brian Balfour. Ce dernier m’a beaucoup inspiré lorsqu’il dit :
« Stop looking for tactics first, and start focusing on establishing a growth process. »
Un process qui prendrait la forme d’un framework et qui permettrait à Rice Trotters de prendre des décisions, comprendre et résoudre les problèmes, évaluer ses performances et s’améliorer.
Ma mission à la base : mettre en place cette machine de croissance chez Rice Trotters en 3, 4 mois. Bon. Comment vous dire que j’ai vite compris qu’elle était irréaliste. Irréaliste car on ne met pas en place en 3 mois un process qui demande un minimum de changement de culture.
Ma mission ensuite : sensibiliser l’équipe sur les enjeux liés à la croissance et initier un changement dans les habitudes. Pourquoi être data-driven ? Comment identifier et prioriser des opportunités ? Comment tester et mesurer efficacement des idées ? Pour se faire, les aider sur un cas pratique du déroulement du process est un bon pari.
Quels apprentissages ressortent alors de cette démarche ? Je vais vous parler de 3 points essentiels qui m’ont permis de grandir sur le sujet :
- Product manager VS Growth manager
- Comment être data-driven sans data ? Euh…
- Merger l’existant et le growth hacking
#1 Product Manager VS Growth Manager
Pour cette mission j’ai décidé d’assumer le rôle de « growth manager » à fond. Ce dernier consistait à les guider à travers le process et de m’assurer qu’on aille au bout de chaque step rigoureusement et qu’il soit compris par l’équipe. Plus précisément je devais les aider à identifier des zones d'opportunités de croissance, de les prioriser, d’identifier les objectifs de croissance et de mettre en place un backlog d’idées afin d’atteindre ces objectifs.
Le growth hacking vient mêler le marketing au produit. On peut alors voir le rôle du growth manager comme celui du product manager. Avec Rice Trotters, j’ai pu me rendre compte de la différence de ces deux métiers.
Un product manager a un focus sur les besoins des utilisateurs. Il doit faire en sorte que le produit délivre encore plus de valeur. Tant dis que le growth manager aura un focus sur les opportunités de croissance afin d’amener plus d’utilisateurs à capter la valeur du produit.
Une opportunité de croissance ne correspond pas forcément à un besoin. Ce sont donc deux choses différentes qui se priorisent aussi différemment. Si un product manager priorisera davantage des actions qui ont un impact sur l’expérience utilisateur, le growth manager lui regardera l’impact sur la croissance.
#2 Pas d’digital, pas d’data. Pas d’data… pas d’data
Une des premières chose à faire avant de se lancer dans l’expérimentation des idées c’est de faire un état des lieux. Pour lancer efficacement ses tests, il nous faut un terrain de jeu adéquat. Les atouts d’un brick and mortar (le lieu, les produits, le service…) représentaient un challenge pour moi (pas en phase avec mes compétences).
Quand je dis “pas de digital, pas de data” j’exagère bien sûr. Si on commence à fouiller, on en trouve des data. Mais sont-elles vraiment exploitables ? Est-ce qu’elles nous permettront de bien mesurer nos expériences ? Le souci se situe aussi en amont. Aucune personne dans l’équipe de Rice Trotters est dédiée pour mettre en place une stratégie online, ni pour s’occuper à plein temps des outils qui permettraient aujourd’hui de produire de la data (le site internet ou le social media).
Cependant, pour continuer à être efficace dans ma démarche j’ai décidé de ne pas voir ça comme quelque chose de bloquant. Nous n’avons pas d’adresses mail ? OK. Nous n’avons pas d’analytique ? OK. Nous ne pouvons pas mesurer la rétention ? Tant pis ! Allons identifier les zones d’opportunités de croissance et on verra.
Après avoir échangé longuement avec le manager et repéré ces zones d’opportunités, nous les avons priorisées.
Spreadsheet des opportunités de croissance
Suite à ça, nous avons défini un objectif de croissance par le biais de la méthodologie des OKR (Objectives Key Results) : “Améliorer l’offre par rapport au marché” Durée : 3 mois - KR#1 Faire une étude de marché et 10 interviews - KR#2 Augmenter le CA de 7% - KR#3 Augmenter le CA de 30%
Les OKR… ? Une méthodologie pour définir des objectifs qualitatifs et quantitatifs en parallèle. Afin de savoir si on a atteint notre objectif et comment on l’a atteint, on définit les objectifs quantitatif via les Key Results. Chaque KR est comme des paliers où le KR#1 a 90% de chance d’être atteint, le KR#2 50% et le KR#3 10%. En plus d’être data-driven dans notre suivi, cela nous pousse à être ambitieux.
Nous avons ensuite construit un backlog d’idées et priorisé des actions qui nous donneraient plus de visibilité sur la clientèle et sur le marché (cf ces fameux data qu’on avait pas).
On était enfin prêt à se lancer dans l’action !
#3 Merger l’existant et les chantiers du “growth hacking”
En prenant du recul sur ce qui s’est passé pendant 4 mois, je me dis que je changerais bien ma façon d’intégrer une démarche de “growth hacking” au sein d’une entreprise.
Vouloir mettre en place une machine de croissance c’est dans la majorité des cas un changement de culture. Par changement de culture, j’entends adopter une culture d’expérimentations. Il faut amener les personnes à être sensibles à l’impact de leurs actions sur la croissance et pour cela être data-driven ça aide !
Quand j’ai commencé à déployer mon process chez Rice Trotters, je ne me suis pas bien rendu compte que ça allait demander beaucoup de temps à l’équipe. Du temps pour comprendre, du temps pour contribuer et du temps pour être dans l’opérationnel. A côté de ça, il faut faire tourner Rice Trotters, lancer d’autres projets qui étaient déjà prévus avant que j’arrive, gérer l’équipe, les imprévus… Bref.
Conclusion, il ne faut pas chercher à rajouter une couche. Selon moi, une des premières choses à comprendre : lorsque l’on souhaite faire du growth management pour un business déjà en place, il ne faut pas voir cela comme un projet à part. Il est primordial de prendre en compte les actions en cours ou à venir (i.e les habitudes en place). En effet, avant de dérouler un process dans le vide avec l’identification des opportunités de croissance et le brainstorming des futures actions, je partirai sur trois questions toutes bêtes : “ Quels sont vos chantiers en cours ou à venir ? Comment avez-vous l’habitude de lancer et gérer ces chantiers ? Où souhaitez-vous avoir de l’impact ?” On peut de cette façon repérer le chantier avec le plus fort potentiel d’impact sur la croissance et commencer à initier ce changement de mindset.
Il est plus facile d’accélérer la croissance en s’appuyant sur des habitudes qu’en voulant en créer de nouvelles.
« Yeah baby, I’m a growth hacker! »
Après cette belle aventure, je comprends que faire du “growth hacking” c’est loin de ce qu’on te raconte dans certains articles. Je vois parfois des personnes qui se qualifient growth hacker parce qu’ils ont ramené des followers sur Twitter ou qu’ils ont trouvé un nouveau hack avec PokemonGO. C’est super d’avoir cette créativité et il en faut je pense si on veut accélérer la croissance d’une boite.
Cependant, avant de parvenir à hacker quoique ce soit il faut être réaliste et comprendre son contexte. Avoir de la patience et ne pas sauter sur la première chose à tester. Bien prioriser, bien mesurer et apprendre. Plus facile à dire qu’à faire mais ça fonctionne.
Les data ❤️
Allez un peu de data sur ces 4 mois :
- + de 100 questionnaires remplis (merci les Octos !)
- 14h d’échanges en face à face (à OCTO ou à Rice Trotters)
- + de 10 menus business pour moi
- 0 kg pris… ?
Plus précisément, l’équipe et moi avons mis en place un backlog d’idées, priorisé ces idées, définit un objectif, mis en place un Trello pour suivre nos actions, scrappé les avis des consommateurs en ligne, réalisé et distribué un questionnaire, préparé les interviews one-to-one…
Par rapport aux métriques (les KR#) de l’objectif central, nous n’avons pas mis en place d’actions avec un effet direct sur le CA. Le manager a fait une journée d’observation pour savoir ce qui se passe aux alentours. Suite au questionnaire, les interview one-to-one sont en cours.
Personnellement je pense que l’équipe a réussi à avoir cet état d’esprit data-driven ce qui facilite grandement les choses. Cependant, afin de garder une rigueur dans l’exécution des expériences et de l’analyse des données je recommande fortement d’avoir une personne dédiée à cela.